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Les activités de lobbying de Will Stewart

Table des matières

Lettres

L'honorable Noël A. Kinsella
Président du Sénat
Le Sénat
Ottawa (Ontario)
K1A 0A4

Monsieur le Président,

Conformément à l'article 10.5 de la Loi sur le lobbying, j'ai l'honneur de vous présenter un rapport d'enquête portant sur les activités de lobbying de Will Stewart aux fins de son dépôt au Sénat. L'enquête a été réalisée conformément à l'article 10.4 de la Loi.

Je vous prie d'accepter, Monsieur le Président, l'expression de mes sentiments distingués.

Karen E. Shepherd


L'honorable Peter Milliken, député
Président de la Chambre des communes
Pièce 316-N, Édifice du Centre
Chambre des communes
Ottawa (Ontario)
K1A 0A6

Monsieur le Président,

Conformément à l'article 10.5 de la Loi sur le lobbying, j'ai l'honneur de vous présenter un rapport d'enquête portant sur les activités de lobbying de Will Stewart aux fins de son dépôt à la Chambre des communes. L'enquête a été réalisée conformément à l'article 10.4 de la Loi.

Je vous prie d'accepter, Monsieur le Président, l'expression de mes sentiments distingués.

Karen E. Shepherd

Commentaires de la commissaire

En ma qualité de commissaire au lobbying, j'ai la responsabilité d'enquêter sur les allégations d'activités non conformes à la Loi sur le lobbying (la Loi) et au Code de déontologie des lobbyistes (le Code). J'ai pris connaissance de ce cas à la suite de la publication d'articles dans le quotidien Toronto Star au sujet d'une activité politique organisée en vue de recueillir des fonds pour l'honorable Lisa Raitt, qui occupait alors le poste de ministre des Ressources naturelles. Le 2 octobre 2009, ce quotidien a rapporté, entre autres, que Michael McSweeney, un lobbyiste enregistré employé comme vice-président, Relations avec l'industrie, à l'Association canadienne du ciment (ACC), avait participé à l'organisation d'un souper-bénéfice pour la ministre des Ressources naturelles le 24 septembre 2009.

Le 5 octobre 2009, j'ai lancé un examen administratif, un exercice de recherche de faits visant à m'aider à déterminer si je devais mener une enquête relativement aux activités de lobbying de M. McSweeney. Le 6 octobre 2009, l'examen administratif a été élargi pour inclure l'examen des activités de lobbying de M. Will Stewart, après que j'eus reçu une lettre d'Arthur Hamilton, qui disait être l'avocat du Parti conservateur du Canada et de ses différentes associations de circonscription. Dans cette lettre, M. Hamilton m'informait que l'Association conservatrice de Halton avait organisé une activité de financement au profit de la ministre Raitt, et que deux lobbyistes enregistrés, M. Will Stewart et M. Michael McSweeney, avaient participé à des ventes de billets pour l'activité de financement. Il a également fait savoir que le Parti conservateur du Canada et l'Association conservatrice de Halton examinaient les mesures correctives possibles, et qu'il m'écrirait de nouveau une fois ces mesures mises en œuvre.

Le 29 juillet 2010, sur la base des renseignements obtenus durant l'examen administratif, j'ai décidé d'ouvrir une enquête en vertu du paragraphe 10.4(1) de la Loi sur le lobbying.

Enjeu

Les lobbyistes doivent respecter certaines obligations juridiques et professionnelles lorsqu'ils travaillent pour le compte de leurs clients ou de leurs employeurs. Les lobbyistes-conseils doivent fournir une déclaration au commissaire si, moyennant paiement, ils s'engagent à ménager des entrevues (organiser des rencontres) ou à communiquer avec des titulaires d'une charge publique au sujet des mesures suivantes : l'élaboration d'une proposition législative; le dépôt, l'adoption, le rejet ou la modification d'un projet de loi ou d'une résolution; la prise ou la modification d'un règlement; l'élaboration ou la modification d'une politique ou d'un programme; ou l'octroi d'une subvention, d'une contribution ou d'un autre avantage financier. Une fois enregistrés, ils doivent signaler chaque mois leurs communications avec des titulaires d'une charge publique désignée.

Tous les lobbyistes sont tenus de se conformer au Code de déontologie des lobbyistes. Les allégations dans ce cas se rattachent à la participation active de lobbyistes à une activité de financement politique au profit de la ministre Raitt au cours d'une période où avaient également lieu des activités de lobbying enregistrées, y compris le lobbying direct de la ministre Raitt. Cela constituait une infraction à la Règle 8 du Code de déontologie des lobbyistes, l'une des trois règles du Code portant sur les conflits d'intérêts.

Enquête

Dans le cadre de l'enquête en vertu du Code de déontologie des lobbyistes, la Direction des enquêtes du Commissariat a examiné et analysé les allégations contre M. Stewart, a mené une série d'entrevues et a préparé un rapport d'enquête. M. Stewart a eu l'occasion de présenter son point de vue au sujet de ce rapport. J'ai pris en considération le point de vue de M. Stewart et les arguments de son avocat lors de la préparation de ce rapport au Parlement dans lequel je présente mes constatations, mes conclusions et les motifs de mes conclusions, conformément au paragraphe 10.5(1) de la Loi sur le lobbying.

Conclusions

Dans le présent rapport, je conclus que M. Stewart a participé à l'organisation d'une activité de financement pour l'Association conservatrice de Halton tenue le 24 septembre 2009, en jouant un rôle important dans l'organisation de l'activité et en vendant des billets pour l'activité en question. Ses actions ont servi les intérêts personnels de la ministre des Ressources naturelles d'alors, l'honorable Lisa Raitt, en raison du fait qu'elle était la candidate aux élections de l'Association conservatrice de Halton au moment de l'activité de financement.

Au cours de la même période, M. Stewart était enregistré pour faire du lobbying pour le compte de différents clients relativement à des questions qui relevaient de la ministre, et il a communiqué directement avec celle-ci concernant les sujets visés par l'enregistrement.

Par conséquent, j'ai conclu que ses actions avaient placé la ministre dans une situation de conflit d'intérêts apparent, et qu'il avait donc contrevenu à la Règle 8 du Code de déontologie des lobbyistes.

Cependant, en toute justice pour M. Stewart, à la suite de la décision de la Cour d'appel fédérale dans le cas Démocratie en surveillance c. Barry Campbell et le Procureur général du CanadaNote de bas de page 1 le 12 mars 2009, les lobbyistes ont été placés dans une position où leurs obligations en vertu de la Règle 8 du Code de déontologie des lobbyistes avaient changé. Étant donné la grande variété de situations pouvant survenir, des lobbyistes ont soutenu qu'il était difficile pour eux de déterminer le seuil à partir duquel leurs activités politiques pourraient avoir des implications pour leurs activités de lobbying. Le seuil à partir duquel les activités de lobbying placent un titulaire d'une charge publique dans une situation de conflit d'intérêts avait été modifié par cette décision de la Cour d'appel fédérale, ce qui a créé une certaine incertitude pour les lobbyistes.

Je suis convaincue que ce Rapport fournira des précisions additionnelles en ce qui concerne l'application de la Règle 8 et aidera les lobbyistes à concilier leurs activités de lobbying avec les activités politiques dans lesquelles ils sont engagés, le cas échéant.

Le Code de déontologie des lobbyistes

Les activités de lobbying sont légitimes. Lorsqu'elles sont menées de manière éthique et transparente, conformément aux normes de conduite les plus rigoureuses, elles peuvent améliorer le dialogue entre les Canadiens, les entreprises, les organisations et le gouvernement.

Le Code de déontologie des lobbyistes (le Code) est entré en vigueur le 1er mars 1997 pour compléter l'ancienne Loi sur l'enregistrement des lobbyistes (LEL). Le Code a été développé afin de donner aux Canadiens l'assurance que les activités de lobbying auprès des titulaires d'une charge publique sont menées de façon à préserver leur confiance dans l'intégrité, l'objectivité et l'impartialité du processus décisionnel du gouvernement. Les personnes se livrant à des activités de lobbying enregistrables en vertu de la Loi sur le lobbying doivent également se conformer au Code de déontologie des lobbyistes.

