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Les activités de lobbying de Keith Beardsley

Juin 2012

Table des matières

Lettres

L'honorable Noël A. Kinsella
Président du Sénat
Le Sénat
Ottawa (Ontario)
K1A 0A4

Monsieur le Président,

Conformément à l'article 10.5 de la Loi sur le lobbying, j'ai l'honneur de vous présenter un rapport d'enquête portant sur les activités de lobbying de M. Keith Beardsley aux fins de son dépôt au Sénat. L'enquête a été réalisée conformément à l'article 10.4 de la Loi.

Je vous prie d'accepter, Monsieur le Président, l'expression de mes sentiments distingués.

Karen E. Shepherd


L'honorable Andrew Scheer, député
Président de la Chambre des communes
Pièce 316-N, Édifice du Centre
Chambre des communes
Ottawa (Ontario)
K1A 0A6

Monsieur le Président,

Conformément à l'article 10.5 de la Loi sur le lobbying, j'ai l'honneur de vous présenter un rapport d'enquête portant sur les activités de lobbying de M. Keith Beardsley aux fins de son dépôt à la Chambre des communes. L'enquête a été réalisée conformément à l'article 10.4 de la Loi.

Je vous prie d'accepter, Monsieur le Président, l'expression de mes sentiments distingués.

Karen E. Shepherd

Commentaires de la commissaire

En ma qualité de commissaire au lobbying, j'ai la responsabilité d'enquêter sur les allégations d'activités non conformes aux lois et aux règles régissant les activités de lobbying auprès du gouvernement fédéral. J'ai pris connaissance de cette affaire lorsqu'elle a été portée à l'attention du Commissariat au lobbying par un titulaire d'une charge publique en novembre 2009, après quoi la Direction des enquêtes du Commissariat a effectué un examen administratif. Au terme de cet examen, j'ai décidé d'ouvrir une enquête en vertu du paragraphe 10.4(1) de la Loi sur le lobbying.

Enjeu

Les lobbyistes doivent respecter certaines obligations légales et professionnelles lorsqu'ils travaillent pour le compte de leurs clients ou de leurs employeurs. Les lobbyistes-conseils sont tenus de fournir une déclaration si, moyennant paiement, ils s'engagent à ménager des entrevues (organiser des rencontres) ou à communiquer avec des titulaires d'une charge publique au sujet des mesures suivantes : l'élaboration d'une proposition législative; le dépôt, l'adoption, le rejet ou la modification d'un projet de loi ou d'une résolution; la prise ou la modification d'un règlement; l'élaboration ou la modification d'une politique ou d'un programme; l'octroi d'une subvention, d'une contribution ou d'un autre avantage financier; ou l'octroi d'un contrat.

Depuis l'entrée en vigueur de la Loi sur le lobbying le 2 juillet 2008, certains anciens titulaires d'une charge publique, les « titulaires d'une charge publique désignée » (TCPD) sont assujettis à une prohibition quinquennale d'exercer des activités de lobbying suivant la date de cessation de leurs fonctions. Cette interdiction est enoncée à l'article 10.11 de ladite loi. Elle s'applique aux anciens ministres, ministres d'État et les membres du personnel de leur cabinet; les sous-ministres, sous-ministres adjoints et hauts dirigeants occupant un poste de rang équivalent au sein d'une institution fédérale; et à un nombre limité de postes désignés par règlement. Depuis le 20 septembre 2010, cette catégorie comprend également tous les députés et sénateurs.

Il a été allégué que M. Keith Beardsley, un lobbyiste-conseil associé à Franc Nord Affaires Publiques (FNAP), un cabinet d'experts-conseils d'Ottawa, se serait livré à une activité de lobbying alors qu'il n'était pas autorisé à s'enregistrer comme lobbyiste-conseil parce qu'il était assujetti à l'interdiction quinquennale d'exercer des activités de lobbying prévue à l'article 10.11 de la Loi sur le lobbying.

Enquête

Un examen administratif concernant les allégations selon lesquelles la Loi sur le lobbying et le Code de déontologie des lobbyistes auraient été enfreints a été déclenché en novembre 2009. Dans le cadre de celui-ci, des entrevues, un examen de la correspondance et d'autres documents, de même qu'une analyse du travail de M. Beardsley à titre d'expert-conseil chez FNAP ont été effectués. En mai 2010, à la lumière des renseignements qui m'avaient été fournis dans le rapport d'examen administratif, j'ai ouvert une enquête, que j'ai suspendue parce que j'avais des motifs raisonnables de croire qu'une infraction à la Loi avait été commise. J'en ai avisé la Gendarmerie royale du Canada (GRC) sans délai, en mai 2010, pour qu'elle mène une enquête relativement à l'infraction.

En novembre 2010, la GRC a renvoyé le dossier au Commissariat, en indiquant qu'aucune accusation ne serait portée dans cette affaire. J'ai déterminé que j'avais des motifs suffisants de poursuivre mon enquête en vertu du Code de déontologie des lobbyistes. Au terme de l'enquête, M. Beardsley a eu l'occasion de présenter son point de vue et, après avoir pris en considération ses commentaires, j'ai préparé ce présent rapport au Parlement.

Conclusions

Dans ce rapport, je conclus que M. Beardsley a tenté d'organiser pour le compte d'un client une réunion avec un titulaire d'une charge publique moyennant paiement, se livrant ainsi à une activité de lobbying pour laquelle il était tenu de s'enregistrer en vertu du paragraphe 5(1) de la Loi sur le lobbying. Cependant, il lui était interdit d'exercer des activités de lobbying nécessitant un enregistrement comme lobbyiste-conseil à ce moment-là. L'article 10.3 de la Loi sur le lobbying stipule que les personnes qui sont tenues de s'enregistrer en vertu de la Loi sont assujetties au Code de déontologie des lobbyistes. Je conclus que M. Beardsley a enfreint le principe du professionnalisme du Code de déontologie des lobbyistes par ses actions.

