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Benjamin Bergen, Conseil canadien des Innovateurs

March 2020

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© Sa Majesté la Reine du chef du Canada
représentée par la Commissaire au lobbying du Canada, 2020

No. de catalogue Lo5-3/13-2020F-PDF
ISBN 978-0-660-34281-8

Also available in English under the title:
Investigation Report: Benjamin Bergen, Council of Canadian Innovators

Préface

Le présent rapport est présenté au Parlement du Canada en vertu de l’article 10.5 de la Loi sur le lobbying (la Loi) L.R.C. (1985), ch. 44 (4e suppl.).

Après avoir mené une enquête, la commissaire au lobbying prépare un rapport dans lequel elle présente les résultats, ses conclusions et les motifs de ses conclusions.

La commissaire est tenue de présenter son rapport au Président du Sénat et au Président de la Chambre des communes. Chaque président dépose ensuite le rapport devant la chambre qu’il préside.

La Loi sur le lobbying assure la transparence du régime fédéral de lobbying en exigeant que les lobbyistes rémunérés déclarent publiquement leurs activités de lobbying et qu’ils rendent compte de leurs communications avec les titulaires d’une charge publique désignée. Le Code de déontologie des lobbyistes établit les principes et les règles du comportement éthique attendu des lobbyistes.

Ce rapport a été déposé par :

Nancy Bélanger
Commissaire au lobbying du Canada

Table des matières

Sommaire

Ce rapport fait suite à une enquête menée par le Commissariat au lobbying du Canada (Commissariat) en vertu de l’article 10.4 de la Loi sur le lobbying (Loi) afin de déterminer si M. Benjamin Bergen, lobbyiste salarié (organisation) employé par le Conseil canadien des innovateurs (CCI), a enfreint le Code de déontologie des lobbyistes (Code). L’enquête a surtout tenté de déterminer si M. Bergen a enfreint la Règle 6 (conflit d’intérêts) ou la Règle 9 (activités politiques) du Code en faisant du lobbying auprès de l’honorable Chrystia Freeland ou auprès des membres de son cabinet ministériel après avoir entrepris des activités politiques au nom de Mme Freeland.

L’enquête n’a pas apporté de preuve à l’effet que M. Bergen ait fait du lobbying auprès de Mme Freeland. Cependant, le 7 décembre 2016, alors que Mme Freeland était ministre du Commerce international, M. Bergen a participé à une rencontre avec l’honorable David Lametti, alors secrétaire parlementaire de la ministre du Commerce international, et avec un membre du personnel du bureau de la circonscription de M. Lametti. Le CCI a déclaré cette communication dans le Registre des lobbyistes.

La Règle 9 interdit à un lobbyiste de faire du lobbying auprès d’un élu (ou d’un membre de son personnel) pour lequel il s’est livré à des activités politiques. Comme le sujet de cette enquête est en lien avec la Règle 9, qui est identifiée comme une formulation plus précise de l’interdiction générale des conflits d’intérêts énoncée à la Règle 6, l’analyse a commencé avec la règle de conduite plus spécifique qui est énoncée à la Règle 9.

Règle 9

Pour déterminer si M. Bergen a enfreint la Règle 9, je devais examiner s’il s’est livré à des activités politiques au nom de Mme Freeland alors qu’il était lobbyiste, qui pourraient vraisemblablement faire croire à la création d’un sentiment d’obligation et, dans l’affirmative, s’il a fait du lobbying auprès de Mme Freeland ou de membres de son personnel.

M. Bergen a entrepris deux types d’activités politiques au nom de Mme Freeland. Le premier, en tant que bénévole pour la campagne de Mme Freeland lors de l’élection partielle de 2013 et en tant que cogestionnaire de la campagne de réélection de Mme Freeland en 2015, a précédé l’emploi de M. Bergen comme lobbyiste salarié au CCI. Le second, en tant que membre du comité de direction de l’association de circonscription électorale de Mme Freeland, a chevauché pendant près de 17 mois son emploi comme lobbyiste salarié du CCI (c’est-à-dire du 22 mai 2016 au 12 octobre 2017).

J’ai constaté que les activités de M. Bergen liées aux campagnes électorales de Mme Freeland et ses activités au sein du comité de direction de l’association de la circonscription électorale de Mme Freeland pouvaient vraisemblablement faire croire à la création d’un sentiment d’obligation de la part de Mme Freeland.

Ayant fait cette détermination, j’ai ensuite dû déterminer si M. Bergen a fait du lobbying auprès du « personnel de bureau [de Mme Freeland] » en rapport avec la rencontre du mois de décembre à laquelle il a participé avec M. Lametti et son personnel de circonscription. J’ai constaté que M. Lametti, en son ancienne qualité de secrétaire parlementaire, et son personnel de circonscription ne sont pas considérés comme étant des « membres du personnel » du cabinet de Mme Freeland aux fins de la Règle 9. J’ai donc conclu que M. Bergen n’avait pas enfreint la Règle 9 en ce qui concerne la seule communication à laquelle il a participé.

Règle 6

En ce qui concerne la Règle 6, je n’ai trouvé aucun motif permettant de conclure que M. Bergen ait placé Mme Freeland dans un réel conflit d’intérêts. Rien n’indique, sur la base des informations recueillies dans le cadre de cette enquête, que Mme Freeland ait pris des décisions ou exercé des pouvoirs, devoirs ou fonctions officiels en sa qualité de ministre du Commerce international en ce qui concerne les programmes, politiques ou services relevant de son portefeuille ministériel qui sont liés à l’objet des activités de lobbying du CCI. Rien n’indique non plus que Mme Freeland ait eu connaissance d’une quelconque activité de lobbying du CCI.

Je n’ai également trouvé aucun motif permettant de conclure que M. Bergen ait placé Mme Freeland dans un conflit d’intérêts apparent. À mon avis, un observateur raisonnable, informé des circonstances factuelles pertinentes, ne pourrait raisonnablement conclure que les actions de M. Bergen - en co-signant une lettre afin d’organiser des réunions régulières avec M. Lametti qui ne se sont jamais concrétisées et en participant à une rencontre qui a été consignée dans le Registre des lobbyistes - devaient avoir affecté la capacité de Mme Freeland à exercer ses pouvoirs, devoirs et fonctions officiels.

Observations

Bien que j’aie déterminé que la Règle 6 n’a pas été enfreinte dans les circonstances factuelles en cause dans cette enquête, j’ai observé que l’analyse qu’exige la Règle 6 soulève des préoccupations quant à la manière dont cette disposition est actuellement rédigée.

Ma compétence en tant que commissaire au lobbying se limite à la réglementation de la conduite des lobbyistes. Toutefois, en interdisant aux lobbyistes de placer les titulaires d’une charge publique fédérale dans des conflits d’intérêts réels et apparents, la Règle 6 exige que la commissaire au lobbying tire des conclusions qui impliquent la conduite des titulaires d’une charge publique qui peuvent être soumis à des régimes éthiques distincts, y compris ceux supervisés par le conseiller sénatorial en éthique et le commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique. Ces préoccupations concernant la Règle 6 devraient être traitées dans le cadre de toute modification future du Code, qui nécessitera des consultations des parties prenantes comme le prévoit la Loi sur le lobbying. Ce faisant, il faudra envisager de modifier les règles de conduite pour se concentrer exclusivement sur les comportements spécifiques des lobbyistes sans importer le régime régissant la conduite éthique des titulaires d’une charge publique par référence implicite.

En déterminant que la Règle 9 n’a pas été enfreinte dans les circonstances de cette enquête, j’ai constaté que les secrétaires parlementaires ne sont pas considérés comme étant des membres du personnel d’un cabinet ministériel aux fins de la Règle 9. Toutefois, les secrétaires parlementaires partagent les mêmes engagements politiques que le ministre qu’ils sont chargés d’assister.

C’est pourquoi je suis d’avis que le champ d’application de la Règle 9 devrait être élargi pour inclure les personnes, telles que les secrétaires parlementaires, qui ne sont pas considérées comme du personnel politique d’un élu, mais qui partagent les mêmes engagements politiques que l’élu sous la responsabilité duquel elles opèrent. Cette question devrait aussi être abordée dans le cadre de toute consultation future des parties prenantes visant à réviser le Code.

Introduction

Le présent rapport fait suite à une enquête menée par le Commissariat au lobbying (Commissariat) en vertu de l’article 10.4 de la Loi sur le lobbying (Loi) afin de déterminer si M. Benjamin Bergen, lobbyiste salarié (organisation) employé par le Conseil canadien des innovateurs (CCI), a enfreint le Code de déontologie des lobbyistes (Code). L’enquête visait à déterminer si M. Bergen a enfreint la Règle 6 (Conflit d’intérêts) ou la Règle 9 (Activités politiques) du Code en faisant du lobbying auprès de l’honorable Chrystia Freeland ou auprès de membres de son personnel ministériel après avoir entrepris des activités politiques au nom de Mme Freeland.

Comme il est expliqué plus en détail ci-dessous, il n’y a aucune preuve que des lobbyistes salariés employés par le CCI, y compris M. Bergen, n’aient exercé des activités de lobbying auprès de Mme Freeland. Cependant, entre octobre et décembre 2016, alors que Mme Freeland était ministre du Commerce international,Note de bas de page 1 le CCI a signalé quatre communications avec l’honorable David Lametti, alors secrétaire parlementaire de la ministre du Commerce international,Note de bas de page 2 et/ou avec des membres du personnel politique de M. Lametti.

En plus de déterminer si M. Bergen participait à des activités politiques pour Mme Freeland qui pouvaient vraisemblablement faire croire à la création d’un sentiment d’obligation, cette enquête a cherché à comprendre les circonstances des communications que le CCI a rapportées avoir eu avec M. Lametti et/ou avec des membres de son personnel politique et en particulier, si M. Bergen était présent pour l'une de ces communications.

L’enquête visait également à déterminer si les actions de M. Bergen en tant que lobbyiste ont placé Mme Freeland en conflit d'intérêts réel ou apparent. Cette décision exigeait que le Commissariat vérifie si Mme Freeland avait été informée de ces communications et si elle avait pris des décisions ou exercé des pouvoirs, devoirs ou fonctions officiels en sa qualité de ministre du Commerce international relativement à la teneur des communications que le CCI a eues avec M. Lametti et/ou avec des membres de son personnel politique au cours de cette période.

Contexte

Le 11 juillet 2017, le Globe and Mail rapportaitNote de bas de page 3 que le CCI, un conseil commercial national composé de PDG d'entreprises technologiques canadiennes, avait employé comme lobbyistes salariés, trois personnes à temps plein qui avaient travaillé pour des politiciens libéraux au niveau fédéral ou provincial. Cet article indiquait notamment que M. Bergen, directeur général du CCI, avait travaillé comme adjoint exécutif de Mme Freeland lorsqu'elle était députée de l'opposition et qu'il avait agi à titre de coprésident de la campagne de Mme Freeland lors des élections fédérales de 2015. L’article indiquait également que Mme Dana O'Born, directrice des politiques du CCI, avait agi à titre de directrice de campagne officielle de Mme Freeland lors des élections de 2015 et que M. Patrick Searle, directeur des communications du CCI, avait été porte-parole des ministres libéraux en Ontario entre 2012 et janvier 2017.

Sur la base de cette information et d’autres rapports médiatiques connexes qui indiquaient que M. Bergen avait occupé un poste comme titulaire d’une charge publique au bureau de circonscription de Mme Freeland, la Direction des enregistrements et des services à la clientèle du Commissariat a communiqué avec M. Bergen pour confirmer cette information et lui conseiller de divulguer cet ancien poste en mettant à jour l’inscription déposée au nom du CCI dans le Registre des lobbyistes. Le 12 juillet 2017, M. Bergen a modifié son profil dans le Registre des lobbyistes pour y inclure ce poste.

Le même jour, la commissaire au lobbying de l'époque, Karen Shepherd, a reçu une lettre lui demandant de vérifier si M. Bergen avait contrevenu au Code en faisant du lobbying auprès d’Affaires mondiales Canada, qui comprend les ministères du Commerce international, des Affaires étrangères et du Développement international, après avoir joué un rôle de cadre supérieur dans la campagne électorale fédérale de Mme Freeland en 2015.