Durant la période visée par le présent rapport, les personnes rémunérées pour communiquer ou ménager des entrevues (organiser des rencontres) avec des titulaires d'une charge publique étaient tenues de s'enregistrer dans le Registre des lobbyistes. Le terme « titulaire d'une charge publique » s'applique à pratiquement toutes les personnes occupant un poste au gouvernement du Canada, y compris les sénateurs, les députés et leur personnel, les employés des ministères et organismes fédéraux, et les membres des Forces canadiennes et de la Gendarmerie royale du Canada.

Le Code de déontologie des lobbyistes établit des normes de conduite obligatoires pour les personnes qui se livrent à des activités jugées enregistrables aux termes de la Loi. Comme la plupart des codes de déontologie régissant une profession, le Code de déontologie des lobbyistes commence par un préambule qui en établit les objectifs dans un contexte plus général. Ensuite, un ensemble de principes présente, de façon positive, les buts et objectifs à atteindre, sans toutefois définir de normes précises. Ces principes d'intégrité, d'honnêteté, d'ouverture et de professionnalisme sont des buts à atteindre et constituent des orientations générales.

Ces principes sont suivis d'une série de huit règles établissant des obligations et des exigences précises pour les lobbyistes. Ces règles se divisent en trois catégories : transparence, confidentialité et conflits d'intérêts. Aux termes des règles sur la transparence, les lobbyistes sont tenus de fournir des renseignements exacts aux titulaires d'une charge publique, et de révéler l'identité des personnes ou des organisations qu'ils représentent ainsi que l'objet de leur représentation. Ils doivent également communiquer à leurs clients, employeurs ou organisations les obligations auxquelles ils sont assujettis en vertu de la Loi sur le lobbying et du Code de déontologie des lobbyistes. Selon les règles sur la confidentialité, les lobbyistes ne peuvent divulguer de renseignements confidentiels ni se servir de renseignements d'initiés au désavantage de leurs clients, de leurs employeurs ou de leurs organisations. Enfin, aux termes des règles sur les conflits d'intérêts, il est interdit aux lobbyistes de représenter des intérêts conflictuels ou concurrentiels sans le consentement des parties intéressées, ou de placer des titulaires d'une charge publique en situation de conflit d'intérêts en proposant ou en prenant toute action qui constituerait une influence répréhensible sur ces titulaires.

Enquêtes sur les allégations d'infractions au Code de déontologie des lobbyistes

Les lobbyistes sont tenus par la loi de se conformer au Code de déontologie des lobbyistes. En vertu de la Loi sur le lobbying, la commissaire doit faire enquête lorsqu'elle a des raisons de croire qu'une enquête est nécessaire au contrôle d'application du Code ou de la Loi, selon le cas.

Les infractions au Code de déontologie des lobbyistes n'entraînent pas d'amendes ou de peines d'emprisonnement, mais le rapport d'enquête de la commissaire, qui comprend ses constatations, ses conclusions et les motifs de ses conclusions, doit être déposé devant les deux chambres du Parlement. Il n'existe pas de délai de prescription pour les enquêtes touchant des infractions au Code.

La Règle 8 du Code de déontologie des lobbyistes se lit comme suit :

Règle 8 — Influence répréhensible (conflits d'intérêts)

Les lobbyistes doivent éviter de placer les titulaires d'une charge publique en situation de conflit d'intérêts en proposant ou en prenant toute action qui constituerait une influence répréhensible sur ces titulaires.

La Règle 8 du Code de déontologie des lobbyistes n'a pas changé depuis l'entrée en vigueur du Code en 1997. Cependant, la décision de la Cour d'appel fédérale dans le cas Démocratie en surveillance c. Barry Campbell et le Procureur général du Canada a eu l'effet de modifier la façon dont la Règle 8 doit être interprétée. Cette décision m'a amenée à fournir aux lobbyistes, en novembre 2009, une directive sur l'interprétation de la Règle 8, qui, à mon avis, est cohérente avec le jugement de la Cour d'appel fédérale.Note de bas de page 2 Cela a donné lieu à une discussion et à un dialogue avec les lobbyistes au sujet de l'interprétation de la Règle 8, et j'ai apporté d'autres précisions en ce qui concerne les activités politiques en août 2010.Note de bas de page 3 Cette directive et ces clarifications ont été fournies aux lobbyistes à la suite des événements dont traite ce rapport. J'ai considéré le fait que M. Stewart ne disposait pas de ma directive pour l'aider à évaluer ses activités de lobbying à la lumière de ses activités politiques.

Le présent rapport d'enquête porte sur une activité de financement particulière qui a eu lieu environ six mois après la décision de la Cour d'appel fédérale dans le cas Démocratie en surveillance c. Barry Campbell et le Procureur général du Canada.

Contexte

Historique du cas avant l'enquête en vertu du Code de déontologie des lobbyistes

Le 5 octobre 2009, j'ai lancé un examen administratif concernant les activités de lobbying de M. Michael McSweeney, après que le Toronto Star eut publié des reportages concernant une activité politique organisée pour recueillir des fonds au profit de l'honorable Lisa Raitt, alors ministre des Ressources naturelles. Le 2 octobre 2009, Richard J. Brennan du Toronto Star écrivait, entre autres, que Michael McSweeney, un lobbyiste enregistré employé à titre de vice-président, Relations avec l'industrie, à l'Association Canadienne du Ciment (ACC) avait participé à l'organisation d'un souper-bénéfice pour la ministre Raitt.

Le 6 octobre 2009, j'ai reçu une lettre d'Arthur Hamilton, qui disait être l'avocat du Parti conservateur du Canada et de ses différentes associations de circonscription. Dans cette lettre, M. Hamilton m'informait que l'Association de circonscription de HaltonNote de bas de page 4 avait organisé une activité de financement au profit de la ministre Raitt, et que deux lobbyistes enregistrés, M. Will Stewart et M. Michael McSweeney, avaient participé à des ventes de billets pour l'activité de financement. Il a également fait savoir que le Parti conservateur du Canada et l'Association conservatrice de Halton examinaient les mesures correctives possibles, et qu'il m'écrirait de nouveau une fois ces mesures mises en œuvre.

Le 29 octobre 2009, M. Hamilton m'a envoyé un message par télécopieur m'informant qu'à compter du 7 octobre 2009, l'Association conservatrice de Halton avait volontairement commencé à rembourser l'argent versé par certains acheteurs de billets. Il a indiqué que des remboursements complets ont été faits aux acheteurs de billets faisant partie des trois catégories suivantes :

  1. les billets vendus par « le lobbyiste Michael McSweeney ».
  2. les billets vendus par « le lobbyiste Will Stewart »
  3. les billets vendus à des intervenants auprès de Ressources naturelles Canada et à leurs employés, y compris des personnes enregistrées pour faire du lobbying auprès du ministère.

M. Hamilton a offert de fournir une confirmation de l'achat des billets et la date à laquelle l'argent a été remboursé.

J'ai élargi l'examen administratif concernant les activités de lobbying de M. McSweeney pour y inclure les activités de lobbying de M. Stewart le 6 octobre 2009, après avoir reçu la lettre de M. Hamilton.