Le Code de déontologie des lobbyistes

Les activités de lobbying sont légitimes. Lorsqu'elles sont menées de manière éthique et transparente, conformément aux normes de conduite les plus rigoureuses, elles peuvent être un mode de dialogue utile entre le gouvernement et les Canadiens.

Le Code de déontologie des lobbyistes est entré en vigueur le 1er mars 1997 pour compléter l'ancienne Loi sur l'enregistrement des lobbyistes. Il a été instauré afin de donner aux Canadiens l'assurance que les activités de lobbying auprès des titulaires d'une charge publique fédérale sont menées de manière à préserver leur confiance à l'égard de l'intégrité, de l'objectivité et de l'impartialité des décisions prises par le gouvernement. Les personnes se livrant à des activités nécessitant un enregistrement en vertu de la Loi sur le lobbying doivent également se conformer au Code de déontologie des lobbyistes. Le Code de déontologie des lobbyistes n'a pas changé depuis son entrée en vigueur.

Les personnes rémunérées pour communiquer avec des titulaires d'une charge publique fédérale au sujet des mesures précisées dans la Loi sur le lobbying, ou pour ménager des entrevues (organiser des réunions) avec des titulaires d'une charge publique fédérale, sont tenues de déclarer leurs activités dans le Registre des lobbyistes. La définition de « titulaire d'une charge publique » dans la Loi est large et s'applique pratiquement à toutes les personnes occupant un poste au gouvernement du Canada, y compris les sénateurs, les députés et leur personnel; les employés des ministères et organismes fédéraux; et les membres des Forces canadiennes et de la Gendarmerie royale du Canada.

Le Code de déontologie des lobbyistes établit des normes de conduite obligatoires pour les personnes qui se livrent à des activités nécessitant une déclaration en vertu de la Loi. Comme la plupart des codes de déontologie régissant une profession, le Code de déontologie des lobbyistes commence par un préambule qui en précise l'objet et le met en contexte. Ensuite, un ensemble de principes présente, de façon positive, les buts et objectifs à atteindre par les lobbyistes, sans toutefois définir de normes précises. Ces principes d'intégrité et d'honnêteté, de franchise et de professionnalisme constituent des orientations générales pour la profession.

Ces principes sont suivis d'une série de huit règles établissant des obligations et des exigences précises pour les lobbyistes. Ces règles se divisent en trois catégories : transparence, confidentialité et conflits d'intérêts. Aux termes des règles sur la transparence, les lobbyistes sont tenus de fournir des renseignements exacts aux titulaires d'une charge publique, et de révéler l'identité des personnes ou des organisations qu'ils représentent ainsi que l'objet de leur représentation. Ils doivent également communiquer à leurs clients, employeurs ou organisations les obligations auxquelles ils sont assujettis en vertu de la Loi sur le lobbying et du Code de déontologie des lobbyistes. Selon les règles sur la confidentialité, les lobbyistes ne peuvent divulguer de renseignements confidentiels ni se servir de renseignements d'initiés au désavantage de leurs clients, de leurs employeurs ou de leurs organisations. Enfin, aux termes des règles sur les conflits d'intérêts, il est interdit aux lobbyistes de représenter des intérêts conflictuels ou concurrentiels sans le consentement des parties intéressées, ou de placer des titulaires d'une charge publique en situation de conflit d'intérêts en proposant ou en prenant toute action qui constituerait une influence répréhensible sur ces titulaires.

Enquêtes sur des allégations d'infractions au Code de déontologie des lobbyistes

Les lobbyistes sont tenus par la loi de se conformer au Code de déontologie des lobbyistes. Aux termes de la Loi sur le lobbying, la commissaire doit faire enquête lorsqu'elle a des raisons de croire qu'une enquête est nécessaire au contrôle d'application de la Loi ou du Code.

Les infractions au Code de déontologie des lobbyistes n'entraînent pas de sanctions pénales, c'est-à-dire des amendes ou des peines d'emprisonnement, mais la commissaire est tenue de déposer un rapport d'enquête, qui comprend ses constatations, ses conclusions et les motifs de ses conclusions, devant les deux chambres du Parlement. Tant la contravention d'un principe que d'une règle constitue une infraction au Code. Il n'y a pas de délai de prescription pour mener des enquêtes sur les allégations d'infractions au Code de déontologie des lobbyistes.

Le présent rapport d'enquête concerne les activités d'une personne qui, selon la conclusion à laquelle je suis arrivée, s'est livrée à une activité de lobbying nécessitant un enregistrement à titre de lobbyiste en vertu de la Loi sur le lobbying. Lorsqu'une personne se livre à une telle activité, elle devient assujettie au Code de déontologie des lobbyistes. Cependant, M. Beardsley, en tant qu'ancien titulaire d'une charge publique désignée, était visé au moment des faits par l'interdiction quinquennale d'exercer des activités de lobbying prévue à l'article 10.11 de la Loi sur le lobbying, à laquelle il est assujetti jusqu'au 5 juillet 2013.

Contexte

Historique du cas avant l'enquête en vertu du Code de déontologie des lobbyistes

Le 20 novembre 2009, le directeur des opérations du Commissariat au lobbying a reçu un appel téléphonique de M. Guy Giorno, alors chef de cabinet du Premier ministre, visant à lui signaler une possibleinfraction à la Loi sur le lobbying impliquant M. Keith Beardsley.