Processus

Le 25 juillet 2017, l'ancienne commissaire Shepherd a déclenché un examen administratif pour déterminer si M. Bergen avait contrevenu à l'une de ses obligations en vertu du Code, y compris s'il avait enfreint les Règles 6 ou 9 à la lumière de ses activités politiques présumées au nom de Mme Freeland.

Le 31 juillet 2017, le Commissariat a communiqué avec M. Bergen pour l'informer qu'il avait entamé un examen administratif de cette affaire.

Le 2 août 2017, le Commissariat a mené une entrevue en personne avec M. Bergen. Il a alors fourni des observations écrites détaillant, entre autres, son rôle d'adjoint exécutif de Mme Freeland, de gestionnaire du bureau de circonscription de Mme Freeland et de coprésident de la campagne de réélection réussie de Mme Freeland en 2015. M. Bergen a également fourni des documents à l'appui de ses observations écrites, notamment des lettres et des échanges de courriels.

Entre le 20 septembre et le 4 octobre 2017, le Commissariat a interrogé les témoins suivants :

  • M. David Lametti, député de LaSalle-Émard-Verdun et secrétaire parlementaire de la ministre Freeland en sa qualité de ministre du Commerce international, de décembre 2015 à janvier 2017.
  • Mme Megan Buttle, adjointe spéciale de M. Lametti en sa qualité de secrétaire parlementaire de la ministre du Commerce international, d'août 2016 à janvier 2017.
  • Mme Gillian Nycum, adjointe spéciale au bureau parlementaire de M. Lametti, de janvier 2016 à janvier 2017.

Le 21 mars 2018, j’ai ouvert une enquête en me fondant sur le fait que les renseignements recueillis jusque-là donnaient des raisons de croire qu'une enquête était nécessaire pour assurer la conformité au Code. M. Bergen a par la suite été informé qu'une enquête avait été ouverte pour déterminer s'il avait enfreint les Règles 6 ou 9 du Code en faisant du lobbying auprès de Mme Freeland ou du personnel du bureau de Mme Freeland après avoir participé à des activités politiques au nom de Mme Freeland.

Le 15 juin 2018, le Commissariat a interrogé Mme Freeland.

Le 25 juillet 2019, j’ai écrit à Mme Freeland et à Emily Yorke, ancienne conseillère en politiques au sein du cabinet ministériel de Mme Freeland lorsqu'elle était ministre du Commerce international, pour leur demander de répondre chacune par écrit, au moyen d’une déclaration sous serment, à une série de questions.

Le 17 août 2019, Mme Yorke a répondu aux questions du Commissariat par courriel. Comme sa réponse n'était pas sous la forme d'une déclaration sous serment, le Commissariat a par la suite pris des dispositions pour interroger Mme Yorke sous serment. Au cours de cette entrevue, qui a eu lieu le 30 septembre 2019, le Commissariat a confirmé les premières réponses écrites de Mme Yorke.

Le 8 septembre 2019, le Commissariat a reçu la déclaration sous serment de Mme Freeland.

Le 23 octobre 2019, le Commissariat a écrit à Susan Bincoletto, ambassadrice du Canada en Suisse, pour lui demander de fournir des informations sur une communication signalée par le CCI au Registre des lobbyistes pendant la période couverte par la présente enquête. Mme Bincoletto avait participé à cette communication en tant qu'ancienne sous-ministre adjointe, Développement des affaires internationales, Affaires mondiales Canada.

Le 5 décembre 2019, Mme Bincoletto a répondu à la demande du Commissariat.

Le 20 décembre 2019, après avoir reçu les engagements de confidentialité de M. Bergen et de son avocat, le Commissariat a fourni à M. Bergen une copie de l’ébauche du rapport d’enquête (sans les observations) afin d’obtenir ses représentations.

Le 30 janvier 2020, M. Bergen a répondu et a demandé que le Commissariat corrige le titre officiel de « cogestionnaire » de la campagne de ré-élection de 2015 de Mme Freeland. Le titre corrigé est inscrit à ce rapport.

Enjeux

Cette enquête visait à déterminer si M. Bergen a enfreint la Règle 6 (Conflit d’intérêts) ou la Règle 9 (Activités politiques) du Code en faisant du lobbying auprès de Mme Freeland ou de membres de son personnel ministériel après avoir entrepris des activités politiques au nom de Mme Freeland.

Les faits

Activités politiques de M. Bergen

Emplois liés à la campagne

Lors de son entrevue, M. Bergen a déclaré qu'il a participé à titre de bénévole à la campagne de Mme Freeland pour qu'elle devienne députée de Toronto-Centre lors de l'élection partielle fédérale qui a eu lieu le 25 novembre 2013.

M. Bergen a en outre déclaré qu'à la suite du succès de la campagne de Mme Freeland, il avait accepté un poste de gestion de son bureau de circonscription.

M. Bergen a également indiqué que, à l'exception d'un congé sans solde qu'il a pris pour cogérer la campagne de réélection réussie de Mme Freeland dans la circonscription réorganisée de University-Rosedale en 2015, il occupait le poste de gestionnaire du bureau de circonscription de Mme Freeland de janvier 2014 à mars 2016, date à laquelle il est parti pour devenir directeur général du CCI.

M. Bergen a déclaré que, dans son rôle de cogestionnaire de la campagne, il a organisé l’horaire quotidien et les déplacements de Mme Freeland, l'a accompagnée à des événements et s'est occupé d'un certain nombre d'autres tâches qui se sont présentées au cours de la campagne.

M. Bergen a déclaré qu'il n'avait eu aucun rapport officiel avec Mme Freeland depuis qu'il a quitté son bureau de circonscription et accepté son poste actuel au CCI.

Pour sa part, Mme Freeland a déclaré qu'elle avait d'abord rencontré M. Bergen lorsqu'il travaillait comme bénévole pour sa première campagne électorale. Elle a déclaré qu’elle pensait qu’il avait fait du bon travail en tant que bénévole et qu’elle l’avait engagé pour travailler dans son bureau de circonscription sur la base de cette évaluation. Mme Freeland a en outre déclaré qu'elle avait choisi M. Bergen pour coprésider sa campagne de réélection sur la base du travail qu'il avait fait pour elle dans ces deux rôles précédents.

En ce qui concerne plus particulièrement le rôle de coprésident de la campagne de réélection, Mme Freeland a déclaré qu'elle avait travaillé en étroite collaboration avec M. Bergen pendant de longues heures pour la campagne, une expérience que Mme Freeland a qualifié « d’intense ». Elle a fait remarquer que M. Bergen a fait « tout le travail » qui lui avait été demandé, y compris frapper à la porte des électeurs.

Je tiens à souligner que les activités politiques de M. Bergen, concernant les campagnes électorales de Mme Freeland en 2013 et 2015, ainsi que son travail de gestion du bureau de circonscription ont précédé son inscription au Registre des lobbyistes en tant qu'agent responsable et lobbyiste employé par le CCI.

Association libérale fédérale de University-Rosedale

Lors de son entrevue, M. Bergen a déclaré qu'il a été directeur du Conseil de direction de l’Association libérale fédérale (ALF) de University-Rosedale, l'association de la circonscription électorale représentée à la Chambre des communes par Mme Freeland.

M. Bergen a déclaré qu'il a joué un rôle restreint dans son poste de directeur de l’ALF de University-Rosedale, en précisant qu’il a été élu par acclamation pour occuper ce poste en l’absence d'autres candidats en raison des rôles qu’il avait joués lors des deux campagnes électorales précédentes de Mme Freeland. En outre, il a mentionné qu'il était l'un des 15 directeurs au total de l’ALF, qu'il n'avait jamais assisté à une réunion de l’ALF et que la collecte de fonds ne faisait pas partie de ses responsabilités à ce titre.

Comme indiqué dans la déclaration sous serment que Mme Freeland a fournie en réponse à la demande de renseignements supplémentaires du Commissariat, elle a confirmé que, comme en témoignent les procès-verbaux des réunions de l’ALF,Note de bas de page 4 il n’y a aucune référence à M. Bergen ayant déjà assisté à une réunion du Conseil de direction de l’ALF.

Mme Freeland a également confirmé que M. Bergen a été nommé directeur du Conseil de direction de l’ALF de Université-Rosedale le 22 mai 2016 et qu'il a occupé ce poste jusqu'au 12 octobre 2017, date à laquelle un nouveau Conseil de direction a été élu.

Cette réponse corrobore les saisies d’écran du site web de l’ALF de University Rosedale enregistrées par le Commissariat le 31 juillet et le 11 octobre 2017. Comme le reflètent ces saisies d’écran, alors que M. Bergen était répertorié comme directeur du Conseil de direction de l’ALF au 31 juillet 2017, il ne figurait pas parmi les candidats en lice pour des postes au sein du Conseil de direction de l’ALF dans l'avis d'élection enregistré le 11 octobre 2017.

Dans l’ensemble, les activités politiques de M. Bergen en tant que directeur du Conseil de direction de l’ALF de Université-Rosedale ont eu lieu en même temps que son emploi d'agent responsable et de lobbyiste employé par le CCI pendant une période de près de 17 mois (c.-à-d. du 22 mai 2016 au 12 octobre 2017). À ce titre, M. Bergen a été publiquement identifié en tant que directeur du Conseil de direction de l’ALF dans la circonscription représentée par Mme Freeland lorsque, comme il est expliqué plus en détail ci-dessous, le CCI a fait état de communications avec M. Lametti, Mme Buttle et Mme Nycum en octobre 2016 et avec M. Lametti et Mme Nycum en décembre 2016.

Conseils du commissariat sur les activités politiques antérieures de M. Bergen

Lors de son entrevue, M. Bergen a indiqué que lorsqu'il s'est joint au CCI en mars 2016, il a demandé conseil au Commissariat aux conflits d'intérêts et à l'éthique et à la Division des ressources humaines de la Chambre des communes au sujet des restrictions imposées à ses activités de lobbying en tant que membre du personnel sortant du bureau de circonscription de Mme Freeland. M. Bergen a déclaré qu'en raison de son rôle de premier plan dans la campagne de réélection réussie de Mme Freeland en 2015, on lui a dit qu'il lui était interdit de faire du lobbying auprès de Mme Freeland et de son personnel pendant une période de cinq ans.Note de bas de page 5

Comme indiqué dans ses observations écrites et comme il l'a confirmé lors de son entrevue, M. Bergen a communiqué avec le Commissariat le 30 juin 2016 au nom de Mme O'Born, avant qu’elle ne se joigne au CCI à titre de directrice des politiques, pour « confirmer de nouveau la restriction de cinq ans quant aux activités de lobbying exercées par des hauts responsables de la campagne ». M. Bergen a indiqué que le 8 juillet 2016, le Commissariat a confirmé que la direction d’une campagne électorale est une activité politique qui risque de créer un sentiment d'obligation qui pourrait raisonnablement être perçue comme plaçant le titulaire d’une charge publique en situation de conflit d'intérêts. En outre, M. Bergen a indiqué que le Commissariat l’a également informé qu’un ancien président de campagne d’un ministre ne devrait pas faire de lobbying auprès de ce ministre ou du personnel de son cabinet pendant une période de cinq ans en conformité avec la ligne directrice du Commissariat concernant la Règle 9 du Code.Note de bas de page 6

Conformément à cet avis, M. Bergen a déclaré qu'il n'avait eu aucune interaction avec Mme Freeland en lien avec son emploi au CCI. Les observations écrites déposées au nom de M. Bergen font également état de ce fait :

« Lors de l'organisation de la rencontre [journée de lobbying] avec le député Lametti, le CCI a pris des mesures pour respecter l'interdiction de cinq ans de faire du lobbying auprès de la ministre Freeland et de son personnel en travaillant directement avec les adjointes du député Lametti, soit Megan Buttle et Gillian Nycum. »

Au cours de son entrevue, Mme Freeland a indiqué qu'elle avait discuté du CCI en termes généraux avec M. Bergen avant qu’il ne quitte son bureau de circonscription et qu'elle se souvenait de lui avoir souhaité bonne chance lorsqu'elle avait appris qu'il avait accepté un poste au CCI. Mme Freeland a déclaré qu'elle n'avait pas discuté avec M. Bergen des répercussions que son poste au CCI pourrait avoir sur ses relations futures avec le gouvernement ou son cabinet ministériel. Elle a également déclaré qu'elle avait eu peu de contacts avec M. Bergen depuis qu'il avait commencé à travailler pour le CCI, en précisant qu'elle avait eu quelques rencontres fortuites avec lui lors d'événements publics à Toronto et qu'ils avaient déjà voyagé sur le même vol. Mme Freeland a confirmé qu'elle n'avait pas rencontré M. Bergen à titre officiel depuis qu'il avait commencé à travailler pour le CCI.