Ouverture de l'enquête en vertu du Code de déontologie des lobbyistes

Le 29 juillet 2010, j'ai lancé une enquête en vertu du paragraphe 10.4(1) de la Loi en me basant sur les renseignements obtenus durant l'examen administratif mené par la Direction des enquêtes du Commissariat. Cet examen administratif avait pour but de me permettre de déterminer si une enquête était nécessaire pour assurer la conformité à la Loi sur le lobbying ou au Code de déontologie des lobbyistes. À la suite de l'examen administratif, j'ai chargé la Direction des enquêtes d'entreprendre une enquête en vertu du Code de déontologie des lobbyistes, au titre de la Loi.Note de bas de page 5

Objectif

L'objectif de l'enquête était de déterminer si Will Stewart avait commis une infraction à la Règle 8 du Code de déontologie des lobbyistes en participant à l'activité de financement du 24 septembre 2009 de l'Association conservatrice de Halton (ACH) au profit de la ministre Raitt.

Méthodologie

Dans le cadre de l'enquête, nous avons passé en revue les allégations et évalué les actions de M. McSweeney à l'appui de l'activité de financement. À cette fin, nous avons évalué les faits entourant les allégations et les renseignements donnés par les plaignants et les personnes interviewées, et nous avons examiné l'information diffusée dans les médias, les communiqués de presse et l'Internet. Des entrevues ont été menées avec un certain nombre de personnes, y compris :

  • l'honorable Lisa Raitt, ministre des Ressources naturelles;
  • Janet MacDonald, adjointe exécutive, Administration portuaire de Toronto;
  • John Challinor, président, Association conservatrice de Halton;
  • Michael McSweeney, alors vice-président de l'Association canadienne du ciment (ACC);
  • Will Stewart, lobbyiste-conseil enregistré.

La Direction des enquêtes a analysé l'information recueillie auprès de l'ensemble des sources et les allégations contre M. Stewart, et a conclu que ses actions ont placé la ministre Raitt dans une situation de conflit d'intérêts apparent et qu'il avait donc contrevenu à la Règle 8 du Code de déontologie des lobbyistes. Ce rapport a été fourni à M. Stewart, qui y a répondu en invoquant plusieurs arguments fondés sur des faits et sur le droit. J'ai considéré soigneusement tous ces arguments pour effectuer mes constatations et tirer mes conclusions.

Le sujet

M. Will Stewart est un lobbyiste-conseil associé à deux entreprises, Ensight Canada et Navigator Ltd. Le site Web d'Ensight Canada décrit M. Stewart comme un expert-conseil qui a auparavant été chef de cabinet pour un certain nombre de portefeuilles ministériels de la province de l'Ontario, y compris ceux de l'Énergie, des Services sociaux, de l'Enfance et des Affaires francophones. Après avoir quitté le gouvernement de l'Ontario, M. Stewart a été pendant un certain temps à l'emploi de la Electricity Distributors Association de l'Ontario en tant que directeur des politiques et des communications.

M. Stewart a été président de l'Association conservatrice de Halton (ACH) de janvier 2007 à janvier 2009. Au moment de l'activité de financement, M. Stewart n'était plus président de l'ACH.

Les clients

Historique de l'enregistrement de M. Will Stewart

M. Stewart est un lobbyiste actif depuis de nombreuses années. Depuis juillet 2008, il a déposé plus de 90 déclarations de lobbyiste-conseil relativement à des engagements pour le compte de 49 clients différents. Les ministères identifiés dans les déclarations de M. Stewart comme étant visés par les communications comprennent Ressources naturelles Canada, Agriculture et Agroalimentaire Canada, Environnement Canada, Finances Canada, Pêches et Océans Canada, Infrastructure Canada, Transports Canada et le Cabinet du Premier ministre.

M. Stewart a enregistré 52 engagements pendant le mandat de la ministre Raitt à Ressources naturelles Canada, soit du 30 octobre 2008 au 19 janvier 2010. Dix-huit des déclarations de M. Stewart identifiaient Ressources naturelles Canada comme étant le ministère visé par ses activités de communication.

Les objets des communications énumérés dans les déclarations de M. Stewart comprennent l'agriculture, les initiatives écoÉnergie, l'énergie, l'environnement, les pêches, les marchés publics, la santé, l'industrie, les infrastructures, les relations internationales, les mines, les sciences et technologies, les petites entreprises, les impôts et les finances et les transports.

M. Stewart a aussi identifié un certain nombre de propositions législatives, de projets de loi, de politiques et de programmes comme pouvant faire l'objet d'activités de lobbying, y compris les sujets suivants :

  • des discussions avec le gouvernement concernant des engagements envers l'énergie éolienne dans le discours du Trône, et l'engagement du gouvernement à l'égard de l'énergie renouvelable;
  • la politique sur les changements climatiques [et] la promotion des avantages du gaz propane comme carburant de transport pour la flotte de véhicules du gouvernement fédéral;
  • l'obtention de fonds d'infrastructure pour de nouvelles installations universitaires;
  • l'accroissement de la sensibilisation et du soutien à la mise en œuvre d'une politique progressive concernant les océans.

M. Stewart a déclaré à sept occasions des communications enregistrables avec des titulaires d'une charge publique désignée du cabinet du ministre des Ressources naturelles, six des communications ayant été pour le compte de l'Association canadienne de l'énergie éolienne. Il a communiqué directement avec la ministre Raitt le 3 mars 2009 et le 9 juin 2009, pour discuter du programme écoÉnergie.

Ensight Canada/Navigator Limited

Ensight Canada a son siège social à Ottawa, et a été créé au moyen d'un partenariat entre OEB Enterprise Inc. et Navigator, deux entreprises de recherche, de communications stratégiques et de relations gouvernementales basées à Toronto.

Le site Web de Ensight contient la description suivante de l'entreprise :

En combinant les compétences et l'expertise des deux entreprises, Ensight se spécialise en relations gouvernementales et en gestion stratégique des parties prenantes. Nous aidons nos clients à présenter des arguments bien articulés en temps et lieux plutôt que de nous réclamer d'un accès privilégié. Notre équipe est dirigée par des praticiens chevronnés qui entretiennent des relations personnelles étroites avec les principaux décideurs. Nous partageons notre expertise sur le fonctionnement des gouvernements, et non seulement notre bottin de contacts.

L'activité de financement

Le 24 septembre 2009, une activité de financement organisée par l'Association conservatrice de Halton de concert avec un membre du personnel de la ministre, Colin McSweeney, en prévision d'une éventuelle élection, a eu lieu. Colin McSweeney a demandé l'aide de son frère, Michael McSweeney, pour l'événement. Trois membres du conseil d'administration de l'ACH ont organisé l'événement et envoyé les invitations : Pat Whyte, Will Stewart et Beth Gregg. Will Stewart était un des principaux organisateurs. Ils ont ciblé des résidants de la circonscription de Halton, y compris des amis et d'anciens donateurs. Environ 30 à 40 personnes ont assisté à l'événement. Un montant d'approximativement 8 300 $ a été recueilli. La ministre n'a pas reçu de breffage avant l'activité de financement, et ne savait pas qui participait à l'événement jusqu'à ce qu'elle arrive.

Processus

L'enquête en vertu du Code de déontologie des lobbyistes concernant Will Stewart a porté sur ses activités de lobbying au cours de la période entourant l'activité de financement, et a comporté un examen des activités de lobbying et des renseignements et du matériel ayant trait à l'organisation de l'activité de financement pour le compte de l'Association conservatrice de Halton, des entrevues avec un certain nombre de titulaires d'une charge publique et de personnes impliquées dans l'Association conservatrice de Halton, un examen du Registre des lobbyistes ainsi qu'un examen et une analyse des renseignements obtenus au cours de l'examen administratif.

À la suite de l'enquête, une copie du rapport de la Direction des enquêtes a été envoyée à M. Stewart pour lui donner une occasion de présenter son point de vue, comme l'exige le paragraphe 10.4(5) de la Loi sur le lobbying, et conformément au principe d'équité procédurale. Il a donné sa réponse dans trois lettres de son avocat-conseil datées des 15 et 16 septembre et du 6 décembre 2010.

J'ai pris en considération à la fois le rapport de la Direction des enquêtes et le point de vue de M. Stewart pour faire mes constatations et tirer mes conclusions, qui sont énoncées dans le présent rapport d'enquête.