M. Giorno a rapporté que son adjoint exécutif avait reçu ce jour-là un message vocal de M. Beardsley, lequel indiquait que M. Beardsley tentait d'organiser une réunion entre M. Giorno et un représentant de DAVE Wireless, une compagnie de téléphonie cellulaire. Ce message avait été suivi la même journée par une demande écrite de réunion envoyée par M. Mark Ruban, un lobbyiste-conseil de Franc Nord Affaires Publiques (FNAP), un cabinet d'experts-conseils d'Ottawa représentant DAVE Wireless.

En tant qu'ancien titulaire d'une charge publique désignée, M. Beardsley était assujetti à l'interdiction quinquennale d'exercer des activités de lobbying prévue à l'article 10.11 de la Loi sur le lobbying. Les renseignements portés à mon attention semblaient indiquer que M. Beardsley s'était livré à une activité de lobbying en communiquant avec un titulaire d'une charge publique pour organiser une réunion entre M. Giorno et M. John Bitove, président exécutif du conseil d'administration de DAVE Wireless, une compagnie de téléphonie cellulaire et de services Internet qui avait commencé à faire affaire sous le nom de Mobilicity.

M. Beardsley est un ancien employé du Cabinet du Premier ministre, où il occupait un poste défini comme poste de « titulaire d'une charge publique désignée » depuis l'entrée en vigueur des modifications à la Loi sur l'enregistrement des lobbyistesNote de bas de page 1 le 2 juillet 2008.

La Direction des enquêtes a réalisé un examen administratif, et elle m'a présenté, le 21 mai 2010, un rapport dans lequel elle concluait que M. Beardsley s'était livré à une activité de lobbying pour laquelle il était tenu de s'enregistrer en vertu de la Loi sur le lobbying, et ce, à un moment où il était assujetti à l'interdiction quinquennale d'exercer des activités de lobbying. À la lumière des renseignements contenus dans ce rapport, j'ai déterminé que la tenue d'une enquête était nécessaire pour assurer la conformité à la Loi sur le lobbying et au Code de déontologie des lobbyistes.

Le 28 mai 2010, j'ai renvoyé ce dossier à la GRC conformément au paragraphe 10.4(1) de la Loi sur le lobbying parce que j'avais des motifs raisonnables de croire que M. Beardsley avait enfreint la Loi sur le lobbying. J'ai fourni un exemplaire du rapport d'examen administratif et la documentation à l'appui à la GRC, selon ma pratique habituelle. J'ai ensuite suspendu mon enquête conformément au paragraphe 10.4(9) de la Loi sur le lobbying, qui stipule que je ne peux poursuivre mon enquête avant qu'une décision finale n'ait été prise relativement à toute autre enquête ou à toute accusation portant sur le même objet.

Dans une lettre reçu le 13 décembre 2010, la GRC m'a avisée qu'elle avait décidé de ne pas porter d'accusations parce qu'elle ne possédait pas de preuves suffisantes pour démontrer qu'une rémunération avait été versée en contrepartie. Malgré la décision de la GRC de ne pas procéder, j'ai déterminé que j'avais des motifs suffisants de poursuivre avec une enquête en vertu du Code de déontologie des lobbyistes.

L'enquête en vertu du Code de déontologie des lobbyistes

L'enquête en vertu du Code de déontologie des lobbyistes au sujet de M. Beardsley a porté sur les activités de ce dernier pour le compte de DAVE Wireless au cours de la période de l'engagement entre Franc Nord Affaires Publiques (FNAP) et DAVE Wireless. Dans le cadre de cette enquête, les éléments suivants ont été examinés :

  • la documentation obtenue;
  • les renseignements fournis par M. Beardsley et ses associés chez FNAP, y compris l'accord contractuel entre DAVE Wireless et FNAP;
  • les factures pour services rendus;
  • la correspondance avec des titulaires d'une charge publique fédérale;
  • des entrevues avec des titulaires d'une charge publique fédérale, les associés de M. Beardsley et les clients de FNAP.

Le sujet

M. Beardsley est un associé au sein du cabinet d'experts-conseils Franc Nord Affaires Publiques (FNAP), dont les bureaux sont situés à Ottawa. Le site Web de FNAP présente M. Beardsley comme suit :

« Cela fait plus de 30 ans que Monsieur Beardsley est impliqué en politique, tant au niveau municipal que fédéral. Il est reconnu comme étant un fin stratège et un maître tacticien, capable de développer et de mener à bien des campagnes de sensibilisation hautement complexes, exigeant le recours à une multitude d'approches et une exécution simultanée sur quantité de fronts. »

Il a acquis une vaste expérience professionnelle au gouvernement fédéral, notamment en occupant des postes de conseiller ministériel principal et de chef de cabinet au sein de trois ministères fédéraux, de même que celui de chef de cabinet adjoint du Premier ministre Stephen Harper. De plus, il a occupé le poste de directeur de la recherche pour le Parti progressiste-conservateur et a travaillé à titre de conseiller principal au bureau du chef de l'opposition, où il a mis sur pied une équipe « de gestion des enjeux et d'intervention rapide ».

M. Beardsley est un ancien titulaire d'une charge publique désignée du fait de sa nomination au titre du paragraphe 128 (1) de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique à un poste de membre du personnel du cabinet d'un ministre, communément appelé « personnel exonéré ». Comme il a occupé un poste au sein du Cabinet du Premier ministre jusqu'au 4 juillet 2008, il est assujetti à l'interdiction quinquennale d'exercer des activités de lobbying qui a été adoptée par le Parlement et qui a pris effet lors de l'entrée en vigueur de la Loi sur le lobbying le 2 juillet 2008. Il lui est donc interdit de se livrer à des activités de lobbying nécessitant un enregistrement jusqu'au 5 juillet 2013.