Conseil Canadien des Innovateurs (CCI)

Comme l’indique son site web, le Conseil canadien des innovateurs se décrit comme un « conseil commercial du 21e siècle composé uniquement de PDG venant des entreprises technologiques canadiennes dont la croissance est la plus rapide. Il vise exclusivement à aider les entreprises technologiques canadiennes à forte croissance à prendre de l’ampleur sur le plan international ». Fondé en septembre 2015, le CCI décrit son mandat comme visant à « optimiser la croissance du secteur des innovations canadien en veillant à ce que les leaders en matière de technologie et les chefs publics ou politiques du pays collaborent en vue de former un plan d’action pour l’innovation au Canada ». En particulier, le CCI indique qu'il « préconise une politique qui stimule l'innovation et aide les entreprises technologiques nationales à avoir un meilleur accès aux fonds, aux compétences et aux clients ».

À l'heure actuelle, le CCI compte 118 membres, des PDG venant d’un échantillon diversifié d’entreprises technologiques canadiennes.

Le conseil d’administration du CCI se compose de cinq membres, dont Jim Balsillie, président du CCI et John Ruffolo, vice-président du CCI.Note de bas de page 7

Le site web du CCI présente six membres du personnel, dont M. Bergen (directeur général) et Mme O’Born (directrice, Initiatives stratégiques).

Rôle de M. Bergen avec le CCI

Lors de son entrevue, M. Bergen a indiqué qu'il était directeur général du CCI depuis mars 2016. Il a déclaré qu’il était responsable de communiquer avec les PDG membres du CCI afin de comprendre les divers défis qu’ils rencontrent dans l’expansion de leurs entreprises, de manière à ce que le CCI puisse établir et développer des activités de promotion communes qui s’inscrivent dans les principaux objectifs du CCI, à savoir la promotion d’un meilleur accès aux compétences, aux fonds et aux clients dans le secteur de la technologie. M. Bergen a en outre déclaré que ses activités de lobbying découlent de ce processus consultatif d’identification d’activités de promotion communes. Concernant son rôle de directeur général, M. Bergen a estimé qu’il consacrait environ 30 % de son temps à faire du lobbying pour les priorités collectivement définies par les PDG membres du CCI.

Registre des Lobbyistes - CCI

Le CCI maintient son inscription active au Registre des lobbyistes depuis le 4 avril 2016, date à laquelle il s’est enregistré pour la première fois en tant qu’organisation employant des lobbyistes salariés.

Dans les versions des enregistrements qu’il a déposées entre le 15 septembre 2016Note de bas de page 8 et le 15 janvier 2017Note de bas de page 9, le CCI a inscrit M. Bergen non seulement comme agent responsable de fournir une déclaration au nom du CCI en vertu de l'article 7 de la Loi sur le lobbying, mais aussi comme lobbyiste salarié. Mme O’Born et M. Christopher Salloum (directeur adjoint) figuraient également parmi les lobbyistes salariés du CCI.

Dans ces deux mêmes versions des enregistrements, le CCI a inscrit « Affaires mondiales Canada » (AMC) parmi les institutions du gouvernement fédéral auprès desquelles il exerce des activités de lobbying. AMC englobe les ministères du Commerce international, des Affaires étrangères et du Développement international. Mme Freeland a été ministre du Commerce international du 4 novembre 2015 au 10 janvier 2017, date à laquelle elle a été nommée ministre des Affaires étrangères.

Dans chacune de ces deux versions, le CCI est inscrit pour exercer des activités de lobbying auprès du gouvernement fédéral sur les sujets suivants :

  • Changer le Programme d'aide à la recherche industrielle (PARI) pour permettre aux petites et moyennes entreprises (PME) de présenter plus facilement des demandes et des rapports dans le cadre du programme actuel, et augmenter le montant maximal qu’une PME peut demander.
  • Finances – changer le Programme d’encouragement fiscal à la recherche scientifique et au développement expérimental (RS&DE) pour permettre aux petites et moyennes entreprises (PME) de présenter plus facilement des demandes et des rapports dans le cadre du programme actuel, et d’augmenter le montant maximal qu’une PME peut demander.
  • Petites entreprises et Tourisme – changer le Programme d’exportation du Canada (CanExport)Note de bas de page 10 pour permettre à un plus grand nombre d'entreprises technologiques de présenter une demande.
  • Citoyenneté et Immigration – changer les délais actuels pour les visas de travail, demander des changements à l’étude d’impact sur le marché du travail afin d’accélérer le processus.
  • Approvisionnement – changer le processus de demande de propositions (DP) pour subdiviser les grands projets en des projets plus petits afin que les petites et moyennes entreprises puissent soumettre des propositions. [traduction libre]

Communications déclarées dans le registre des lobbyistes

Entre le 1er mars 2016, lorsque M. Bergen s'est joint au CCI pour la première fois, et le 10 janvier 2017, lorsque Mme Freeland a cessé d'être ministre du Commerce international, le CCI a signalé quatre communications avec des membres du personnel politique de M. Lametti, dont deux impliquaient également M. Lametti lui-même :

  • Le 13 octobre 2016, le CCI a eu une communication avec Gillian Nycum, identifiée comme « adjointe spéciale », Affaires mondiales Canada,Note de bas de page 11 pour discuter de « Commerce intérieur »
  • Le 17 octobre 2016, le CCI a eu une communication avec Megan Buttle, adjointe spéciale, Affaires mondiales Canada, pour discuter de « Commerce international ».
  • Le 20 octobre 2016, le CCI a eu une communication avec Mme Buttle et M. David Lametti, désigné comme secrétaire parlementaire de la ministre du Commerce international, pour discuter de « Commerce international ».
  • Le 7 décembre 2016, le CCI a eu une communication avec Mme Nycum, identifiée comme étant « adjointe de député, Chambre des communes », et M. Lametti pour discuter de « Propriété intellectuelle et Commerce intérieur ».

Durant cette période, M. Lametti a été secrétaire parlementaire de Mme Freeland, en sa qualité de ministre du Commerce international.

Alors que Mme O'Born a participé ou a assisté aux trois communications qui ont eu lieu en octobre 2016, M. Bergen n'était présent que pour la rencontre avec M. Lametti et Mme Nycum en décembre 2016. Comme il est indiqué ci-dessous, M. Bergen a également cosigné une lettre en sa qualité de directeur général du CCI avec M. Balsillie, président du CCI, et M. Ruffolo, vice-président du CCI, à la suite de la rencontre à laquelle Mme O'Born a assisté avec M. Lametti et Mme Buttle le 20 octobre 2016. Cette lettre à M. Lametti faisait le suivi de certains points discutés lors de la rencontre du 20 octobre.

Titulaires d’une charge publique ayant participé aux communications avec le CCI

M. Lametti

Comme il a été mentionné, M. Lametti était secrétaire parlementaire de la ministre Freeland lorsque les communications signalées par le CCI ont eu lieu en octobre et en décembre 2016.

Ms. Buttle

Pour sa part, Mme Buttle était adjointe spéciale de M. Lametti en sa qualité de secrétaire parlementaire de la ministre du Commerce international lorsque les communications signalées par le CCI ont eu lieu en octobre 2016.

Mme Nycum

Bien que Mme Nycum soit identifiée comme « adjointe spéciale, Affaires mondiales Canada » dans le rapport déposé par le CCI concernant la communication qui a eu lieu le 13 octobre 2016, elle est identifiée comme « adjointe au député, Chambre des communes » dans le rapport déposé concernant la rencontre qui a eu lieu le 7 décembre 2016. Dans son entrevue, Mme Nycum a déclaré qu'elle n'était pas adjointe spéciale à Affaires mondiales Canada, mais plutôt conseillère principale/conseillère spéciale au bureau parlementaire de M. Lametti entre janvier 2016 et janvier 2017. M. Lametti a confirmé les déclarations de Mme Nycum à cet égard, la qualifiant de chef de cabinet de son bureau sur la Colline parlementaire. Lors de son entrevue, M. Bergen a reconnu qu’il croyait comprendre que Mme Nycum avait travaillé au bureau de M. Lametti sur la Colline parlementaire et qu’elle avait été identifiée par erreur dans le Registre des lobbyistes comme adjointe spéciale à Affaires mondiales Canada.

Dans l'ensemble, je considère que la position de Mme Nycum consistait à appuyer M. Lametti en sa qualité de député.

Communication avec Mme Nycum le 13 octobre 2016

Lors de son entrevue, M. Bergen a déclaré que cette communication avait eu lieu entre Mme Nycum et Mme O'Born et qu’elle avait trait à la logistique de la journée de lobbying avec M. Lametti qui a eu lieu le 20 octobre. Cette rencontre du 20 octobre est décrite plus en détail ci-dessous.

Mme O’Born a corroboré de façon distincte la description par M. Bergen de cette communication, notant qu'elle était de nature administrative et qu’elle impliquait la prise de dispositions pour ce qui est devenu la journée de lobbying du CCI avec M. Lametti.

Lors de son entrevue, Mme Nycum a déclaré que l’objectif de cette communication avec Mme O’Born le 13 octobre, 2016 était de discuter d’arrangements logistiques en prévision de la rencontre de la journée de lobbying du CCI avec M. Lametti le 20 octobre, 2016. Mme Nycum a également ajouté qu’elle n’avait pas participé à cette rencontre de la journée de lobbying.

Dans l'ensemble, je suis d'avis que cette communication de Mme O’Born avec Mme Nycum était de nature logistique, et n’est pas une communication qui constitue une activité de lobbying pour les lobbyistes salariés au sens de la Loi.

Mais plus important encore, M. Bergen n'a pas participé à cette communication et, par conséquent, elle ne peut constituer le fondement d’une contravention à la Règle 9 par M. Bergen.

Communication avec Mme Buttle le 17 octobre 2016

Lors de son entrevue, M. Bergen a déclaré que la communication avec Mme Buttle le 17 octobre 2016 consistait en une conversation téléphonique entre Mme Buttle et Mme O'Born, qui visait à confirmer qui assisterait à la rencontre du 20 octobre et à partager les détails de l’ordre du jour proposé par le CCI. Lors de son entrevue, Mme Buttle a déclaré que la communication du 17 octobre était un appel visant à prendre des dispositions pour la rencontre du 20 octobre. Pour sa part, Mme O'Born a confirmé que la communication avec Mme Buttle le 17 octobre était entièrement de nature logistique. Une copie de l’échange de courriels de Mme O’Born avec Mme Buttle, qui atteste de la nature administrative de cette communication, a été incluse dans les pièces justificatives fournies au Commissariat.

Les observations écrites fournies au nom de M. Bergen indiquaient également que : « En organisant la rencontre avec le député Lametti, le CCI a pris des mesures pour respecter l'interdiction de cinq ans de faire du lobbying auprès de la ministre Freeland et de son personnel en travaillant directement avec les adjointes du député Lametti, soit Megan Buttle et Gillian Nycum ».

Dans l'ensemble, je suis d'avis que cette communication du 17 octobre entre Mme O’Born et Mme Buttle était de nature logistique et n’est pas une communication qui constitue une activité de lobbying pour les lobbyistes salariés au sens de la Loi.

Mais plus important encore, M. Bergen n’a pas participé à cette communication et, par conséquent, elle ne peut constituer le fondement d’une contravention à la Règle 9 par M. Bergen.

Communication avec M. Lametti et Mme Buttle le 20 octobre 2016

Dans les observations écrites fournies au nom de M. Bergen, la rencontre avec M. Lametti a été décrite comme faisant partie de la journée de lobbying organisée par le CCI à Ottawa, dans le cadre de laquelle les PDG membres du CCI ont participé à des rencontres avec un éventail de titulaires d’une charge publique. Comme l'indiquent les rapports de communication déposés par le CCI dans le Registre des lobbyistes, le CCI a fait état de 24 rencontres avec des titulaires d’une charge publique dans le cadre de la journée de lobbying qu’il a organisée à Ottawa le 20 octobre 2016.