Code de déontologie des lobbyistes

La Règle 8 se lit comme suit :

Règle 8 — Influence répréhensible (conflits d'intérêts)

Les lobbyistes doivent éviter de placer les titulaires d'une charge publique en situation de conflit d'intérêts en proposant ou en prenant toute action qui constituerait une influence répréhensible sur ces titulaires.

Interprétation de la Règle 8

Les lobbyistes disposent depuis 2002 d'une orientation en ce qui concerne la Règle 8. L'ancien conseiller en éthique a examiné l'application du Code de déontologie des lobbyistes, et de la Règle 8 en particulier, à un cas qui lui avait été renvoyé : des allégations selon lesquelles des lobbyistes enregistrés auraient enfreint le Code de déontologie des lobbyistes en faisant du lobbying auprès d'un ministère fédéral tout en aidant le ministre responsable de ce ministère en vue d'une éventuelle course à la direction d'un parti politique. Le conseiller à l'éthique a publié des lignes directrices intitulées « Règle 8 — Influence répréhensible — Les lobbyistes et les campagnes à la direction » (les lignes directrices de 2002)Note de bas de page 6.

Les lignes directrices de 2002 étaient l'objet de la décision de mars 2009 de la Cour d'appel fédérale dans le cas Démocratie en surveillance c. Barry Campbell et Procureur général du Canada.Note de bas de page 7 Dans cette décision, la Cour d'appel fédérale a jugé que l'interprétation de la Règle 8 de mon prédécesseur, le directeur des lobbyistes, basée sur ces lignes directrices de 2002, était déraisonnable.

Dans ma Directive sur les conflits d'intérêts — Règle 8 (Code de déontologie des lobbyistes) publiée le 6 novembre 2009, j'ai donné mon orientation aux lobbyistes en ce qui concerne l'interprétation et l'application de la Règle 8, en fonction de l'orientation de la Cour relativement à cette décision. Dans l'annexe à cette DirectiveNote de bas de page 8, j'ai précisé ma pensée en expliquant ce qui suit :

« La directive du commissaire relative à la Règle 8 du Code de déontologie des lobbyistes prend en compte le facteur suivant :

Un conflit d'intérêts peut être occasionné par la 'crainte raisonnable' d'une apparence de conflit d'intérêts au lieu d'une entrave évidente aux fonctions officielles d'un titulaire d'une charge publique.

La détermination de ce qui constitue une influence répréhensible sur un titulaire d'une charge publique doit rester, dans chaque cas, une question de fait. Selon les circonstances, une obligation ou un intérêt personnel peut être créé, entre autres, par :

  • l'offre d'un cadeau, d'un montant d'argent, d'un service ou d'un bien, si son remboursement n'est pas obligatoire;
  • l'usage d'argent ou d'un bien fourni sans frais ou à un prix inférieur à la valeur commerciale; et
  • des activités politiques.

Les lobbyistes devraient faire preuve d'une conduite irréprochable sur le plan de l'éthique. Ce faisant, ils éviteront de créer un conflit d'intérêts réel ou apparent pour les titulaires d'une charge publique. »

Dans ma Directive, j'ai interprété la notion de « conflit d'intérêts réel ou apparent » comme suit :

« Une situation de conflit d'intérêts peut être produite par la présence d'une contrainte entre le devoir du titulaire d'une charge publique de servir l'intérêt public, d'une part, et son intérêt personnel ou une obligation créée ou suscitée par le lobbyiste, d'autre part. »

Je suis d'avis que cette interprétation découle directement de la façon dont la Cour d'appel fédérale a résumé le concept d'influence répréhensible dans sa décision :

« L'influence répréhensible doit être examinée dans le cadre du conflit d'intérêts, où la question est celle des intérêts divergents. Comme le titulaire d'une charge publique a, par définition, un devoir public, on ne place le titulaire d'une charge publique en conflit d'intérêts qu'en faisant entrer un intérêt privé concurrentiel en ligne de compte. Cet intérêt privé, qui influe, ou pourrait influer, sur la loyauté du titulaire d'une charge publique, est l'influence répréhensible à laquelle la Règle se réfère. »Note de bas de page 9

Selon moi, le risque de créer une apparence de conflit d'intérêts est proportionnel à la mesure dans laquelle les actions d'un lobbyiste servent les intérêts personnels d'un titulaire d'une charge publique, et à la mesure dans laquelle ce lobbyiste peut interagir avec ledit titulaire d'une charge publique dans le cadre de son emploi ou d'un engagement.

Dans le cadre de cette enquête, j'ai demandé à la Direction des enquêtes de déterminer si M. Stewart avait placé la ministre Raitt dans une situation de conflit d'intérêts, y compris une situation de conflit d'intérêts apparent.

Constatations

Rapport de la Direction des enquêtes

La Direction des enquêtes a évalué si M. Stewart avait contrevenu à la Règle 8 en participant à l'organisation de l'activité de financement du 24 septembre 2009 pour l'Association conservatrice de Halton (ACH). Le rapport de la Direction a analysé la mesure dans laquelle M. Stewart avait servi les intérêts personnels de la ministre Raitt.

L'activité de financement a été organisée par l'ACH afin de recueillir des fonds pour la prochaine campagne électorale de la ministre Raitt. La campagne électorale précédente avait coûté environ 106 000 $ à l'ACH. La Direction a conclu que les efforts de l'ACH et des différents bénévoles afin de recueillir des fonds suffisants pour mener une campagne visant la réélection de la ministre Raitt sont des actions qui servent les intérêts personnels de celle-ci. Ces actions pourraient créer un conflit entre ses intérêts personnels et son devoir de servir l'intérêt public.

M. Stewart a déménagé à Halton en 2004, il s'est impliqué auprès de l'Association conservatrice de Halton dans le cadre de la campagne électorale de 2006 et il a été élu au conseil d'administration de l'ACH en 2006. Il est devenu vice-président du conseil et a été élu président en janvier 2007. Il a été réélu en janvier 2008 et a assumé ses fonctions jusqu'à la fin de son mandat en janvier 2009. Par conséquent, M. Stewart a participé à un certain nombre d'activités de l'ACH, dont plus de 10 activités de financement. En janvier 2009, il a quitté son poste de président de l'ACH, mais a continué à siéger au conseil d'administration.

M. Stewart a indiqué qu'il avait participé à un certain nombre d'activités de financement depuis qu'il s'est joint à l'ACH, et que bien que le conseil d'administration se tournait vers lui pour obtenir de l'aide quant aux activités de financement, il n'en était pas officiellement le responsable. Le rôle de M. Stewart quant à l'activité de financement du 24 septembre était de fournir des rapports au conseil de l'ACH, puisque les autres personnes responsables de l'activité de financement (Michael McSweeney, Justine Deluce et Janet MacDonald) n'étaient pas membres de l'ACH.

M. Stewart a commencé à s'impliquer dans l'activité de financement du 24 septembre 2009 lorsqu'il a reçu un appel de Colin McSweeney, qui était employé au cabinet de la ministre Raitt. Il est le frère de Michael McSweeney. Colin McSweeney a informé M. Stewart de la date et du lieu de l'activité prévue. Plusieurs personnes ont participé à l'organisation de l'activité, mais il n'y avait pas une seule personne qui en était responsable. Le formulaire d'inscription envoyé par Janet MacDonald a été conçu par un des collègues de M. Stewart chez Navigator, et le nom de Michael McSweeney figurait sur le document en tant que personne-ressource pour les réponses.

M. Stewart a indiqué qu'il a envoyé entre 25 et 50 invitations à des personnes dont le nom figurait sur une liste de personnes intéressées au gouvernement, y compris des avocats et certains clients d'Ensight, comme l'Association canadienne de l'énergie éolienne (ACEE), la Fondation Air pur, Ontario Power Generation, Bell, Rogers et SkyPower. M. Stewart a d'abord indiqué qu'il avait vendu environ 35 billets. Ce chiffre a par la suite été ramené à environ 25 billets, d'après un examen du nombre total de billets vendus.