Depuis qu'il a quitté son poste au sein du Cabinet du Premier ministre, M. Beardsley ne s'est jamais enregistré à titre de lobbyiste.

Les clients

Data & Audio-Visual Enterprise Wireless Inc. (DAVE Wireless)

Data & Audio-Visual Enterprise Wireless Inc. (DAVE Wireless) est une compagnie de téléphonie cellulaire faisant affaire sous le nom commercial Mobilicity, où M. John Bitove exerce les fonctions de président exécutif du conseil d'administration.

En 2008, DAVE Wireless a participé à une enchère du spectre pour les services sans fil organisée par le gouvernement du Canada, à laquelle prenaient également d'autres compagnies de télécommunications. L'entreprise a payé la somme de 243 millions de dollars pour des licences de spectre lui permettant de faire affaire dans ce qu'on décrivait à ce moment-là comme 10 des 13 plus grands marchés du Canada, et devait commencer à offrir ses services au printemps 2010, en concurrence avec Rogers, Bell, Telus et WIND Mobile de Globalive.

Du 23 novembre 2009 au 3 juin 2010, DAVE Wireless a eu recours aux services d'un lobbyiste-conseil. Dans sa déclaration initiale, le lobbyiste a décrit l'objet de l'activité de lobbying comme suit : « Législation – Loi sur les télécommunications, article 16 – propriété des entreprises en concurrence dans le secteur canadien des télécommunications sans fil » [Traduction].

DAVE Wireless avait un enregistrement actif de lobbyiste salarié (personne morale) du 25 novembre 2009 au 19 avril 2010, dans lequel il était mentionné que le lobbying portait sur la Loi sur la radiocommunication et la Loi sur les télécommunications en ce qui concerne le « contrôle canadien d'une société de télécommunications canadienne » [Traduction]. Une recherche du Registre des lobbyistes a indiqué que plusieurs communications entre DAVE Wireless et des titulaires d'une charge publique désignée avaient eu lieu du 30 novembre au 10 décembre 2009. À l'heure actuelle, DAVE Wireless a un enregistrement de lobbyiste salarié (personne morale), qui est actif depuis le 18 novembre 2011.

Processus

L'enquête de la Direction des enquêtes en vertu du Code de déontologie des lobbyistes au sujet de M. Beardsley a porté sur les activités auxquelles celui-ci s'est livré, en tant qu'associé de Franc Nord Affaires Publiques (FNAP), pour le compte de DAVE Wireless en novembre et décembre 2009, pendant la période de l'accord contractuel entre FNAP et DAVE Wireless. L'enquête a comporté un examen de la documentation obtenue, ainsi que les renseignements fournis par M. Beardsley et ses associés chez FNAP, y compris l'accord contractuel entre DAVE Wireless et FNAP. L'enquête a également porté sur les factures pour services rendus, la correspondance avec des titulaires d'une charge publique fédérale et des entrevues avec des titulaires d'une charge publique fédérale, avecles associés de M. Beardsley et avec les clients de FNAP.

Au terme de l'enquête, un exemplaire du rapport de la Direction des enquêtes a été envoyé à M. Beardsley pour lui donner la possibilité de présenter son point de vue, ce qu'il a fait dans une lettre datée du 24 avril 2012.

Le rapport de la Direction des enquêtes et le point de vue de M. Beardsley ont été pris en considération et ont servi de base à ce rapport d'enquête.

Enregistrement des lobbyistes

Déclaration obligatoire (lobbyistes-conseils)

Le paragraphe 5(1) de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, en vigueur durant la période visée par ce rapport, énonce l'obligation pour les lobbyistes de déclarer leurs activités de lobbying :

  • 5. (1) Est tenue de fournir au commissaire, dans les dix jours suivant l'engagement, une déclaration, en la forme réglementaire, contenant les renseignements prévus au paragraphe (2) toute personne (ci-après « lobbyiste-conseil ») qui, moyennant paiement, s'engage, auprès d'un client, personne physique ou morale ou organisation :
    • a) à communiquer avec un titulaire de charge publique au sujet des mesures suivantes :
      1. l'élaboration de propositions législatives par le gouvernement fédéral ou par un sénateur ou un député,
      2. le dépôt d'un projet de loi ou d'une résolution devant une chambre du Parlement, ou sa modification, son adoption ou son rejet par celle-ci,
      3. la prise ou la modification de tout règlement au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur les textes réglementaires,
      4. l'élaboration ou la modification d'orientation ou programmes fédéraux,
      5. l'octroi de subventions, de contributions ou autres avantages financiers par Sa Majesté du chef du Canada ou en son nom,
      6. l'octroi de tout contrat par Sa Majesté du chef du Canada ou en son nom;
    • b) à ménager pour un tiers une entrevue avec le titulaire d'une charge publique.
    • (1.1) Le lobbyiste-conseil fournit la déclaration visée au paragraphe (1) dans les dix jours suivant l'engagement.

Éléments caractérisant les activités pour lesquelles les lobbyistes-conseils sont tenus de s'enregistrer

Dans l'analyse visant à déterminer si des activités nécessitant un enregistrement en vertu du paragraphe 5(1) de la Loi sur le lobbying avaient eu lieu, les deux éléments suivants ont été pris en considération :

  • si la personne en cause s'était engagée :
    • à communiquer avec un titulaire d'une charge publique au sujet de l'une ou l'autre des mesures énumérées à l'alinéa 5(1)a) de la Loi sur le lobbying;
    • à ménager pour un tiers une entrevue avec un titulaire d'une charge publique;
  • si elle l'avait fait moyennant paiement et pour le compte de toute personne ou organisation.