Dans son entrevue, M. Lametti a déclaré avoir rencontré environ 10 PDG membres du CCI dans son bureau de la Colline parlementaire dans le cadre de la journée de lobbying sur l’industrie des technologies propres organisée par le CCI. M. Lametti a déclaré que la discussion a porté sur le Programme d’exportation du Canada, l’innovation, l’exportation, le commerce mondial, les délégués commerciaux ainsi que les relations stratégiques continues des membres du CCI avec le gouvernement. M. Lametti a, en outre, déclaré qu’il ne pouvait pas dire avec certitude si M. Bergen ou Mme O’Born étaient présents à cette rencontre. Il a noté que Mme O’Born figurait sur la liste des participants devant assister à cette rencontre.

Pour sa part, Mme Buttle a déclaré qu’elle avait assisté à la rencontre du 20 octobre 2016 au bureau de la Colline parlementaire de M. Lametti, rencontre qu’elle a qualifiée de table ronde d’une durée d’environ 30 minutes sur les enjeux liés à l’industrie des technologies propres. Mme Buttle a déclaré que Mme O’Born était présente, mais que M. Bergen n'était pas présent et a fait remarquer que les employés du CCI n'étaient pas très actifs au cours de la rencontre. Elle a mentionné que M. Lametti a surtout écouté les PDG membres du CCI discuter du profil de leurs entreprises respectives. Elle a également rappelé qu'elle avait reçu une trousse d'information sur chaque entreprise.

Dans son entrevue, Mme O’Born a déclaré que la rencontre entre les PDG membres du CCI et M. Lametti a duré environ une demi-heure. Elle a déclaré que les PDG se sont présentés et ont parlé de leurs entreprises respectives et que M. Lametti a parlé de son rôle de secrétaire parlementaire et a donné un aperçu global des initiatives gouvernementales auxquelles il participait, y compris, par exemple, le Programme d’exportation du Canada.

Mme O’Born a indiqué qu’elle n’a pas pris la parole au cours de la rencontre, mais qu’elle a plutôt « pris des notes en arrière-plan ». Elle a expliqué que ce sont les PDG membres qui prennent le plus souvent la parole dans ce genre de rencontre et que le CCI fournit un soutien avant et après la rencontre. Elle a également fait remarquer que Mme Buttle a joué un « rôle passif » pendant la rencontre.

Dans l'ensemble, puisque M. Bergen n'a pas participé à cette communication, elle ne peut constituer le fondement d’une contravention à la Règle 9 par M. Bergen. Cependant, comme il est décrit ci-dessous, M. Bergen a participé à la rédaction d'une lettre ultérieure à M. Lametti qui faisait le suivi de certains des points discutés lors de la rencontre du 20 octobre 2016.

Lettre à M. Lametti

Les pièces justificatives fournies au Commissariat incluent un courriel que Mme O'Born a envoyé à M. Lametti le 16 novembre 2016, auquel était jointe une lettre signée par M. Bergen (directeur général du CCI), M. Ruffolo (vice-président du CCI) et M. Balsillie (président du CCI).

Dans son courriel, Mme O’Born a écrit : « Merci de nous avoir accordé votre temps le 20 octobre. Nous espérons poursuivre la conversation et avons décrit les prochaines étapes proposées dans la lettre ci-jointe ».

Voici un extrait de la lettre jointe au courriel :

« Au cours de la rencontre, les PDG membres du CCI ont proposé de créer un groupe de travail qui se réunirait régulièrement avec vous et le ministère pour discuter d’enjeux, comme le programme CanExport, en veillant à ce que les services offerts par Exportation et développement Canada favorisent la croissance internationale des entreprises canadiennes en développement et en collaborant avec les bureaux du commerce international pour assurer l’échange d'information et la formation afin de mieux les renseigner sur les services que les entreprises technologiques canadiennes ont à offrir à l'économie mondiale ».

Lors de son entrevue, le Commissariat a présenté la lettre du CCI à M. Lametti. Il a déclaré qu'il avait accepté de tenir des réunions régulières, mais a souligné que cela représentait la pleine mesure de son engagement.

Le 23 novembre 2016, Mme O'Born a envoyé le courriel suivant à Mme Buttle :

« [J]’espérais pouvoir obtenir plus d'information sur l’examen du Programme CanExport dont vous avez parlé lors de notre rencontre. Nous avons pris contact avec certains des bureaux commerciaux en France et au Royaume-Uni; nous voulions nous assurer que nous étions sur la même piste. Nous comptons plusieurs sociétés membres qui seraient disposées à faire part de leurs commentaires ».

Le 24 novembre 2016, Mme Buttle a envoyé à Mme O’Born la réponse suivante :

« [J]'ai mis en copie Emily Yorke, du cabinet de la ministre Freeland, qui a travaillé sur le dossier de CanExport, et qui peut nous donner plus de détails sur la rétroaction des intervenants et sur la façon dont certains de vos membres peuvent participer davantage à ce dossier ».

Outre la transmission de la réponse de Mme Buttle par courriel à M. Bergen avec la mention « PVI », Mme O’Born n’a pas fait d’autre suivi auprès de Mme Buttle.

Lors de son entrevue avec le Commissariat, Mme Buttle a noté que le Programme d’exportation du Canada était géré à partir du cabinet ministériel de Mme Freeland et que c'était la raison pour laquelle elle avait transmis le courriel de Mme O'Born à Mme Yorke, conseillère en politiques du cabinet de Mme Freeland chargée de répondre aux demandes de renseignements sur le Programme d'exportation du Canada. Mme Buttle a indiqué qu’après avoir transmis le courriel de Mme O’Born à Mme Yorke, elle ne se souvenait pas avoir fait un autre suivi auprès du CCI.

Dans les observations écrites fournies au nom de M. Bergen, il est indiqué qu'en organisant des rencontres avec M. Lametti, le CCI a pris des mesures pour respecter l'interdiction de cinq ans de faire du lobbying auprès de Mme Freeland en travaillant directement avec les assistantes de M. Lametti, Mme Buttle et Mme Nycum. Les observations précisaient également que « le CCI n'avait pas répondu à la chaîne de courriels [à Mme Buttle et transmis à Mme Yorke, dont il est question ci-dessus] ni n'avait effectué de suivi du dossier d’examen de CanExport ».

La déclaration de M. Bergen à cet égard est conforme aux réponses écrites que Mme Yorke a fournies au Commissariat, à savoir qu’elle ne se souvenait d'aucun suivi de la part du CCI relativement au courriel que Mme Buttle lui a transmis le 24 novembre 2016. Dans ses réponses écrites, Mme Yorke a déclaré ne pas se souvenir d’appels, de réunions, de courriels ou d’autres interactions résultant de ce courriel. Elle a déclaré qu’il n’y avait pas de revue formelle du Programme d’exportation du Canada. Elle a également mentionné qu'elle ne croyait pas avoir parlé de ce courriel à Mme Freeland ou à qui que ce soit d'autre dans le bureau ministériel. Lors de son entrevue ultérieure avec le Commissariat le 30 septembre 2019, Mme Yorke a confirmé sous serment ses réponses écrites. Elle a ajouté qu'elle n'avait jamais rencontré ni interagi avec quelqu'un du CCI.

Lors de son entrevue avec le Commissariat, Mme Freeland a déclaré qu'elle n'avait eu aucune interaction avec le CCI en sa qualité de ministre du Commerce international et qu'elle ne se souvenait pas d'une telle interaction entre le CCI et son cabinet. Mme Freeland a ajouté qu’elle ne se rappelait pas avoir été informée par M. Lametti des rencontres qu’il aurait pu avoir avec le CCI, M. Bergen ou Mme O’Born.

Dans sa déclaration sous serment, Mme Freeland a confirmé qu'elle n'avait été informée à aucun moment par qui que ce soit, y compris M. Lametti, des activités de lobbying du CCI entre octobre 2016 et janvier 2017. Elle a également confirmé qu'elle n’était pas au courant, au moment de la rencontre avec M. Lametti, lors de la journée de lobbying organisée par le CCI le 20 octobre 2016 ou à tout autre moment incluant jusqu'au jour de son entrée en fonction comme ministre des Affaires étrangères le 10 janvier 2017, que le CCI avait cherché à établir un groupe de travail pour rencontrer M. Lametti sur une base régulière pour discuter des points mentionnés dans la lettre de suivi du CCI datée du 16 novembre 2016.

Dans sa déclaration sous serment, Mme Freeland a, en outre, confirmé qu'elle n'avait pris aucune décision ni agi dans l’exercice de ses pouvoirs, devoirs ou fonctions officiels relativement aux éléments mentionnés dans la lettre de suivi du CCI cosignée par M. Bergen, M. Balsillie et M. Ruffolo. Mme Freeland a également déclaré ne pas être responsable des points mentionnés dans la lettre de suivi du CCI après le 10 janvier 2017, date à laquelle elle est devenue ministre des Affaires étrangères.

Communication avec M. Lametti et Mme Nycum en décembre 2016

Lors de son entrevue, M. Lametti a déclaré que M. Bergen avait organisé une rencontre avec M. Balsillie, président du CCI, qui a eu lieu le 7 décembre 2016 et que cette rencontre aurait comporté une discussion approfondie sur la stratégie en matière de propriété intellectuelle et, en particulier, sur la nécessité pour le Canada de disposer d’une stratégie nationale pour protéger collectivement la propriété intellectuelle. M. Lametti a déclaré que, bien que les procès-verbaux de cette réunion indiquent que M. Bergen devait être présent, il ne pouvait pas dire avec certitude que M. Bergen y avait effectivement participé.

Lors de son entrevue, Mme Nycum a déclaré qu'elle avait assisté à la rencontre du 7 décembre 2016 avec M. Lametti et que M. Balsillie et M. Bergen y avaient tous deux été présents. Mme Nycum a rappelé que M. Balsillie avait parlé avec M. Lametti de la stratégie en matière de propriété intellectuelle, du caucus numérique (un groupe thématique du caucus libéral coprésidé par M. Lametti) et de la nécessité pour le Canada d'être un chef de file en matière de politique d'innovation. Mme Nycum a également déclaré que M. Balsillie a parlé de la nécessité pour le Canada de soutenir l'innovation et a discuté de l'approche adoptée par d’autres pays, comme Israël, qui a créé une entité publique indépendante ayant pour mandat d'encourager l'innovation. Mme Nycum a en outre déclaré que le CCI n'avait fait aucune demande ni proposition spécifique à M. Lametti au cours de la rencontre.

Analyse

Cette enquête visait à déterminer si M. Bergen a enfreint la Règle 6 (Conflit d’intérêts) ou la Règle 9 (Activités politiques) du Code en faisant du lobbying auprès de Mme Freeland ou de membres de son personnel ministériel après avoir entrepris des activités politiques au nom de Mme Freeland.

Comme la Règle 9 est soulevée dans le cadre de cette enquête et que cette Règle est explicitement identifiée comme une formulation plus précise de l’interdiction générale des conflits d’intérêts énoncée à la Règle 6, la première étape de l’analyse consiste à déterminer si M. Bergen a enfreint la Règle de conduite particulière qui est énoncée à la Règle 9.

Règle 9 - Activités politiques

La Règle 9 prévoit ce qui suit :

« Si un lobbyiste entreprend des activités politiques pour le compte d’une personne qui pourraient vraisemblablement faire croire à la création d’un sentiment d’obligation, il ne peut pas faire de lobbying auprès de cette personne pour une période déterminée si cette personne est ou devient un titulaire d’une charge publique. Si cette personne est un élu, le lobbyiste ne doit pas non plus faire de lobbying auprès du personnel du bureau dudit titulaire. »

Pour déterminer si M. Bergen a enfreint la Règle 9 du Code, je dois examiner s’il s’est livré à des activités politiques au nom de Mme Freeland lorsqu’il était un lobbyiste et que ces activités pourraient vraisemblablement faire croire à la création d’un sentiment d’obligation et, si oui, s’il a fait du lobbying auprès de Mme Freeland ou auprès de membres de son personnel.