M. Stewart a affirmé ne pas savoir exactement combien de personnes ont participé ou combien d'argent a été amassé parce qu'il n'a pas pu assister à la réunion du conseil qui a eu lieu après l'activité, et qu'il peut être difficile de savoir exactement combien de personnes ont participé parce que les invités pouvaient payer à la porte ou ultérieurement, alors que d'autres pouvaient ne pas se présenter. En bout de ligne, l'activité a permis de recueillir entre 5 000 $ et 10 000 $, et a occasionné des dépenses de 1 800 $.

La Direction a conclu que la participation de M. Stewart à l'activité de financement avait dans une large mesure favorisé les intérêts personnels de la ministre Raitt. Ces conclusions se fondent sur une analyse de l'information obtenue par la Direction et la décision de la Cour d'appel fédérale dans Démocratie sous surveillance c. Barry Campbell et le Procureur général du Canada. Le cadre d'analyse qui a été élaboré par mon commissariat a été exposé dans ma Directive et les Clarifications concernant les activités politiques dans le contexte de la Règle 8 que j'ai publiées en août 2010Note de bas de page 10.

La Direction des enquêtes a évalué la mesure dans laquelle M. Stewart avait interagi avec la ministre Raitt dans le cadre de son emploi à titre de lobbyiste et la mesure dans laquelle l'objet de ses activités de lobbying relevait de la compétence de la ministre.

La ministre Raitt a initialement été élue à la Chambre des communes le 14 octobre 2008. Elle a été nommée ministre des Ressources naturelles le 30 octobre 2008 et elle est restée dans ce portefeuille jusqu'au 19 janvier 2010. Au moment des événements faisant l'objet de l'enquête, elle était membre du Comité du Cabinet chargé de la croissance économique et de la prospérité à long terme et du Comité du Cabinet sur l'Environnement et la Sécurité énergétique.

À l'époque où il a participé à l'organisation de l'activité de financement de l'ACH, M. Stewart était enregistré comme lobbyiste-conseil. M. Stewart a enregistré 52 engagements de lobbyiste-conseil pendant la période au cours de laquelle la ministre Raitt était ministre des Ressources naturelles. Dix-huit de ces enregistrements, déposés pour le compte de 12 clients différents, identifiaient Ressources naturelles Canada comme étant le ministère visé par les communications.

M. Stewart était enregistré pour faire du lobbying auprès de titulaires d'une charge publique fédérale relativement à différents sujets, y compris l'agriculture, l'énergie, l'environnement, les pêches, les infrastructures et les transports. La ministre Raitt, en tant que ministre des Ressources naturelles et membre de deux comités du Cabinet, avait un mandat englobant tous les sujets susmentionnés au moment où l'activité de financement a été organisée et par la suite.

M. Stewart a communiqué directement avec la ministre pour le compte de l'Association canadienne de l'énergie éolienne le 3 mars et le 9 juin 2009. Ces communications avec la ministre ont été dûment déclarées dans les déclarations mensuelles déposées auprès du Registre des lobbyistes, conformément à la Loi sur le lobbying. L'objet de chaque communication a été déclaré comme étant le programme écoÉnergie.

M. Stewart a également présenté cinq déclarations de communication mensuelles concernant des communications enregistrables avec des membres du personnel de la Ministre. Quatre de ces communications étaient au nom de l'ACEE, au sujet d'écoÉnergie. La cinquième communication, liée à une démarche entreprise au nom de Conseil du bâtiment durable du Canada, énumérait comme objets des communications l'énergie, les institutions financières et l'environnement.

Compte tenu de ce qui précède, la Direction des enquêtes a conclu que M. Stewart avait eu de nombreuses interactions avec la ministre Raitt en raison de son emploi en tant que lobbyiste-conseil pour divers clients et que l'objet des initiatives de lobbying de M. Stewart était du ressort de la Ministre.

Le rapport de la Direction des enquêtes a conclu ce qui suit : M. Stewart a participé à l'organisation d'une activité de financement au nom de l'ACH afin de récolter des fonds pour la campagne de réélection de la ministre Raitt. Par conséquent, ses actions ont contribué à promouvoir les intérêts de la Ministre à un degré très élevé. Qui plus est, il a interagi avec la Ministre à un degré élevé en raison de son emploi en tant que lobbyiste-conseil agissant au nom de divers clients. Il était enregistré pour faire du lobbying concernant des questions qui étaient du ressort de la Ministre et il a communiqué directement avec la Ministre ou son personnel à sept occasions. Le recoupement des activités susmentionnées a placé la Ministre dans une situation apparente de conflit d'intérêts et, par conséquent, les actions de M. Stewart ont contrevenu à la Règle 8 du Code de déontologie des lobbyistes.

Le rapport de la Direction des enquêtes contenant ces conclusions a été présenté à M. Stewart pour commentaire.

Le point de vue de M. Stewart et mon avis sur celui-ci

Questions

La perspective de M. Stewart sur le rapport de la Direction des enquêtes qui lui a été fourni en application de l'alinéa 10.4(5) de la Loi sur le lobbying m'a été transmise au moyen de trois lettres de la part de son avocat, Me Neil Finkelstein de McCarthy Tétrault, en date des 15 et 16 septembre 2010 et du 6 décembre 2010.

1. Équité procédurale

Me Finkelstein a soulevé plusieurs points concernant l'équité procédurale dans sa lettre du 15 septembre. Le processus utilisé par mon Commissariat pour mener des examens et des enquêtes concernant l'enquête sur les allégations faites en vertu du Code de déontologie des lobbyistes, en application du paragraphe 10.4 de la Loi sur le lobbying, est décrit plus tôt dans ce rapport. J'ai élucidé le processus dans ma réponse à Me Finkelstein en date du 2 décembre 2010.

Me Finkelstein a plaidé en faveur de M. Stewart, en faisant valoir que l'enquête menée en mon nom ainsi que ma décision sont sujettes à l'obligation d'agir équitablement. Je suis d'accord avec M. Stewart qu'un degré élevé d'équité doit être appliqué aux personnes visées par l'enquête en vertu de la Loi sur le lobbying, tout comme lors d'une commission d'enquête ou autre processus administratif. Je suis d'avis que les préjudices causés à l'égard de réputations individuelles en raison d'allégations non fondées peuvent être très graves. À mon avis, les procédures suivies au cours de l'examen administratif et les processus d'enquête menées par mon Commissariat ont été très équitables envers M. Stewart.

2. Questions de fait

Me Finkelstein a soulevé plusieurs questions de fait concernant la participation de M. Stewart à l'activité de financement de l'Association conservatrice de Halton (ACH) tenue le 24 septembre 2009, et aussi concernant les activités de M. Stewart en tant que lobbyiste. J'ai pris note des écarts entre le rapport d'enquête et le point de vue de M. Stewart concernant les activités entourant l'activité de financement et concernant les communications de M. Stewart avec la ministre Raitt en sa capacité de lobbyiste-conseil.

J'accepte la description que donne M. Stewart des événements entourant l'activité de financement. Je suis d'avis qu'il existe une différence de degré entre la description des activités de M. Stewart contenue dans le rapport de la Direction des enquêtes et la description qu'en donne M. Stewart. M. Stewart a révisé à la baisse le nombre de billets qu'il estime avoir vendu, de 35 à « plus près de 20-25 » [traduction]. J'ai accepté ce chiffre estimatif révisé.

M. Stewart a souligné que ses activités de lobbying au nom de l'Association canadienne de l'énergie éolienne (ACEE) n'ont pas porté fruit en fin de compte. À mon avis, cette distinction n'a aucune incidence sur les activités de lobbying qu'il a entrepris au nom de l'ACEE.