Restrictions quant au lobbying

L'article 10.11 de la Loi sur le lobbying, lequel établit l'interdiction quinquennale d'exercer des activités de lobbying, se lit comme suit :

Interdiction quinquennale
10.11 (1) Il est interdit à tout ancien titulaire d'une charge publique désignée, pour la période de cinq ans qui suit la date de cessation de ses fonctions à ce titre, d'exercer les activités suivantes :

a) celles visées aux alinéas 5(1)a) et b) dans les circonstances prévues au paragraphe 5(1);

b) celles visées à l'alinéa 7(1)a), s'il agit pour l'organisation qui l'emploie;

c) celles visées à l'alinéa 7(1)a), s'il agit pour la personne morale qui l'emploie et que ces activités constitueraient une part importante de l'ensemble des activités qu'il exerce pour cet employeur.

Exception
(2) Le paragraphe (1) ne s'applique pas à l'ancien titulaire qui n'exerçait ses fonctions qu'à titre de participant à un programme d'échange-emploi.

Constatations

Rapport de la Direction des enquêtes

La Direction des enquêtes a examiné les activités de M. Beardsley afin de déterminer si celles-ci nécessitaient son enregistrement comme lobbyiste, et s'il était assujetti à l'interdiction quinquennale d'exercer des activités de lobbying prévue dans la Loi sur le lobbying. Des preuves ont été obtenues auprès de diverses sources, y compris auprès de titulaires d'une charge publique fédérale, de M. Beardsley, de ses associés et de ses clients. Elles ont permis d'en arriver aux constatations suivantes.

Des documents obtenus par la Direction des enquêtes indiquent que Franc Nord Affaires Publiques (FNAP) et DAVE Wireless ont conclu un accord le 20 novembre 2009 à la suite de l'approbation d'une proposition de FNAP par Mme Sara Moore, vice‑présidente, Marketing de DAVE Wireless.

Dans la proposition présentée par FNAP à DAVE Wireless, FNAP s'est engagé à « […] fournir des services d'experts-conseils à DAVE Wireless en lien avec ses efforts en vue de communiquer avec des représentants du gouvernement du Canada au sujet de la récente décision du CRTC en ce qui concerne Globalive. » [Traduction].

La décision du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) en ce qui concerne Globalive

En 2007, le ministre de l'Industrie a annoncé les modalités d'une enchère du spectre pour les services sans fil évolués, lesquelles prévoyaient que certaines fréquences du spectre seraient réservées pour les nouveaux venus sur le marché canadien de la téléphonie sans fil, principalement occupé à ce moment-là par trois sociétés, en vue d'y favoriser une plus grande concurrence.

Les sociétés participant à l'enchère du spectre, y compris DAVE Wireless et Globalive Wireless Management Corporation (faisant affaire sous le nom commercial de WIND), étaient tenues de satisfaire aux exigences en matière de propriété et de contrôle canadiens de la Loi sur les télécommunications. Au terme de l'enchère du spectre de 2008, Globalive a remporté 30 licences à un coût de 442 millions de dollars. Industrie Canada a procédé à un examen quant à la propriété canadienne et a délivré les licences à Globalive en mars 2009.

En juillet 2009, le CRTC a annoncé qu'il effectuait une vérification pour déterminer si Globalive satisfaisait aux exigences de propriété canadienne de la Loi sur les télécommunications. Le 29 octobre 2009, le CRTC a annoncé que Globalive ne satisfaisait pas à ces exigences et ne pouvait pas devenir la quatrième entreprise nationale de téléphonie cellulaire, principalement en raison du fait que la dette de la société était contrôlée par une entreprise étrangère. Le 30 octobre 2009, le ministre de l'Industrie a annoncé qu'il examinerait la décision du CRTC.

Pendant l'examen d'Industrie Canada, du 30 octobre au 11 décembre 2009, les médias ont rapporté que DAVE Wireless et Rogers Communications Inc. étaient de potentiels « acheteurs et partenaires » de Globalive. En outre, des informations voulant que Globalive ait été approchée par de potentiels investisseurs souhaitant l'aider à financer son réseau projeté et à régler le problème de sa dette à l'étranger, lequel avait été soulevé à la suite de la vérification effectué par le CRTC au terme de l'enchère du spectre, ont été diffusées dans les médias.

Toutefois, dans un communiqué du 11 décembre 2009, le gouvernement du Canada a annoncé que la décision du CRTC serait modifiée de sorte que Globalive soit « immédiatement admise à opérer dans le domaine des télécommunications sans fil », et le ministre de l'Industrie a déclaré que « Globalive est une entreprise canadienne qui satisfait aux exigences de la Loi sur les télécommunications en matière de propriété et de contrôle canadiens ».

L'engagement envers Franc Nord Affaires Publiques

La proposition de Franc Nord Affaires Publiques (FNAP) à DAVE Wireless décrivait la portée des travaux proposée comme suit : « Étant donné l'intention de DAVE Wireless de joindre rapidement des personnes d'influence et des décideurs clés du gouvernement afin de communiquer la position de l'entreprise au sujet de la décision du CRTC et de la perspective de mesures gouvernementales connexes, les efforts de FNAP seront axés sur :

  • l'identification des représentants du gouvernement que DAVE Wireless devrait rencontrer;
  • l'organisation de réunions avec ces représentants;
  • la préparation de documents pertinents pour les réunions. » [Traduction]

Les propositions indiquaient que M. Beardsley agirait à titre de chargé de compte et qu'il serait appuyé par deux autres associés de FNAP, M. Casey et M. Ruban. Les honoraires proposés pour ce contrat étaient de 4 875 $.