Premier élément : Activités politiques qui pourraient faire croire à la création d’un sentiment d’obligation

Tel qu’il est indiqué dans la section des constatations figurant précédemment, M. Bergen a entrepris deux types d’activités politiques au nom de Mme Freeland. Le premier, celui de bénévole dans le cadre de la campagne de l’élection partielle de Mme Freeland en 2013 et de cogestionnaire de sa campagne de réélection en 2015, a précédé l’emploi de M. Bergen comme lobbyiste salarié du CCI. Le second, celui de membre du comité de direction de l’association de circonscription de Mme Freeland, a coïncidé avec son poste d’agent responsable et de lobbyiste salarié du CCI pendant près de 17 mois (c’est-à-dire du 22 mai 2016 au 12 octobre 2017).

Conformément à la directive du Commissariat sur la Règle 9,Note de bas de page 12 le fait de présider une campagne ou de jouer un autre rôle stratégique au sein d’une équipe de campagne et de siéger au comité de direction ou au conseil d’administration de l’association de circonscription d’un candidat sont considérés comme des activités politiques susceptibles de créer un sentiment d’obligation chez le titulaire d’une charge publique qui bénéficie de ces activités.

Étant donné l’intensité des relations de travail étroites que Mme Freeland a attesté avoir développées avec M. Bergen au cours de ses campagnes électorales menées en 2013 et en 2015 et compte tenu de l’importance de ces rôles pour aider Mme Freeland à être élue et réélue à une charge publique en tant que députée, je suis d’avis que les activités politiques de M. Bergen liées à la campagne de Mme Freeland pourraient vraisemblablement faire croire à la création d’un fort sentiment d’obligation chez Mme Freeland.

Cela dit, je suis également d’avis que les activités de M. Bergen liées aux campagnes de 2013 et de 2015 de Mme Freeland ne sont pas visées par la Règle 9 du Code, qui s’applique aux activités politiques entreprises par les lobbyistes.

Plus particulièrement, la Règle 9 s’applique expressément « [s]i un lobbyiste entreprend des activités politiques » pour le compte d’une personne qui est ou devient un titulaire d’une charge publique et que ces activités « pourraient vraisemblablement faire croire à la création d’un sentiment d’obligation ». M. Bergen n’était pas lobbyiste lorsqu’il s’est livré à des activités politiques en lien avec la campagne électorale pour le compte de Mme Freeland.

En outre, la Règle 9 prévoit qu’une personne au nom de laquelle les activités politiques ont été exercées peut par la suite devenir un titulaire d’une charge publique (« est ou devient un titulaire d’une charge publique »), mais elle ne prétend pas s’appliquer aux activités politiques des lobbyistes avant qu’ils ne deviennent lobbyistes (c’est-à-dire que la Règle ne prévoit pas s’appliquer à « une personne qui est ou devient un lobbyiste »).

Conformément aux principes d’interprétation, je suis d’avis que ce choix de libellé doit être présumé intentionnel. En d’autres termes, si la Règle devait s’appliquer aux activités passées des lobbyistes avant qu’ils ne deviennent des lobbyistes, elle l’aurait dit explicitement comme elle le fait pour les personnes qui deviennent par la suite des titulaires d’une charge publique. Selon moi, le fait qu’elle ne l’indique pas devrait, a contrario, être interprété comme étant intentionnel.

Je suis également d’avis que, non seulement le Commissariat est tenu d’appliquer le Code de déontologie des lobbyistes tel qu’il est rédigé, mais aussi que les lobbyistes assujettis au Code ont le droit de se fonder sur la lettre de la version actuelle du Code pour exercer leurs activités.

Dans cette optique, la Règle 9 ne s’applique pas aux activités politiques que M. Bergen a menées pour le compte de Mme Freeland avant mars 2016, date à laquelle il est devenu un lobbyiste salarié du CCI. Par conséquent, les activités politiques de M. Bergen liées aux campagnes de Mme Freeland ne sont pas visées par la Règle 9.

Cela dit, il serait artificiel et peu réaliste de ne pas reconnaître cette relation politique préexistante que partageaient M. Bergen et Mme Freeland. À mon avis, cette réalité est pertinente pour l’analyse de la Règle 6 du Code, ci-dessous.

De plus, il importe de savoir que M. Bergen semble avoir reconnu l’importance des activités politiques qu’il a menées pour Mme Freeland dans le cadre de ses campagnes, comme en témoigne le fait qu’il a demandé conseil au Commissariat aux conflits d’intérêts et à l’éthique (CCIE) ainsi qu’à la Division des ressources humaines de la Chambre des communes à propos des restrictions auxquelles il était soumis en raison de ses associations politiques passées avec Mme Freeland. Il est également significatif que M. Bergen a fait un suivi auprès du Commissariat à la fin juin 2016 pour confirmer sa compréhension de ces restrictions lorsque Mme O’Born a commencé à travailler au CCI. Dans la mesure où il n’existe aucune preuve que M. Bergen a fait du lobbying auprès de Mme Freeland ou d’un membre de son personnel ministériel, il semble avoir suivi les conseils qu’il a reçus du Commissariat.

En ce qui concerne le rôle de M. Bergen en tant que directeur du conseil d’administration de l’association de circonscription de Mme Freeland, les renseignements recueillis au cours de cette enquête démontrent que ce rôle était moins important que ses rôles liés aux campagnes de 2013 et de 2015, tant sur le plan de son degré d’implication que du degré d’obligation créé auprès de Mme Freeland auquel il pouvait vraisemblablement faire croire. Tel qu’il est indiqué dans la section des faits figurant précédemment, M. Bergen a déclaré qu’il jouait un rôle limité dans le cadre de son poste de directeur de l’ALF de University-Rosedale, spécifiant qu’il avait été élu par acclamation pour occuper ce poste en l’absence d’autres candidats, qu’il était l’un des 15 directeurs au total de l’ALF, que la collecte de fonds ne faisait pas partie de ses responsabilités à ce titre et qu’il n’avait jamais assisté à une réunion de l’ALF. Tel qu’il est indiqué dans la section des faits figurant précédemment, Mme Freeland a confirmé séparément que, dans les procès-verbaux des réunions de l’ALF, il n’est pas mentionné que M. Bergen ait déjà assisté à une réunion du conseil d’administration de l’ALF.

Considérés dans leur ensemble, les renseignements recueillis au cours de cette enquête établissent que les activités politiques de M. Bergen en tant que directeur du conseil d’administration de l’ALF de University-Rosedale ont coïncidé avec son emploi en tant qu’agent responsable et lobbyiste salarié du CCI pendant une période de près de 17 mois (soit du 22 mai 2016 au 12 octobre 2017).

Bien qu’il soit relativement moins important que ses activités menées dans le cadre des campagnes susmentionnées, en agissant à titre de directeur du conseil d’administration de l’ALF de University-Rosedale, M. Bergen s’est livré à des activités politiques pour le compte de Mme Freeland lorsqu’il était lobbyiste et celles-ci pouvaient néanmoins vraisemblablement faire croire à la création d’un sentiment d’obligation chez Mme Freeland au sens de la Règle 9.

Deuxième élément : Lobbying auprès de Mme Freeland ou d’un membre de son personnel

M. Lametti et Mme Nycum

À la lumière des renseignements recueillis dans le cadre de cette enquête, il n’y a aucune preuve que quelqu’un du CCI, y compris M. Bergen, ait tenté de faire du lobbying auprès de Mme Freeland.

Tel qu’il est susmentionné, M. Bergen n’a été impliqué que dans une seule des quatre communications entre M. Lametti et/ou le personnel politique de M. Lametti que le CCI a déclarées dans le Registre des lobbyistes entre octobre et décembre 2016. Cette communication concerne une réunion tenue le 7 décembre 2016 à laquelle M. Lametti et Mme Nycum ont assisté.

Pour conclure que M. Bergen a enfreint la Règle 9 en participant à cette réunion, il faudrait que je détermine que, s’étant livré à des activités politiques pour le compte de Mme Freeland qui pouvaient vraisemblablement faire croire à la création d’un sentiment d’obligation, M. Bergen a fait du lobbying auprès du « personnel du bureau [de Mme Freeland] ».

Je suis d’avis que, lorsque M. Lametti occupait le poste de secrétaire parlementaire, il n’était pas considéré comme du « personnel » du cabinet de Mme Freeland au sens de la Règle 9.

Premièrement, la Règle 9 fait la distinction entre les « élus » et le « personnel » (« si cette personne [pour le compte de laquelle des activités politiques ont été entreprises] est un élu, le lobbyiste ne doit pas non plus faire de lobbying auprès du personnel du bureau dudit titulaire »). En tant que député, M. Lametti est un élu à part entière qui dispose de son propre personnel, tant dans son bureau parlementaire que dans son bureau de circonscription, dans le cadre de son rôle de député ainsi qu’à l’appui de son rôle de secrétaire parlementaire à l’époque. Le statut de M. Lametti en tant que titulaire d’une charge publique élu à part entière contredit l’idée qu’il puisse être considéré comme un membre du personnel du Cabinet de la ministre Freeland pour l’application de la Règle 9.

Deuxièmement, bien que le rôle du secrétaire parlementaire soit d’assister un ou une ministre selon les instructions de ce dernier ou de cette dernière, le ou la ministre n’a pas d’autorité sur les conditions de nomination du secrétaire parlementaire, qui sont régies par la Loi sur le Parlement du Canada. M. Lametti a été nommé secrétaire parlementaire de la ministre du Commerce international par décret du gouverneur en conseil sur recommandation du premier ministre, conformément à l’article 46 de la Loi sur le Parlement du Canada. Le paragraphe 46(3) prévoit que les secrétaires parlementaires exercent leur fonction pendant une période maximale de 12 mois à compter de la date de leur nomination. Comme l’indique le Guide du secrétaire parlementaire du Bureau du Conseil privé, cette nomination peut être renouvelée pour plus d’un mandat.Note de bas de page 13 Le régime législatif régissant la nomination des secrétaires parlementaires renforce donc l’idée que ceux-ci ne sont pas considérés comme du « personnel » dans le cabinet d’un ministre.

En ce qui concerne Mme Nycum, les renseignements recueillis dans le cadre de cette enquête démontrent qu’elle était la conseillère principale/conseillère spéciale de M. Lametti en sa qualité de député. Je suis d’avis qu’elle ne peut donc pas être considérée comme un membre du personnel du Cabinet de Mme Freeland pour l’application de la Règle 9.Note de bas de page 14

Pour ces raisons, je suis d’avis que M. Bergen n’a pas enfreint la Règle 9 en ce qui concerne la seule communication rapportée à laquelle il a participé.

Communications avec les fonctionnaires

Entre octobre 2016 et janvier 2017, pendant la même période où le CCI a fait état de communications avec M. Lametti et/ou le personnel politique de M. Lametti et où Mme Freeland a continué d’être ministre du Commerce international, le CCI a fait état de communications avec quatre fonctionnaires d’Affaires mondiales Canada (AMC) :

  • le 20 octobre 2016, date des réunions du jour de lobbying à Ottawa, le CCI a fait état d’une communication avec Susan Bincoletto, alors sous-ministre adjointe du Développement du commerce international à AMCNote de bas de page 15, sur le thème du « commerce international »;Note de bas de page 16
  • le 21 octobre 2016, le CCI a fait état d’une communication avec Jennifer Beckermann, alors chef des visites – agente politique à AMCNote de bas de page 17, sur le thème du « commerce interne »;Note de bas de page 18
  • le 2 novembre 2016, le CCI a fait état d’une communication avec François Gauthe, délégué commercial, Innovation, Science et Technologie à AMCNote de bas de page 19, sur le thème du « commerce interne »;Note de bas de page 20
  • le 4 novembre 2016, le CCI a fait état d’une communication avec Mme Beckermann et Sanjay Purohit, délégué commercial (Londres, R.-U.) à AMCNote de bas de page 21, sur le thème du « commerce intérieur ».Note de bas de page 22

Je suis d’avis que la Règle 9 s’applique au personnel politique des titulaires d’une charge publique élus, en l’occurrence les membres du personnel du Cabinet de Mme Freeland, car on peut raisonnablement penser qu’ils sont potentiellement influencés par des considérations politiques dans leurs interactions avec les lobbyistes, y compris toute activité politique passée ayant été entreprise par ces lobbyistes au nom de la ministre.