Selon moi, M. Stewart, de par sa participation dans l'organisation et la vente de billets pour l'activité de financement, a, en effet, promu les intérêts particuliers de la ministre Raitt dans le cadre de sa réélection. Cette participation dans l'organisation de l'activité de financement et la vente de billets pour l'activité constituait un niveau plus élevé de participation que ne l'auraient constitué le simple achat d'un billet et la participation à l'événement. Je suis d'avis que je n'ai pas appliqué les principes de la décision de la Cour incorrectement.

3. Questions juridiques

Me Finkelstein a soulevé plusieurs points liés à des questions juridiques concernant l'application de la Règle 8 en l'espèce. Ces représentations sont des éléments très importants de la position de M. Stewart. J'ai examiné chacun des arguments et je souhaite les aborder de manière approfondie dans ce Rapport d'enquête.

i. Application rétroactive de la Directive sur la Règle 8

M. Stewart prétend que ma Directive sur les conflits d'intérêts — Règle 8 a un effet rétroactif, puisqu'il n'existait aucune directive entre le 12 mars 2009 et la date de publication de la Directive en novembre 2009. Cette prétendue application rétroactive de la Directive va à l'encontre de l'énoncé de mon prédécesseur, à savoir, « il serait injuste d'imposer rétroactivement mon approche en matière de l'application du Code de déontologie des lobbyistes aux lobbyistes qui exécutaient leurs fonctions conformément à la méthode précédente d'application du Code. »Note de bas de page 11[traduction] Cet énoncé a été prononcé par l'ancien Directeur des lobbyistes relativement à sa décision d'appliquer les principes du Code de déontologie des lobbyistes parallèlement aux Règles du Code.

À mon avis, je n'ai pas agi de la même façon en l'espèce. J'adopte plutôt le point de vue que la décision prononcée le 12 mars 2009 par la Cour d'appel fédérale a eu pour effet de changer la façon dont la Règle 8 du Code de déontologie des lobbyistes doit être interprétée, à compter de cette date. La Cour, en infirmant la Directive précédente, avait clairement l'intention de faire appliquer sa décision à des événements antérieurs à cette date, car elle a infirmé la décision prononcée le 10 octobre 2006 par le Directeur des lobbyistes. Qui plus est, la Cour, en déclarant « déraisonnable » l'interprétation antérieure de la Règle 8 et en infirmant la décision du Directeur des lobbyistes, a stipulé clairement que « Démocratie en surveillance a atteint l'objectif qu'elle s'était donné, à savoir clarifier l'interprétation du Code. »Note de bas de page 12 [traduction] Par conséquent, à mon avis, la Cour d'appel fédérale avait l'intention que son interprétation élucidée de la Règle 8 entre en vigueur à compter de la date où elle a prononcé sa décision.

Depuis le 12 mars 2009, les lobbyistes se sont inspirés de la décision de la Cour d'appel fédérale au sujet de l'interprétation de la Règle 8. Ma Directive a été élaborée afin d'aider les lobbyistes à prendre des décisions concernant leurs activités de lobbying et leur activités politiques; elle doit aussi servir d'outil permettant d'analyser les activités des lobbyistes dans le contexte de la Règle 8. Je ne suis aucunement tenu d'émettre une directive concernant la Règle 8, ou le Code en général. Je l'ai fait afin de fournir une directive au sujet d'un domaine relativement difficile du droit. Je suis d'avis que la Loi ne comporte aucun écart après le 12 mars 2009 — la décision de la Cour d'appel fédérale a établi une interprétation révisée de la Règle 8. En fin de compte, je ne suis pas d'accord que ma Directive a un effet rétroactif — et, à mon avis, il en va de même pour les Clarifications concernant les activités politiques du mois d'août 2010Note de bas de page 13.

ii. M. Stewart soutient qu'il n'a pas placé la ministre Raitt dans une situation de conflit d'intérêts

M. Stewart soutient qu'il n'y a aucun fondement pour conclure qu'il a contrevenu à la Règle 8 en plaçant la ministre Raitt dans une situation de conflit d'intérêts pour le motif que le Commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique a déterminé, dans le Rapport Raitt, que la ministre Raitt n'était pas dans une situation de conflit d'intérêts.Note de bas de page 14 Il prétend que la Règle 8 n'impose pas une obligation plus grande aux lobbyistes comme dans le cas des titulaires d'une charge publique et soutient qu'il n'a pas créé un intérêt particulier qui entre en conflit avec le devoir public des titulaires d'une charge publique. M. Stewart se fonde sur la décision prononcée par la Cour d'appel fédérale en arguant qu'il n'a pas cultivé un sens d'obligation personnelle ou créé un intérêt particulier de par ses interventions relatives à l'activité de financement au nom de la ministre Raitt.

Toutefois, à mon avis, il s'agit d'une interprétation restreinte ou limitée de la décision de la Cour. Pour moi, il est clair que de l'avis de la Cour d'appel fédérale, le fait de « faciliter » ou de « promouvoir » les intérêts particuliers d'un titulaire d'une charge publique équivaut à « créer » ces intérêts particuliers. En outre, il est également clair que selon la Cour « tout conflit d'intérêts porte atteinte à la confiance qu'a la population dans les décisions du gouvernement. »Note de bas de page 15 [traduction] La Cour a également affirmé ceci : « Lorsque l'efficacité d'un lobbyiste repose sur le sentiment d'obligation que ressent le décideur envers le lobbyiste, ou sur d'autres intérêts privés créés ou mis en place par le lobbyiste, la frontière entre le lobbying légitime et le lobbying illégitime a été franchie. » Note de bas de page 16 [traduction]

Selon ma perspective, l'argument juridique invoqué au profit de M. Stewart constitue une interprétation trop étroite et restrictive de la décision de la Cour d'appel fédérale. Ce type d'approche étroite et restrictive est précisément le genre d'approche que la Cour d'appel fédérale a infirmée en concluant que l'interprétation de la Règle 8 du Directeur était déraisonnable. J'ai considéré l'argument de M. Stewart selon lequel sa participation aux activités de financement ne peut pas être assimilée à l'avancement, à un haut niveau, des intérêts particuliers de la ministre Raitt. À mon avis, M. Stewart, de par sa participation dans l'organisation et la vente de billets pour l'activité de financement, a bel et bien promu les intérêts particuliers de la ministre Raitt en vue de sa réélection. Cette participation à l'organisation de l'activité de financement et la vente de billets constituaient un degré plus poussé de participation que ne l'auraient été le simple achat d'un billet et la participation à l'activité. Je ne suis pas d'avis que j'ai appliqué incorrectement les principes de la décision de la Cour.

iii. M. Stewart prétend que mon approche ne peut être réconciliée aux rapports émis par la Commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique

M. Stewart a prétendu que le Rapport d'enquête qu'il a reçu est irréconciliable avec les rapports concernant la ministre RaittNote de bas de page 17 publiés par la Commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique Mary Dawson. J'ai lu les rapports de la commissaire Dawson. Dans son rapport intitulé le Rapport Raitt (préparé en vertu de la Loi sur les conflits d'intérêts), la commissaire Dawson a conclu que la ministre Raitt n'a pas enfreint la Loi sur les conflits d'intérêts car « les contributions politiques, les services bénévoles et les ressources fournis par les lobbyistes pour cette activité ont été offerts à l'organisateur de l'activité, l'Association conservatrice de Halton. » Ainsi, la commissaire Dawson a conclu que la Ministre n'a pas contrevenu à l'interdiction d'accepter un cadeau ou autre avantage prévue à la Loi sur les conflits d'intérêts. La commissaire a fait une conclusion semblable dans son autre rapport portant sur le Code régissant les conflits d'intérêts des députés, soit que la ministre Raitt n'a pas contrevenu à ce Code car elle n'a pas accepté de cadeau ou autre avantage.