Un contrat a été conclu le 20 novembre 2009 entre FNAP et DAVE Wireless. DAVE Wireless a retenu les services de FNAP pour qu'elle organise des réunions avec différents titulaires d'une charge publique, et ce, dès le 23 novembre 2009. À titre de chargé de compte pour le dossier, M. Beardsley avait entre autres responsabilités celles de surveiller l'exécution du contrat et de voir au traitement et aux détails administratifs du dossier. M. Beardsley a aussi pris part à l'identification des titulaires d'une charge publique sur lesquels DAVE Wireless devait concentrer ses efforts de communication.

Les travaux de FNAP pour le compte de DAVE Wireless ont commencé le 20 novembre 2009 et ont duré environ deux semaines. FNAP a dressé une liste de titulaires d'une charge publique à qui les représentants de DAVE Wireless devaient parler ou qu'ils devaient rencontrer, et elle a communiqué avec des douzaines de titulaires d'une charge publique. FNAP a réussi à organiser une réunion avec le directeur de la politique au sein du Cabinet du ministre du Revenu national. Les collègues de M. Beardsley à FNAP, M. Casey et M. Ruban, avaient la responsabilité de communiquer avec les titulaires d'une charge publique et étaient dûment enregistrés en tant que lobbyistes-conseils représentant DAVE Wireless.

En plus du travail effectué pour son compte par FNAP, DAVE Wireless a retenu les services d'un lobbyiste-conseil qui a organisé au moins une réunion pour l'entreprise. DAVE Wireless a également organisé des réunions pour son propre compte et a enregistré ses activités auprès du Commissariat au lobbying.

Organisation présumée d'une réunion

Le 20 novembre 2009, peu après l'approbation par ses clients du contrat entre FNAP et DAVE Wireless, M. Beardsley a téléphoné à M. Renze Nauta, qui travaillait au Cabinet du Premier ministre (CPM). M. Beardsley connaissait M. Nauta en raison de son emploi antérieur au CPM. Au moment de l'appel, M. Nauta était l'adjoint administratif du chef de cabinet du Premier ministre, M. Giorno. M. Nauta n'était pas disponible et l'appel a été acheminé à son système de messagerie vocale. M. Beardsley a laissé le message suivant :

« Renze, c'est Keith Beardsley qui parle [numéro de téléphone et de poste]Note de bas de page 2. J'ai M. John Bitove, B-I-T-O-V-E, l'ancien propriétaire des Raptors, que Guy connaît probablement très bien en raison de son allégeance conservatrice, etc. De toute façon, il est à Ottawa lundi et aimerait parler de Globalive, de la question des télécommunications et du CRTC. Donc, en raison de ses contacts à Toronto, je voulais simplement savoir si Guy voulait le rencontrer rapidement. Il va évidemment soulever la question s'il le rencontre, mais pourrais-tu me rappeler pour me faire savoir? Ils ont commencé le processus d'enregistrement; ils ne se sont pas encore officiellement enregistrés en vertu de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes. C'est ce qu'ils font aujourd'hui, mais le traitement prend quelques jours, simplement pour que tu sois au courant de cet aspect de la question. De toute façon, rappelle-moi [numéro de téléphone et de poste] ou sur mon cellulaire [numéro de téléphone]; on se reparle, salut. » [Traduction]

Lorsqu'il a été interrogé par la Direction des enquêtes, M. Beardsley a expliqué que son message ne constituait pas une tentative d'organiser une réunion. Il a expliqué qu'il ne faisait qu'informer M. Giorno que M. Bitove serait à Ottawa et qu'il tenterait de communiquer avec M. Giorno pour discuter de Globalive. M. Beardsley a déclaré qu'à son avis, si ses actions correspondaient à l'organisation d'une réunion, il ne l'avait pas fait de façon intentionnelle ou en connaissance de cause.

M. Beardsley a indiqué qu'il ne fait pas de lobbying, et qu'il s'est efforcé de se tenir loin de la controverse en respectant l'interdiction quinquennale d'exercer des activités de lobbying. Il a déclaré qu'il n'avait jamais organisé de réunions pendant qu'il exerçait ses activités d'expert-conseil et qu'il n'appelle pas de titulaires d'une charge publique pour le compte de ses clients.

Aucun autre renseignement indiquant que M. Beardsley a tenté d'organiser des réunions avec d'autres titulaires d'une charge publique, ou qu'il s'est livré à d'autres activités nécessitant un enregistrement, n'a été obtenu au cours de l'enquête.

La Direction des enquêtes a déterminé que ni M. Giorno ni M. Nauta n'ont répondu aux demandes de M. Beardsley. En outre, il a été déterminé que la réunion proposée dans le message vocal n'a pas eu lieu.

Au moment des activités en question, M. Nauta et M. Giorno étaient « titulaires d'une charge publique » au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur le lobbying. Par conséquent, la Direction des enquêtes a conclu que M. Beardsley avait entrepris d'organiser une réunion entre un titulaire d'une charge publique et M. Bitove, son client. Cette activité, lorsqu'elle est exercée moyennant paiement et pour le compte d'un client, est une activité de lobbying devant faire l'objet d'une déclaration en vertu de l'alinéa 5(1)b) de la Loi sur le lobbying.

La question du paiement

En 2008, M. Beardsley s'est joint à Franc Nord Affaires Publiques en tant qu'expert-conseil principal pour fournir des conseils stratégiques. Au moment de l'engagement en novembre 2009, M. Beardsley a été décrit par FNAP, dans des notes biographiques, comme un associé du cabinet d'experts-conseils et il s'identifiait lui-même comme un associé de Franc Nord Affaires Publiques dans la correspondance envoyée à son client. Il avait les responsabilités d'un chargé de compte pour l'engagement avec DAVE Wireless et il était chargé de surveiller l'exécution du contrat.