Un corollaire important de cet avis est que, les fonctionnaires ne devraient pas être considérés comme des membres du « personnel du bureau » d’un « élu », car les fonctionnaires ont l’obligation professionnelle de maintenir leur impartialité dans l’exercice de leurs fonctions. Cette obligation d’impartialité, qui est inscrite dans le Code de valeurs et d’éthique du secteur publicNote de bas de page 23, s’applique aussi aux hauts fonctionnaires, y compris ceux qui sont nommés par décret du gouverneur en conseil, comme les sous ministres et les sous-ministres adjoints.Note de bas de page 24

Ce point de vue est renforcé par les orientations énoncées dans le document intitulé Pour un gouvernement ouvert et responsable (2015), qui établit une distinction claire entre les fonctionnaires et le personnel « politique » ou « exonéré » d’un cabinet de ministre, représentant deux catégories d’employés ayant des rôles distincts mais complémentaires. En particulier, alors que les fonctionnaires exercent leurs fonctions de manière non partisane et relèvent du sous-ministre par l’entremise d’une structure hiérarchique claire, le personnel politique ou exonéré d’un cabinet de ministre partage les engagements politiques d’un ministre et contribue une expertise particulière ou une opinion que les fonctionnaires ne peuvent fournir. Il convient de noter que ce document d’orientation fait également référence à ce personnel politique ou exonéré comme étant le « personnel du cabinet d’un ministre ».Note de bas de page 25

Au-delà du fait que les fonctionnaires ne sont pas employés dans ou par les bureaux politiques des élus, une interprétation de la Règle 9 qui inclurait les fonctionnaires dans le personnel du bureau d’un élu serait incompatible avec l’éthique professionnelle voulant que la fonction publique fédérale soit non partisane et impartiale.

De ce point de vue, les quatre réunions que le CCI a déclaré avoir eues avec Susan Bincoletto, alors sous-ministre adjointe du Développement du commerce international à AMC,Note de bas de page 26 avec Jennifer Beckermann, alors chef des visites à AMC, avec François Gauthe, délégué commercial (Paris) à AMC et avec Mme Beckermann et Sanjay Purohit, délégué commercial (Londres) à AMC, ne satisfont pas aux éléments de la Règle 9, car aucun de ces fonctionnaires et représentants qui ont travaillé pour le ministère des Affaires mondiales ne peut être considéré comme faisant partie du personnel du cabinet de Mme Freeland.

À la lumière de l’analyse qui précède, je suis d’avis que M. Bergen n’a pas enfreint la Règle 9 en ce qui concerne les communications que le CCI a déclaré avoir eues avec l’un de ces fonctionnaires.

Règle 6 - Conflit d'intérêts

Compte tenu de ma conclusion selon laquelle M. Bergen n’a pas enfreint la Règle 9 du Code, je dois déterminer s’il a enfreint l’interdiction plus générale des conflits d’intérêts qui est énoncée à la Règle 6.

La Règle 6 du Code se lit comme suit :

« Un lobbyiste ne doit proposer ni entreprendre aucune action qui placerait un titulaire d’une charge publique en situation de conflit d’intérêts réel ou apparent. »

Pour déterminer si M. Bergen a enfreint la Règle 6, je dois évaluer si l’une de ses actions en tant que lobbyiste salarié du CCI a placé Mme Freeland en situation de conflit d’intérêts réel ou apparent.

Il convient de souligner que le code ne définit pas ce qui constitue un conflit d’intérêts réel ou apparent, pas plus que la Loi sur le lobbying.

En l’absence de définitions de ces concepts dans la Loi et le Code et étant donné que la Règle 6 interdit aux lobbyistes de placer les titulaires d’une charge publique en situation de conflit d’intérêts réel ou apparent, j’ai examiné les lois fédérales et provinciales connexes, y compris la Loi sur les conflits d’intérêts fédérale et la Members’ Conflict of Interest Act (Loi sur les conflits d’intérêts des députés) de la Colombie Britannique, afin de comprendre comment ces concepts étaient définis dans d’autres administrations. J’ai également examiné les rapports de deux commissions d’enquête publique, à savoir la Commission d’enquête sur les faits reliés à des allégations de conflit d’intérêts concernant l’honorable Sinclair M. Stevens (Commission Parker) et la Commission d’enquête sur certaines allégations au sujet des transactions financières et commerciales entre Karlheinz Schreiber et le très honorable Brian Mulroney (Commission Oliphant), qui ont chacune synthétisé les sources d’autorité existantes en établissant des définitions de ces concepts.

Définitions des conflits d’intérêts réels et apparents

L’article 4 de la Loi sur les conflits d’intérêts définit ce qui constitue un conflit d’intérêts comme suit :

« 4. Pour l’application de la présente loi, un titulaire de charge publique se trouve en situation de conflit d’intérêts lorsqu’il exerce un pouvoir officiel ou une fonction officielle qui lui fournit la possibilité de favoriser son intérêt personnel ou celui d’un parent ou d’un ami ou de favoriser de façon irrégulière celui de toute autre personne. »

Il est toutefois important de noter que la Loi sur les conflits d’intérêts réglemente la conduite des titulaires d’une charge publique, y compris les ministres et les secrétaires parlementaires, plutôt que celle des lobbyistes. Il est également important de noter que la définition d’un conflit d’intérêts énoncée dans la Loi sur les conflits d’intérêts ne s’applique pas aux conflits d’intérêts apparents ni ne les englobe.Note de bas de page 27 Par conséquent, cette définition d’un conflit d’intérêts est d’une utilité limitée pour comprendre les circonstances dans lesquelles on peut considérer qu’un lobbyiste place un titulaire d’une charge publique en situation de conflit d’intérêts apparent pour l’application de la Règle 6 du Code.

La Colombie-Britannique est la seule administration au Canada qui interdit aux titulaires d’une charge publique et, plus précisément, aux membres de son assemblée législative, d’exercer leurs pouvoirs, devoirs ou fonctions officiels s’ils sont en situation de conflit d’intérêts réel ou apparentNote de bas de page 28. En particulier, l’article 3 de la Members’ Conflict of Interest Act (Loi sur les conflits d’intérêts des membres) de la Colombie Britannique énonce cette interdiction comme suit :

« Un membre ne doit pas exercer un pouvoir officiel ou remplir une fonction ou un devoir officiel s’il est en situation de conflit d’intérêts réel ou apparent. » [traduction libre]

Avant d’aborder la manière dont la Loi de la Colombie-Britannique (C. B.) définit un conflit d’intérêts réel et un conflit d’intérêts apparent, il est important de souligner que, comme son équivalent fédéral, cette loi provinciale ne vise pas à réglementer la conduite des lobbyistes.Before turning to the manner in which the B.C. Act defines conflict of interest and apparent conflict of interest, it is important to note that, like its federal counterpart, this provincial legislation does not purport to regulate the conduct of lobbyists.

Le paragraphe 2(1) de la Loi de la C.-B. définit un « conflit d’intérêts » comme suit (soulignement ajouté) :

« Pour l’application de la présente loi, un membre est en situation de conflit d’intérêts lorsqu’il exerce un pouvoir, une fonction ou un devoir officiel dans l’exécution de son mandat et qu’il sait en même temps que, dans l’exercice de son pouvoir, de sa fonction ou de son devoir, il a la possibilité de favoriser ses intérêts personnels. »Note de bas de page 29 [traduction libre]

Le paragraphe 2(2) définit un « conflit d’intérêts apparent » comme suit (soulignement ajouté) :

« Pour l’application de la présente loi, un membre est en situation de conflit d’intérêts apparent s’il existe une perception raisonnable, qu’une personne raisonnablement bien informée pourrait avoir à juste titre, que la capacité du membre à exercer un pouvoir, une fonction ou un devoir officiel doit avoir été affectée par ses intérêts personnels.Note de bas de page 30 » [traduction libre]

Dans le Rapport de la Commission Oliphant, le juge Oliphant a recommandé que la Loi sur les conflits d’intérêts soit modifiée de manière à comprendre les conflits d’intérêts apparents. Ce faisant, il a conclu qu’une telle modification pourrait s’inspirer de la définition énoncée au paragraphe 2(2) de la loi de la C.-B., modifiée si nécessaire pour tenir compte du contexte du régime d’éthique fédéral et garantir que ces conflits apparents englobent la conduite future et pas seulement la conduite passée.Note de bas de page 31 En faisant cette recommandation, le juge Oliphant a proposé de définir les conflits d’intérêts apparents comme suit :

« La définition de « conflit d’intérêts » de la Loi sur les conflits d’intérêts devrait être révisée de façon à englober les « conflits d’intérêts apparents », s’entendant d’une situation où une personne raisonnablement bien informée peut convenablement avoir une perception raisonnable que la capacité d’un titulaire de charge publique d’exercer un pouvoir officiel ou d’exécuter un devoir ou une fonction officielle sera ou doit avoir été teintée par son intérêt personnel ou par l’intérêt personnel d’un parent ou d’un ami. »Note de bas de page 32

Plusieurs caractéristiques importantes des conflits d’intérêts réels et apparents ressortent de ces définitions. Je traiterai successivement les caractéristiques significatives de chaque concept.

Conflits d’intérêts réels

Premièrement, pour qu’il y ait un conflit d’intérêts réel, un titulaire d’une charge publique, qui, à l’échelle fédérale, peut être un ministre, doit être dans une situation où il est engagé à exercer ses pouvoirs, devoirs ou fonctions officiels.Note de bas de page 33

Cette exigence concorde avec la compréhension des conflits d’intérêts réels qui est exposée par le juge Parker dans le Rapport de la Commission Parker :

« Je suis donc convaincu qu’il convient d’appliquer l’expression « conflit d’intérêts » [réel] non seulement à la prise de décision mais également à toutes les situations où le titulaire d’une charge publique se trouve à exercer ses fonctions et responsabilités officielles.

[…]

Il faut faire remarquer qu’il n’y a pas de conflit d’intérêts réel tant que le titulaire d’une charge publique ne se trouve pas à exercer effectivement une fonction ou une responsabilité officielle. »Note de bas de page 34

Cette exigence implique que les titulaires d’une charge publique ne peuvent être considérés dans une situation de conflit d’intérêts réel s’ils ne sont pas engagés à exercer des pouvoirs, devoirs ou fonctions officiels.

Deuxièmement, pour être en situation de conflit d’intérêts réel, les titulaires d’une charge publique doivent savoir qu’ils ont la possibilité de favoriser leurs propres intérêts personnels lorsqu’ils exercent leurs pouvoirs, devoirs ou fonctions officiels.Note de bas de page 35

Cette exigence liée au fait de savoir se reflète dans la définition des conflits d’intérêts réels qui est énoncée dans le Rapport de la Commission Parker (soulignement ajouté):

« Selon moi, la définition du livre vert de 1973 peut, pour les besoins de l’enquête, se reformuler de la façon suivante : un conflit d’intérêts réel est « une situation dans laquelle un ministre de la Couronne a connaissance d’un intérêt pécuniaire privé suffisant pour influer sur l’exercice de ses fonctions et responsabilités officielles ». C’est la définition que j’emploierai jusqu’à la fin du rapport. »Note de bas de page 36

Cette exigence liée au fait de savoir implique que les titulaires d’une charge publique ne peuvent être considérés dans une situation de conflit d’intérêts réel s’ils ne savent pas que l’exercice de leurs pouvoirs, devoirs ou fonctions officiels leur donne la possibilité de favoriser leurs intérêts personnels.

Troisièmement, les conflits d’intérêts réels concernent les situations dans lesquelles les titulaires d’une charge publique, dans l’exercice de leurs pouvoirs, devoirs ou fonctions officiels, ont des possibilités de favoriser leurs intérêts personnels. Bien que les intérêts personnels aient toujours été considérés comme étant les intérêts économiques ou pécuniaires personnels des titulaires d’une charge publique,Note de bas de page 37 ce terme en est venu à inclure également les intérêts non pécuniaires.Note de bas de page 38

Il convient également de noter que les intérêts personnels ne se limitent pas aux intérêts directs du titulaire d’une charge publique, mais peuvent également inclure les intérêts d’autres personnes avec lesquelles le titulaire d’une charge publique entretient des relations étroites, y compris des parents ou des amis (c’est-à-dire ceux avec lesquels le titulaire d’une charge publique a des liens étroits d’affection ou de loyauté personnelle).Note de bas de page 39

Ces types d’intérêts indirects sont pris en compte dans la définition d’un conflit d’intérêts qui est énoncée à l’article 4 de la Loi sur les conflits d’intérêts, qui s’applique aux situations dans lesquelles un titulaire d’une charge publique exerce un pouvoir, un devoir ou une fonction officiel qui lui donne la possibilité de favoriser ses intérêts personnels, ceux de ses parents ou de ses amis ou qui lui donne la possibilité de favoriser indûment les intérêts personnels d’une autre personne.