La loi que la Commissaire Dawson est chargée d'administrer définit ce que constitue un conflit d'intérêts, décrit à l'article 4 de la Loi sur les conflits d'intérêts, comme suit :

4. Pour l'application de la présente loi, un titulaire de charge publique se trouve en situation de conflit d'intérêts lorsqu'il exerce un pouvoir officiel ou une fonction officielle qui lui fournit la possibilité de favoriser son intérêt personnel ou celui d'un parent ou d'un ami ou de favoriser de façon irrégulière celui de toute autre personne.

À mon avis, il s'agit d'une définition d'un conflit d'intérêts réel, semblable à celle invoquée par le Conseiller en éthique dans sa Directive d'origine concernant la Règle 8, et appliquée par le Directeur des lobbyistes dans l'affaire Démocratie en surveillance c. Barry Campbell et le Procureur général du Canada. Il s'agit de l'approche envers les conflits d'intérêts appliquée par le Directeur à l'égard de la conduite de lobbyistes qui, selon la Cour d'appel fédérale, était déraisonnable pour le Directeur. Par conséquent, bien que M. Stewart soutient qu'une décision d'absence de conflit d'intérêts prise par la Commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique ne peut être réconciliée avec une décision selon laquelle ses actions auraient donné lieu à un conflit d'intérêts. Je suis d'avis que cette interprétation de la décision de la commissaire Dawson est incorrecte. Par ailleurs, je crois qu'une conclusion apparemment irréconciliable peut, en effet, être réconciliée. De mon point de vue, la raison pour laquelle elle peut être réconciliée est celle-ci : les deux normes portant sur les conflits d'intérêts sont différentes. Pour les titulaires d'une charge publique, la définition de la Loi sur les conflits d'intérêts décrit clairement la norme relative aux conflits d'intérêts. Pour les lobbyistes, une norme relative aux conflits d'intérêts qui englobe le principe de conflit d'intérêts apparent a été créée suite à une décision prononcée par la Cour d'appel fédérale.

La Commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique a appliqué la norme contenue dans la Loi sur les conflits d'intérêts à son analyse des activités de la ministre Raitt. Je suis tenue, toutefois, d'examiner les activités d'un lobbyiste à la lumière de la nouvelle situation sur les conflits d'intérêts établie par la Cour d'appel fédérale. Je suis d'avis que ladite situation est reflétée dans la décision prise par la commissaire Dawson, étant donné qu'elle a reconnu la possibilité que la ministre Raitt pourrait être placée dans une position d'apparence de conflit d'intérêts si on lui demandait de conclure « .de mettre en place une mesure d'observation convenue, soit un filtre temporaire anti-conflit d'intérêts, pour prévenir un conflit d'intérêts potentiel et, surtout, tout potentiel de traitement de faveur. » La commissaire Dawson indique ce qui suit dans son rapport : « Je craignais que si une situation se présentait où la ministre Raitt devait prendre une décision officielle concernant l'Association canadienne du ciment, elle pourrait faire l'objet d'allégations de traitement de faveur en raison de l'aide apportée par M. McSweeney à l'activité de financement. »Note de bas de page 18 De mon point de vue, ceci pourrait créer l'apparence qu'un lobbyiste a placé un titulaire d'une charge publique dans une position de conflit d'intérêts.

iv. Argument selon lequel ma Directive n'est pas constitutionnelle

Me Finkelstein soutient au nom de M. Stewart que la Directive en vertu de la Règle 8 n'est pas constitutionnelle parce qu'elle va à l'encontre du paragraphe 2(b) de la Charte canadienne des droits et libertés — c'est-à-dire que la Directive constitue une restriction indue de la liberté d'expression. Il prétend que le document intitulé Clarifications concernant les activités politiques d'août 2010 « est de portée trop générale et qu'il aura pour effet d'entraver la capacité des lobbyistes à participer au processus politique… » [traduction]

À mon avis, on a tenu compte de cet argument lors de l'élaboration de la Directive de la Règle 8 et des Clarifications concernant les activités politiques. Toutes les restrictions de la liberté d'expression des lobbyistes enregistrés sont énumérées dans la Loi sur le lobbying — par exemple, l'obligation de s'enregistrer, de divulguer dans des rapports mensuels certaines communications orales et organisées à l'avance et l'interdiction de toute activité de lobbying pendant cinq ans — et, dans le Code de déontologie des lobbyistes — l'obligation de ne pas induire en erreur qui que ce soit, de ne pas divulguer des renseignements confidentiels et de ne pas révéler l'identité des clients.

Ma Directive n'était pas censée être normative dans ce sens qu'elle devait limiter les activités politiques des lobbyistes — elle constitue, plutôt, un guide permettant aux lobbyistes d'interpréter la Règle 8 du Code. Elle se fonde sur la décision de la Cour d'appel fédérale et est censée aider les lobbyistes à comprendre leurs responsabilités en vertu du Code. Il en va de même pour les Clarifications concernant les activités politiques. J'ai examiné cet argument, mais je ne suis pas d'accord que ma Directive à l'intention des lobbyistes soit contraire à la Charte.

v. Prétendues erreurs dans l'application de la Directive

Me Finkelstein avance également l'argument au nom de M. Stewart, à savoir que toute allégation selon laquelle M. Stewart était en contravention de la Règle 8 serait fautive car M. Stewart n'entretenait aucune interaction de haut niveau avec la ministre Raitt. En fait, il ne l'a rencontrée qu'à deux occasions en 2009, les deux fois avant l'activité de financement du 24 septembre 2009. En plus, il prétend que le fait que les fonds réunis grâce à l'activité de financement appartenaient à l'Association conservatrice de Halton signifie, forcément, que la ministre Raitt n'avait aucun intérêt à l'égard de ces fonds. Il soutient que l'Association conservatrice de Halton était responsable de l'activité de financement et chargée de dépenser lesdits fonds. En plus, M. Stewart n'a participé à aucune activité de lobbying pour la ministre Raitt après l'activité de financement.

Selon le rapport de la Direction des enquêtes, M. Stewart avait participé à deux réunions orales et organisées à l'avance avec la ministre Raitt au nom de l'Association canadienne de l'énergie éolienne en mars et en juin 2009. Il avait également déposé cinq déclarations mensuelles de communications concernant des communications avec des membres du personnel de la ministre. Bien que ces activités de lobbying n'aient pas eu lieu à la suite de l'activité de financement, il me paraît, qu'en l'espèce, on pourrait appliquer le même raisonnement que la commissaire Dawson a appliqué en demandant à la ministre Raitt de consentir à une mesure de conformité établissant un écran provisoire aux conflits d'intérêts : « Si une situation se présentait, obligeant Mme Raitt à prendre une décision officielle impliquant l'ACEE, elle pourrait être sujette à des allégations de traitement préférentiel en raison de l'aide que M. (Stewart) lui avait fourni lors de l'activité de financement. » [traduction]

À cet égard, le raisonnement invoqué sous l'entête ii ci-dessusNote de bas de page 19 s'applique : l'approche de M. Stewart peut être assimilée à la confiance qu'on accorde à la définition d'un « véritable » conflit d'intérêts, semblable à celle invoquée par le conseiller en éthique dans sa Directive d'origine concernant la Règle 8. Il s'agit de l'approche aux conflits d'intérêts que la Cour d'appel fédérale estimait être déraisonnable lorsqu'elle était appliquée au cas de la conduite des lobbyistes par le Directeur. L'argument selon lequel la Commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique déciderait qu'il n'existe aucun conflit d'intérêts ne peut pas être réconciliée avec une décision qu'un conflit d'intérêts a été créé par les actions de M. Stewart, actions qui, bien qu'à première vue irréconciliables, peuvent être réconciliés, à mon avis. Ceci est possible parce que les deux normes concernant les conflits d'intérêts sont différentes. L'une d'elles découle d'une définition des conflits d'intérêts contenue dans la Loi sur les conflits d'intérêts et l'autre, d'une décision prononcée par la Cour d'appel fédérale qui englobe à la fois des conflits d'intérêts réels et apparents dans la définition de « conflits d'intérêts » contenue dans le Code de déontologie des lobbyistes.