En tant que commissaire au lobbying, je suis d'avis que tous les membres d'un cabinet d'experts-conseils, qu'ils soient des associés, des employés ou des personnes engagées en vertu de contrats de services, bénéficient des revenus générés par le cabinet d'experts-conseils. Par conséquent, toute activité menée pour le compte d'un client du cabinet d'experts-conseils est réputée être exercée moyennant paiement.

La Direction des enquêtes a obtenu une copie de la facture envoyée par FNAP à DAVE Wireless et une preuve que le paiement a été reçu par FNAP. Les documents obtenus indiquent que, le 17 décembre 2009, FNAP a reçu un paiement de 5 118,75 $ (4 875,00 $ + taxes) pour des services qui ont été fournis à DAVE Wireless.

Le 20 novembre 2009, soit la date à laquelle M. Beardsley a communiqué avec M. Nauta pour tenter d'organiser une réunion entre M. Giorno et M. Bitove, M. Beardsley était à l'emploi de Franc Nord Affaires Publiques à titre d'associé du cabinet d'experts-conseils, et à titre de chargé de compte pour l'engagement de FNAP pour le compte de DAVE Wireless. Compte tenu de cela, la Direction des enquêtes a conclu que lorsque M. Beardsley avait entrepris d'organiser une réunion pour le compte de DAVE Wireless, il l'avait fait moyennant paiement.

Interdiction quinquennale d'exercer des activités de lobbying

La Direction des enquêtes a vérifié si M. Beardsley était assujetti à l'interdiction quinquennale d'exercer des activités de lobbying prévue dans la Loi sur le lobbying. Le 2 juillet 2008, lorsque la Loi sur le lobbying est entrée en vigueur, M. Beardsley était à l'emploi du Cabinet du Premier ministre à titre de membre du personnel. Le poste en question est visé par la définition de « titulaire d'une charge publique désignée » figurant au paragraphe 2(1) de la Loi.

M. Beardsley a quitté son emploi au Cabinet du Premier ministre le 4 juillet 2008. Par conséquent, à compter de cette date, il était assujetti à l'interdiction d'exercer des activités de lobbying pour la période de cinq ans suivant la date de cessation de ses fonctions en vertu du paragraphe 10.11(1) de la Loi sur le lobbying. Il est donc assujetti à l'interdiction d'exercer des activités de lobbying jusqu'au 5 juillet 2013.

Conclusion

La Direction des enquêtes a conclu que, le 20 novembre 2009, M. Beardsley, moyennant paiement, a communiqué avec un titulaire d'une charge publique au sein du Cabinet du Premier ministre en vue d'organiser une réunion entre le chef de cabinet du Cabinet du Premier ministre et M. John Bitove, président du conseil d'administration de DAVE Wireless. DAVE Wireless était un client de Franc Nord Affaires Publiques. Par conséquent, la Direction des enquêtes a conclu que M. Beardsley s'était livré à une activité nécessitant un enregistrement en vertu de l'alinéa 5(1)b) de la Loi, alors qu'il était assujetti à l'interdiction quinquennale d'exercer des activités de lobbying.

Enregistrement

Lorsque les activités décrites dans le présent rapport ont eu lieu, il était interdit à M. Beardsley au titre de la Loi sur le lobbying de s'enregistrer comme lobbyiste-conseil.

Le point de vue de M. Beardsley et mon avis sur celui-ci

Le paragraphe 10.4(5) de la Loi sur le lobbying prévoit qu'avant de statuer qu'une personne faisant l'objet d'une enquête a enfreint le Code de déontologie des lobbyistes (le Code), le commissaire doit lui donner la possibilité de présenter son point de vue. Le 26 mars 2012, j'ai envoyé à M. Beardsley un exemplaire du rapport de la Direction des enquêtes et lui ai demandé de présenter ses observations écrites dans les 30 jours.

M. Beardsley a répondu dans une lettre que j'ai reçue le 26 avril 2012. La lettre traitait des questions soulevées dans le rapport de la Direction des enquêtes.

J'ai examiné et pris en considération les arguments soulevés par M. Beardsley. Mon avis est le suivant.

Questions de procédure

M. Beardsley a soulevé un certain nombre de préoccupations concernant le contenu du rapport d'enquête qui a été produit par la Direction des enquêtes et qui lui a été fourni pour commentaires. Une de ses préoccupations était que le rapport qu'il a reçu était une ébauche du rapport devant être déposé aux deux chambres du Parlement.

Le document que M. Beardsley a reçu en accompagnement de ma lettre du 26 mars 2012 était le rapport d'enquête produit par la Direction des enquêtes de mon Commissariat. Il ne s'agissait pas de l'ébauche de mon rapport d'enquête. Le paragraphe 10.4(5) de la Loi sur le lobbying prévoit que la personne visée par une enquvte puisse donner son point de vue. La démarche que j'ai adoptée consiste à envoyer une copie du rapport de la Direction des enquêtes pour communiquer l'information obtenue au cours d'une enquête et donner à la personne visée par l'enquête l'occasion de présenter son point de vue. En préparant mon rapport d'enquête, je tiens compte tant du rapport de la Direction des enquêtes que des commentaires qui me sont fournis par la personne visée par l'enquête.

Mon rapport d'enquête reflète les préoccupations soulevées par M. Beardsley.