Conflits d’intérêts apparents

Alors que les conflits d’intérêts réels comprennent les situations dans lesquelles les titulaires d’une charge publique s’engagent dans une action officielle en sachant qu’ils ont la possibilité de favoriser leurs intérêts personnels, les conflits d’intérêts apparents reposent sur des perceptions raisonnables de l’existence d’un conflit d’intérêts.

Comme pour les conflits réels, il convient de souligner quelques caractéristiques importantes des conflits d’intérêts apparents.

Premièrement, les conflits d’intérêts apparents sont des conflits perçus, c’est-à-dire qu’ils sont raisonnablement perçus comme existant, qu’ils existent ou non dans les faits.

Deuxièmement, les conflits d’intérêts apparents sont jugés selon une norme objective, à savoir si un observateur raisonnable, informé des circonstances factuelles pertinentes, peut raisonnablement conclure à l’existence d’un conflit d’intérêts.

Le juge Parker a formulé cette norme dans les termes suivants dans le Rapport de la Commission Parker (soulignement ajouté) :

« Ainsi, il pourrait y avoir apparence de conflit là où il n’y a pas de conflit réel. L’existence d’un conflit réel nécessite, entre autres, la connaissance de la part du titulaire d’une charge publique de l’intérêt privé qui pourrait être affecté par son action ou son inaction. Cette connaissance n’est cependant pas nécessaire dans le cas d’un conflit apparent parce que l’apparence est une question de perception. Cependant, cette perception doit être raisonnable, juste et objective. Ainsi, il ne faudrait pas conclure qu’il y a conflit apparent à moins qu’une personne raisonnablement bien informée puisse raisonnablement conclure des circonstances qui entourent une affaire que le titulaire d’une charge publique doit avoir été conscient de ses intérêts privés. »Note de bas de page 40

Le paragraphe 2(2) de la Loi de la C.-B. et la définition d’un conflit d’intérêts apparent recommandée par la Commission Oliphant utilisent chacun la variante suivante de cette formulation de la norme objective : « une perception raisonnable, qu’une personne raisonnablement bien informée pourrait avoir à juste titre ».

Une implication importante du consensus selon lequel les conflits d’intérêts apparents doivent être jugés selon une norme objective, impartiale et équitable, fondée sur une connaissance et une compréhension raisonnables des circonstances factuelles applicables, est que l’existence de conflits d’intérêts apparents ne peut être déterminée sur la base de simples soupçons ou suppositions.

Ce point de vue a été vigoureusement soutenu par M. Paul Fraser, ancien commissaire aux conflits d’intérêts de la C. B., dans l’Avis de Campbell publié en 2009, qui a examiné « si le premier ministre de l’époque, Gordon Campbell, était en situation de conflit d’intérêts apparent en signant un décret qui aurait profité à une société dont le premier ministre détenait des actions » (soulignement ajouté) :

« Pour constituer une violation de la [loi de la C. B.], la perception d’un conflit d’intérêts ne peut pas simplement exister dans l’air ou dans l’abstrait, elle doit être établie sur la base d’un critère de caractère raisonnable. Bien que la simple perception d’un conflit d’intérêts puisse déclencher un « signal d’alarme » ou susciter des soupçons, cela ne suffit manifestement pas à étayer la conclusion d’un conflit d’intérêts apparent tant que le critère objectif du caractère raisonnable, qui est imposé par le paragraphe 2(2), n’est pas appliqué aux circonstances particulières examinées. »Note de bas de page 41 [traduction libre]

Dans cette optique, les préoccupations ne suffisent pas, à elles seules, à entretenir une perception raisonnable de l’existence d’un conflit d’intérêts apparent.

Troisièmement, les conflits d’intérêts apparents sont des situations de conflit actuel perçu.Note de bas de page 42 Il ne s’agit pas de situations hypothétiques dans lesquelles il est simplement possible que les titulaires d’une charge publique aient été influencés par leurs intérêts personnels lorsqu’ils se sont engagés dans une action officielle. Les conflits d’intérêts apparents sont plutôt des situations précises dans lesquelles un observateur raisonnable, informé des circonstances factuelles pertinentes, peut raisonnablement conclure que la capacité du titulaire d’une charge publique à exercer ses pouvoirs, devoirs et fonctions officiels « doit avoir été affectée » par ses intérêts personnels.Note de bas de page 43

Ces définitions des conflits d’intérêts réels et apparents sont instructives pour déterminer les caractéristiques essentielles de ces notions. Cela dit, il est toutefois important de souligner que le Commissariat au lobbying ne réglemente pas directement les titulaires d’une charge publique fédérale.

C’est pourquoi la présente analyse se concentre sur les actions du lobbyiste faisant l’objet de l’enquête, à savoir M. Bergen, et sur la question de savoir si l’une de ses actions en tant que lobbyiste a placé Mme Freeland en situation de conflit d’intérêts réel ou apparent en contravention de la Règle 6. Rien dans cette analyse ne prétend commenter ou ne doit être interprété comme un commentaire sur le bien-fondé de la conduite de tout titulaire d’une charge publique assujetti à la Loi sur les conflits d’intérêts.

Application aux faits en cause dans cette enquête

Pour déterminer si M. Bergen a enfreint la Règle 6 du Code, je dois évaluer si l’une de ses actions en tant que lobbyiste salarié du CCI a placé Mme Freeland en situation un conflit d’intérêts réel ou apparent. Chacune de ses possibilités est analysée à tour de rôle.

Conflit d’intérêts réel

Tel qu’il est susmentionné, des conflits d’intérêts réels surviennent dans les situations où un titulaire d’une charge publique exerce un pouvoir, un devoir ou une fonction officiel tout en sachant que, ce faisant, il a la possibilité de favoriser ses intérêts personnels ou ceux d’autres personnes avec lesquelles il entretient des relations étroites.

Dans le cadre de cette enquête, rien ne permet de conclure que M. Bergen a placé Mme Freeland dans une situation de conflit d’intérêts réel.

Premièrement, rien n’indique, à la lumière des renseignements recueillis dans le cadre de cette enquête, que Mme Freeland a pris des décisions ou exercé des pouvoirs, devoirs ou fonctions officiels en sa qualité de ministre du Commerce international relativement aux programmes, politiques ou services faisant partie de son portefeuille ministériel qui concernaient l’objet des activités de lobbying du CCI, y compris les sujets dont le CCI a proposé de discuter avec M. Lametti dans le cadre du groupe de travail que le CCI a tenté de créer après la première réunion de la journée de lobbying tenu le 20 octobre 2016 ou proposer de discuter avec M. Lametti dans le cadre du groupe de travaill indiqué dans la lettre de suivi que Mme O’Born a transmise par courriel à Mme Buttle.uttle.

Dans sa déclaration sous serment, Mme Freeland a affirmé n’avoir exercé aucun pouvoir, devoir ou fonction officiel en tant que ministre du Commerce international relativement aux programmes ou aux politiques dont le CCI a discuté avec M. Lametti, y compris le Programme canadien d’exportation, entre la réunion de la journée de lobbying tenue le 20 octobre 2016 et le 10 janvier 2017, date à laquelle elle a été nommée ministre des Affaires étrangères. Mme Freeland a également confirmé qu’elle n’avait conservé aucune responsabilité dans les programmes ou les politiques dont le CCI a discuté avec M. Lametti, y compris le Programme canadien d’exportation, en sa qualité de ministre des Affaires étrangères.

Deuxièmement, rien n’indique que Mme Freeland était au courant des activités de lobbying du CCI, notamment la suggestion d’organiser des réunions régulières avec M. Lametti pour discuter, entre autres, du Programme canadien d’exportation. Tel qu’il est susmentionné, M. Bergen a demandé et reçu des conseils du Commissariat concernant le fait que ni lui ni Mme O’Born ne devraient faire du lobbying auprès de Mme Freeland ou auprès des membres de son personnel ministériel pendant une période de cinq ans compte tenu du rôle qu’ils ont chacun joué dans la cogestion de sa campagne électorale de 2015. Les preuves recueillies dans le cadre de cette enquête démontrent que ni M. Bergen ni Mme O’Born n’ont rencontré Mme Freeland ou communiqué avec elle dans le cadre de ses fonctions officielles.

En outre, rien n’indique que Mme Freeland a déjà été informée de quoi que ce soit en rapport avec les activités de lobbying du CCI. Dans sa déclaration sous serment, Mme Freeland a affirmé n’avoir jamais été informée par qui que ce soit, y compris M. Lametti, des activités de lobbying du CCI entre octobre 2016 et janvier 2017. Les déclarations de Mme Freeland à cet égard concordent avec le témoignage sous serment de Mme Yorke, selon lequel celle-ci n’a pas informé Mme Freeland ni personne d’autre au sein du Cabinet de Mme Freeland à propos du courriel de suivi du CCI que Mme Buttle lui a transmis le 24 novembre 2016, dans lequel le CCI demandait des renseignements supplémentaires sur le Programme canadien d’exportation.

En l’absence de preuve que Mme Freeland était au courant des activités de lobbying du CCI ou qu’elle exerçait ou même envisageait d’exercer des pouvoirs, devoirs ou fonctions officiels en rapport avec l’objet des activités de lobbying du CCI, rien ne permet de conclure que les actions de M. Bergen ont placé Mme Freeland en situation de conflit d’intérêts réel.Note de bas de page 44

Conflit d’intérêts apparent

Comme il est expliqué en détail plus haut, les conflits d’intérêts apparents impliquent des situations de conflit actuel perçu.

Tel qu’il est susmentionné, l’existence d’un conflit d’intérêts apparent est jugée selon une norme objective, à savoir si un observateur raisonnable, informé des circonstances factuelles pertinentes, peut raisonnablement conclure que la capacité d’un titulaire d’une charge publique à exercer ses pouvoirs, devoirs ou fonctions officiels seraNote de bas de page 45 ou a dû être affectée par ses propres intérêts personnels ou ceux d’autres personnes avec lesquelles le titulaire d’une charge publique entretient des relations étroites, y compris des parents et des amis.

Tel qu’il est également susmentionné, l’analyse de la Règle 6 est axée sur la conduite des lobbyistes assujettis au Code, en l’occurrence M. Bergen, en sa qualité de lobbyiste salarié du CCI.