Conclusions

Pour prendre ma décision, j'ai tenu compte à la fois du rapport de la Direction des enquêtes et des représentations de M. Stewart. J'ai conclu que M. Stewart avait participé à l'activité de financement pour l'Association conservatrice de Halton (ACH) tenue le 24 septembre 2009. Il n'était pas le seul organisateur de l'activité, mais il a participé à l'organisation et il a joué un rôle important en vendant des billets pour l'activité. Ses actions ont eu pour effet de promouvoir les intérêts de l'Association conservatrice de Halton car les fonds ainsi recueillis ont contribué à assurer des ressources financières adéquates pour la campagne de réélection de la ministre Raitt. Les fonds réunis n'appartenaient pas à la ministre Raitt. Ils ne devaient pas, non plus, servir à bénéficier financièrement à la députée en place et candidate présumée aux prochaines élections, à savoir, la ministre Raitt. Toutefois les fonds réunis lors de l'activité de financement devaient, à ce moment-là, être utilisés par l'ACH au profit de la réélection de la ministre Raitt. Ce fait, à mon avis, avance les intérêts particuliers de la ministre Raitt, qui demeure la candidate présumée au moment de la rédaction du présent rapport.

Au cours de la même période, M. Stewart était enregistré pour faire du lobbying au nom de plusieurs clients concernant des questions qui étaient du ressort de la ministre, à la fois en tant que ministre et membre des comités du Cabinet. M. Stewart a communiqué avec elle directement concernant les questions pour lesquelles il était enregistré en tant que lobbyiste. Ses activités de lobbying enregistrables concernant la ministre Raitt, bien que relativement limitées, étaient néanmoins de nature importante. Je serais d'accord avec la conclusion tirée par la commissaire Dawson lorsqu'elle a examiné les circonstances de la ministre Raitt relativement à l'activité de financement : si une situation se présentait dans laquelle la ministre Raitt se verrait tenue de prendre une décision officielle à l'égard d'un client de M. Stewart, elle serait sujette à des allégations de traitement préférentiel en raison de l'aide que M. Stewart lui a fourni lors de l'activité de financement. À cet égard, les actions de M. Stewart ont suscité une appréhension raisonnable que la ministre a été placée dans une situation de conflit d'intérêts apparent. Il s'agit de la situation que la Règle 8 est censée cibler.

Je souhaite que les circonstances décrites dans ce rapport fournissent des précisions supplémentaires aux lobbyistes qui souhaitent participer à des activités politiques et à des activités de lobbying à l'avenir. Je suis toutefois d'avis que l'effet de « dissuasion » produit par la présentation au Parlement d'un Rapport d'enquête peut être utile si ledit rapport tient compte des aspects extraordinaires de l'affaire en question. Je dois dire, pour être juste envers M. Stewart, qu'à la suite de la décision de la Cour d'appel fédérale du 12 mars 2009, les lobbyistes étaient placés dans une position où leurs obligations en vertu de la Règle 8 du Code de conduite des lobbyistes avaient été modifiées. Par conséquent, compte tenu de la diversité des situations factuelles qui pourraient survenir, il leur aurait peut-être été difficile de déterminer le moment auquel leurs activités politiques pourraient avoir des répercussions sur leurs activités de lobbying. Il s'agit, entre autres, du moment où ils risqueraient de placer un titulaire d'une charge publique en situation de conflit d'intérêts. M. Stewart s'est trouvé manifestement dans ce genre de situation.

J'espère que ce rapport sera utile pour les lobbyistes qui souhaitent réconcilier leurs activités de lobbying et leurs activités politiques éventuelles.

Annexe A — Code de déontologie des lobbyistes

Préambule

Le Code de déontologie des lobbyistes s'appuie sur quatre notions énoncées dans la Loi sur le lobbying :

  • L'intérêt public présenté par la liberté d'accès aux institutions de l'État;
  • La légitimité du lobbyisme auprès des titulaires d'une charge publique;
  • L'opportunité d'accorder aux titulaires d'une charge publique et au public la possibilité de savoir qui se livre à des activité de lobbyismes;
  • L'enregistrement des lobbyistes rémunérés ne doit pas faire obstacle à cette liberté d'accès.

Le Code de déontologie des lobbyistes est un moyen important d'accroître la confiance du public en l'intégrité du processus décisionnel de l'État. La confiance que les Canadiennes et les Canadiens accordent aux titulaires d'une charge publique afin qu'ils prennent des décisions favorables à l'intérêt public est indispensable à toute société libre et démocratique.

À cette fin, les titulaires d'une charge publique sont tenus, dans les rapports qu'ils entretiennent avec le public et les lobbyistes, d'observer les normes qui les concernent dans leurs codes de déontologie respectifs. Quant aux lobbyistes qui communiquent avec des titulaires d'une charge publique, ils doivent aussi respecter les normes déontologiques ci-après.

Ces codes remplissent conjointement une fonction importante visant à protéger l'intérêt public, du point de vue de l'intégrité de la prise des décisions au sein du gouvernement.

Principes

Intégrité et honnêteté

Les lobbyistes devraient faire preuve d'intégrité et d'honnêteté dans toutes leurs relations avec les titulaires d'une charge publique, les clients, les employeurs, le public et les autres lobbyistes.

Franchise

En tout temps, les lobbyistes devraient faire preuve de transparence et de franchise au sujet de leurs activités de lobbyisme, et ce, tout en respectant la confidentialité.

Professionnalisme

Les lobbyistes devraient observer les normes professionnelles et déontologiques les plus strictes. Plus particulièrement, ils sont tenus de se conformer sans réserve tant à la lettre qu'à l'esprit du Code de déontologie des lobbyistes, de même qu'à toutes les lois pertinentes, dont la Loi sur sur le lobbying et son règlement d'application.

Règles

Transparence

1. Identité et objet

Lorsqu'ils font des démarches auprès d'un titulaire d'une charge publique, les lobbyistes doivent révéler l'identité de la personne ou de l'organisation pour laquelle ils font ces démarches ainsi que l'objet de ces dernières.

2. Renseignements exacts

Les lobbyistes doivent fournir des renseignements qui sont exacts et concrets aux titulaires d'une charge publique. En outre, ils ne doivent pas induire sciemment en erreur qui que ce soit, et ils doivent veiller à ne pas le faire par inadvertance.

3. Divulgation des obligations

Les lobbyistes doivent informer leur client, employeur ou organisation des obligations auxquelles ils sont soumis en vertu de la Loi sur le lobbying et du fait qu'il leur faut se conformer au Code de déontologie des lobbyistes.

Confidentialité

4. Renseignements confidentiels

Les lobbyistes ne doivent pas divulguer de renseignements confidentiels, à moins d'avoir obtenu le consentement éclairé de leur client, de leur employeur ou de leur organisation, ou que la loi ne l'exige.

5. Renseignements d'initiés

Les lobbyistes ne doivent pas se servir des renseignements confidentiels ou d'initiés obtenus dans le cadre de leurs activités de lobbyisme au désavantage de leur client, de leur employeur ou de leur organisation.

Conflits d'intérêts

6. Intérêts concurrentiels

Les lobbyistes ne doivent pas représenter des intérêts conflictuels ou concurrentiels sans le consentement éclairé des personnes dont les intérêts sont en cause.

7. Divulgation

Les lobbyistes-conseils doivent informer les titulaires d'une charge publique qu'ils ont avisé leurs clients de tout conflit d'intérêts réel, possible ou apparent et ont obtenu le consentement éclairé de chaque client concerné avant d'entreprendre ou de poursuivre l'activité en cause.

8. Influence répréhensible

Les lobbyistes doivent éviter de placer les titulaires d'une charge publique en situation de conflit d'intérêts en proposant ou en prenant toute action qui constituerait une influence répréhensible sur ces titulaires.

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