À la lumière des renseignements recueillis dans le cadre de cette enquête, résumés en détail plus haut, un observateur raisonnable qui est informé des circonstances factuelles pertinentes devrait déterminer si M. Bergen, agissant en sa qualité de lobbyiste salarié du CCI, pouvait raisonnablement être considéré comme ayant placé Mme Freeland dans une situation de conflit d’intérêts apparent en se fondant sur les considérations suivantes :

  • M. Bergen s’est engagé dans des activités politiques pour le compte de Mme Freeland avant et après qu’il soit devenu lobbyiste pour du CCI. Il s’est notamment porté volontaire pour la première campagne fédérale de Mme Freeland en 2013 et a été cogestionnaire de sa campagne de réélection couronnée de succès en 2015. Ces activités ont précédé son entrée en fonction au CCI. Pendant 17 mois au cours de son emploi en tant que lobbyiste salarié du CCI (c’est-à-dire entre le 22 mai 2016 et le 12 octobre 2017), M. Bergen a été publiquement désigné comme étant un directeur du conseil d’administration de l’association de circonscription de Mme Freeland. Ces activités politiques peuvent vraisemblablement faire croire à la création d’un sentiment d’obligation chez Mme Freeland.
  • Avant d’entrer en fonction au CCI en mars 2016, M. Bergen a demandé conseil au Commissariat aux conflits d’intérêts et à l’éthique (CCIE) et à la Division des ressources humaines de la Chambre des communes concernant les restrictions applicables à ses activités de lobbying en tant que membre du personnel sortant du bureau de circonscription de Mme Freeland. M. Bergen a été informé qu’en raison de son rôle important dans la campagne de réélection couronnée de succès de Mme Freeland en 2015, il lui était interdit de faire du lobbying auprès de Mme Freeland et de son personnel pendant une période de cinq ans. M. Bergen a également demandé conseil au Commissariat à la fin juin 2016, lorsque Mme O’Born est entrée en fonction au CCI pour devenir sa directrice des politiques. Le Commissariat a informé M. Bergen qu’en tant que cogestionnaires de la campagne de réélection de Mme Freeland en 2015, ni lui ni Mme O’Born ne devaient faire du lobbying auprès de Mme Freeland ou du personnel de son Cabinet pendant une période de cinq ans. M. Bergen a suivi ce conseil dans la mesure où rien ne prouve qu’il a déjà eu des rapports officiels avec Mme Freeland ou des membres de son personnel ministériel.
  • Dans le cadre de son premier jour de lobbying à Ottawa le 20 octobre 2016, le CCI a organisé une réunion de présentation entre M. Lametti, alors secrétaire parlementaire de Mme Freeland en sa qualité de ministre du Commerce international, et les PDG de 10 entreprises membres du CCI. Au cours de cette réunion, qui a duré 30 minutes, les PDG membres se sont présentés et ont décrit leurs activités respectives. Pour sa part, M. Lametti a parlé de son rôle de secrétaire parlementaire et a donné un aperçu général des initiatives auxquelles il participait. M. Bergen n’a pas assisté à cette réunion, qui a été rapportée au Registre des lobbyistes.
  • M. Bergen a cosigné une lettre destinée à M. Lametti et datée du 16 novembre 2016 afin de le remercier pour la réunion du 20 octobre et de tenter de créer un groupe de travail qui se réunirait régulièrement avec M. Lametti pour discuter de questions telles que le Programme canadien d’exportation, la garantie que les services offerts par Exportation et développement Canada encouragent la croissance internationale des entreprises technologiques canadiennes et la garantie que les bureaux commerciaux internationaux soient mieux informés des services que les entreprises technologiques canadiennes peuvent offrir à l’économie mondiale. Mme O’Born a envoyé cette lettre par courriel à Megan Buttle, adjointe spéciale de M. Lametti en sa qualité de secrétaire parlementaire de la ministre du Commerce international, qui l’a immédiatement transmise à Emily Yorke, la conseillère en matière de politiques du Cabinet de Mme Freeland qui est chargée de répondre aux demandes de renseignements généraux concernant le Programme canadien d’exportation. Mme Yorke n’a pris aucune autre mesure concernant ce courriel, et aucun courriel ni aucune réunion ou autre interaction n’a fait suite à sa transmission. Mme Yorke n’a jamais rencontré quelqu’un du CCI ni eu d’interaction avec quelqu’un du CCI et elle n’a pas informé Mme Freeland ou un membre de son cabinet de la lettre que M. Bergen a cosignée. Il n’y a pas non plus de preuve de la tenue d’une des réunions du groupe de travail proposées avec M. Lametti.
  • M. Bergen a assisté, le 7 décembre 2016, à une réunion entre M. Lametti et M. Balsillie, président et directeur général du CCI. Au cours de cette réunion, M. Balsillie et M. Lametti ont eu une discussion générale sur la stratégie en matière de propriété intellectuelle et la politique d’innovation du Canada. Cette réunion a été rapportée au Registre des lobbyistes.
  • Mme Freeland n’a jamais été informée par qui que ce soit, y compris M. Lametti, des activités de lobbying du CCI menées entre octobre 2016 et janvier 2017, date à laquelle elle a cessé d’être ministre du Commerce international. Mme Freeland ne savait pas que le CCI avait tenté de créer un groupe de travail pour rencontrer régulièrement M. Lametti, que ce soit lors de la réunion du jour de lobbying du CCI avec M. Lametti le 20 octobre 2016 ou à n’importe quelle autre occasion jusqu’à ce qu’elle soit nommée ministre des Affaires étrangères le 10 janvier 2017.
  • Mme Freeland n’a pas exercé de pouvoirs, devoirs ou fonctions officiels en sa qualité de ministre du Commerce international relativement aux programmes ou aux politiques faisant partie de son portefeuille ministériel qui concernaient l’objet des activités de lobbying du CCI, y compris les sujets dont le CCI a proposé de discuter avec M. Lametti dans le cadre du groupe de travail que le CCI a tenté de créer après la première réunion de son jour de lobbying, soit entre le 20 octobre 2016 et le 10 janvier 2017, date à laquelle elle a été nommée ministre des Affaires étrangères.
  • Mme Freeland n’a conservé aucune responsabilité dans les programmes ou les politiques dont le CCI a discuté avec M. Lametti, y compris le Programme canadien d’exportation, en sa qualité de ministre des Affaires étrangères.
  • M. Lametti a cessé d’être secrétaire parlementaire du ministre des Affaires étrangères le 14 janvier 2017, date à laquelle il a été nommé secrétaire parlementaire du ministre de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique.

Dans l’ensemble, je suis d’avis qu’un observateur raisonnable, informé de ces circonstances factuelles, ne pourrait raisonnablement conclure que les actions de M. Bergen – en cosignant une lettre de remerciement visant à organiser des réunions régulières avec M. Lametti qui ne se sont jamais concrétisées et en assistant à une réunion, déclarée dans le Registre des lobbyistes, entre M. Lametti et M. Balsillie – doivent avoir affecté la capacité de Mme Freeland à exercer ses pouvoirs, devoirs ou fonctions officiels.

Ces actions de la part de M. Bergen ne peuvent être raisonnablement perçues comme ayant placé Mme Freeland dans une situation de conflit d’intérêts apparent.

Tout sentiment d’obligation ou de loyauté qu’un observateur raisonnable peut percevoir chez Mme Freeland à l’égard de M. Bergen ne donne pas lieu à une perception raisonnable que l’une des actions de M. Bergen en relation avec la tentative du CCI d’organiser des réunions régulières avec M. Lametti a placé Mme Freeland dans une situation de conflit d’intérêts.

En arrivant à cette conclusion, je voudrais souligner qu’il ne s’agit pas de savoir s’il est possible qu’un tel sentiment d’obligation ou de loyauté puisse, dans un sens abstrait ou hypothétique, affecter la capacité de Mme Freeland à exercer ses pouvoirs, devoirs ou fonctions officiels de manière à favoriser les intérêts personnels du CCI ou des entreprises membres du CCI, mais plutôt de savoir si un observateur raisonnable pourrait raisonnablement conclure qu’un tel sentiment d’obligation ou de loyauté doit avoir eu un tel effet dans cet ensemble particulier de circonstances factuelles.

Je suis d’avis que la réponse à cette dernière question est clairement non et que l’on ne peut donc pas considérer que M. Bergen ait placé Mme Freeland dans une situation de conflit d’intérêts apparent.Note de bas de page 46

Conclusion

Pour tous les motifs susmentionnés, je suis d’avis que M. Bergen n’a pas enfreint la Règle 6 (Conflit d’intérêts) ni la Règle 9 (Activités politiques) du Code.

Observations

Règle 6

Cette enquête est la première de mon mandat de commissaire au lobbying au cours de laquelle j’ai dû évaluer si un lobbyiste avait enfreint la Règle 6 du Code en agissant de manière à placer un titulaire d’une charge publique en situation de conflit d’intérêts réel ou apparent.

Bien que j’ai déterminé que la Règle 6 n’avait pas été enfreinte dans les circonstances factuelles en cause dans cette enquête, l’analyse requise par la Règle 6 a soulevé des préoccupations quant à la manière dont cette disposition est actuellement rédigée.

Ma compétence en tant que commissaire au lobbying se limite à la réglementation de la conduite des lobbyistes. Toutefois, en interdisant aux lobbyistes de placer des titulaires d’une charge publique fédérale en situation de conflit d’intérêts réel ou apparent, la Règle 6 exige que la commissaire au lobbying tire des constatations concernant la conduite de titulaires d’une charge publique pouvant être assujettis à des régimes éthiques distincts, y compris ceux supervisés par le conseiller sénatorial en éthique et le commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique.

Par exemple, si je concluais qu’un lobbyiste a placé un titulaire d’une charge publique fédérale en situation de conflit d’intérêts réel, cela signifierait notamment que le titulaire d’une charge publique a exercé ses pouvoirs, devoirs ou fonctions officiels en sachant que, ce faisant, il avait la possibilité de favoriser ses propres intérêts personnels ou ceux de ses parents ou de ses amis. Dans la mesure où le titulaire d’une charge publique était assujetti au Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs, à la Loi sur les conflits d’intérêts ou au Code régissant les conflits d’intérêts des députés,Note de bas de page 47 cette conduite relèverait directement du mandat du conseiller sénatorial en éthique ou du commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique.

Il existe également un risque que, en appliquant les règles de conduite dans le cadre de ces régimes éthiques distincts, le conseiller sénatorial en éthique ou le commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique n’arrive pas à la même conclusion que moi quant à savoir si le titulaire d’une charge publique se trouvait en situation de conflit d’intérêts réel.

Dans une telle éventualité, je crains d’excéder ma compétence, d’empiéter sur celle du conseiller sénatorial en éthique ou du commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique et d’entraîner des décisions contradictoires concernant la même situation de faits.

Bien qu’aucune de ces conséquences n’ait eu lieu dans les circonstances particulières en cause dans cette enquête, elles risquent de survenir en raison de la manière dont la Règle 6 est actuellement rédigée.

Pour ces raisons, je suis d’avis que ces préoccupations concernant la Règle 6 devraient être examinées dans le cadre de modifications futures au Code, dont le processus établi dans la Loi sur le lobbying prévoit des consultations avec les intervenants. Ce faisant, il faudra envisager de modifier les règles de conduite pour se concentrer exclusivement sur les comportements précis des lobbyistes sans incorporer le régime régissant la conduite éthique des titulaires d’une charge publique en y faisant implicitement référence.

Règle 9

En décidant que la Règle 9 n’avait pas été enfreinte dans les circonstances de cette enquête en particulier, j’ai constaté que les secrétaires parlementaires ne sont pas considérés comme du « personnel » dans un cabinet de ministre aux fins de la Règle 9.

J’ai constaté que le statut de secrétaire parlementaire à titre de titulaire d’une charge publique élu à part entière va à l’encontre de l’idée selon laquelle ils peuvent être considérés comme du « personnel » d’un cabinet de ministre au sens de la Règle 9.

J’ai également constaté que, bien que le rôle du secrétaire parlementaire soit d’assister un ministre selon les instructions de ce dernier, le ministre n’a pas autorité sur les conditions de nomination du secrétaire parlementaire, qui sont régies par la Loi sur le Parlement du Canada. Les secrétaires parlementaires sont nommés par décret du gouverneur en conseil sur recommandation du premier ministre, conformément à l’article 46 de la Loi sur le Parlement du Canada. Le régime législatif régissant la nomination des secrétaires parlementaires renforce donc l’idée que ceux-ci ne sont pas considérés comme du « personnel » dans le cabinet d’un ministre.

Bien que les secrétaires parlementaires ne soient pas considérés comme du personnel d’un cabinet de ministre aux fins de la Règle 9, ils partagent les mêmes engagements politiques que le ministre qu’ils sont chargés d’assister. Ainsi, les motifs justifiant l’interdiction faite aux lobbyistes de faire du lobbying auprès du personnel politique d’un élu pour lequel ils ont entrepris des activités politiques – à savoir que ce personnel politique pourrait très raisonnablement être considéré comme étant potentiellement influencé par des considérations politiques dans ses interactions avec les lobbyistes – devraient aussi s’appliquer aux secrétaires parlementaires.

Par conséquent, je suis d’avis que le champ d’application de la Règle 9 devrait être élargi pour comprendre les personnes, telles que les secrétaires parlementaires, qui ne remplissent pas les conditions requises pour faire partie du personnel politique d’un élu, mais qui partagent les mêmes engagements politiques que l’élu sous la responsabilité duquel elles exercent leurs activités. Cette question devrait être traitée dans le cadre de futures consultations visant à réviser le Code selon les exigences de la Loi sur le lobbying.

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