Message vocal à M. Nauta – organiser une réunion (ménager une entrevue) en vertu de l'alinéa 5(1)b) de la Loi sur le lobbying

M. Beardsley a affirmé qu'en tentant de joindre M. Nauta, il ne s'est pas livré à une activité de lobbying nécessitant un enregistrement en vertu de l'article 5 de la Loi sur le lobbying. Son point de vue est qu'il ne tentait pas d'organiser une réunion pour le compte de ses clients lorsqu'il a laissé un message sur le système de messagerie vocale pour M. Nauta. Ce message est reproduit plus tôt dans le présent rapport, sous la rubrique « Rapport de la Direction des enquêtes ».

La Direction des enquêtes a conclu que le message vocal laissé par M. Beardsley était une tentative d'organiser une réunion entre M. Giorno et M. Bitove. Elle a conclu qu'il s'agissait d'une activité de lobbying nécessitant un enregistrement et qu'elle a été effectuée moyennant paiement pour le compte d'un client, malgré le fait que M. Beardsley ne pouvait s'enregistrer à titre de lobbyiste-conseil.

M. Beardsley a contesté cette conclusion en affirmant qu'il ne tentait pas d'organiser une réunion entre son client, M. Bitove, et le chef de cabinet du Premier ministre, M. Giorno. M. Beardsley a plutôt indiqué qu'il voyait l'appel comme une occasion de faire le point sur des questions d'ordre politique, et non comme une tentative d'organiser une réunion.

En ce qui me concerne, je dois examiner le contenu de la communication en question. Je suis d'avis que le point central du message est clair. Les mots qui ont été enregistrés sont la preuve d'une tentative d'organiser une réunion entre M. Giorno et M. Bitove, notamment le passage qui suit : « … [M. Bitove] est à Ottawa lundi et aimerait parler de Globalive, de la question des télécommunications et du CRTC. Donc, en raison de ses contacts à Toronto, je voulais simplement savoir si Guy voulait le rencontrer rapidement. Il va évidemment soulever la question s'il le rencontre, mais pourrais-tu me rappeler pour me faire savoir? »

Rôle de M. Beardsley chez Franc Nord Affaires Publiques (FNAP)

M. Beardsley a fourni une explication détaillée de son rôle chez FNAP, le décrivant comme celui d'un stratège et d'un consultant en communications, aidant les clients avec leurs messages, y compris la rédaction de lettres, de communiqués de presse, de notes d'information ou de présentations à un comité parlementaire. Dans le cas du travail de FNAP pour le compte de DAVE Wireless, M. Beardsley était le chargé de compte, responsable d'attribuer les tâches, de préparer les factures et de faire le suivi des heures facturables. M. Beardsley a souligné que ses activités ne comprenaient pas les communications avec des titulaires d'une charge publique parce qu'il était assujetti à l'interdiction quinquennale d'exercer des activités de lobbying. Par conséquent, il assignait habituellement à d'autres associés de FNAP les activités devant faire l'objet d'un enregistrement en tant que lobbyiste pour le compte des clients de FNAP.

Je crois que M. Beardsley est sincère dans son opinion selon laquelle ses actions étaient pour lui une occasion de « faire le point ». M. Beardsley est assujetti depuis près de quatre ans à l'interdiction quinquennale d'exercer des activités de lobbying. Je suis consciente qu'il a fait des efforts pour structurer ses activités de manière à se conformer à cette interdiction.

Cependant, en ce qui concerne le message vocal en question, je ne suis pas d'accord avec M. Beardsley pour dire qu'il ne s'agissait pas d'une activité de lobbying nécessitant un enregistrement. Je vois cet appel téléphonique comme une preuve d'une tentative d'organiser une réunion avec un titulaire d'une charge publique fédérale pour le compte de son client, moyennant paiement. Je note par ailleurs que M. Beardsley a collaboré avec la Direction des enquêtes pendant la durée de cette enquête.

Conclusions

Les entreprises et les autres organisations tentant de présenter leur point de vue au sujet des lois, règlements et politiques du gouvernement fédéral, ou d'obtenir les licences et les certifications exigées en vertu des lois fédérales, embauchent parfois des lobbyistes pour les aider au cours de ce processus. Ces personnes peuvent également ménager des entrevues entre l'entreprise ou l'organisation qu'elles représentent et des agents publics ou communiquer avec des représentants du gouvernement pour préciser les détails de la proposition d'une entreprise ou négocier les modalités d'une entente.

Il s'agit là de mesures légitimes de la part des entreprises et des organisations et des personnes qu'elles embauchent. La Loi sur le lobbying reconnait cette légitimité, mais impose certaines obligations en matière de divulgation et relativement au comportement des personnes qui, moyennant paiement, s'engagent à aider des entreprises de cette manière.

Pour en arriver à mes conclusions, j'ai tenu compte du rapport de la Direction des enquêtes et du point de vue de M. Beardsley. J'ai déterminé que M. Beardsley, alors qu'il se livrait aux activités de Franc Nord Affaires Publiques (FNAP) pour le compte des clients de celle-ci chez DAVE Wireless, a laissé un message vocal auprès d'un titulaire d'une charge publique dans le but d'organiser une réunion pour le compte de son client. Il a fait cela moyennant paiement par DAVE Wireless à FNAP. Il s'agit d'une activité nécessitant un enregistrement à titre de lobbyiste-conseil en vertu de la Loi sur le lobbying. Cependant, aux termes de la Loi, M. Beardsley était assujetti à l'interdiction quinquennale d'exercer des activités de lobbying.

Ce chapitre résume mes conclusions sur les activités de M. Beardsley pour le compte de ses clients, et les motifs qui m'ont amené à tirer ces conclusions.

1. Si M. Beardsley a communiqué avec un titulaire d'une charge publique fédérale à l'égard des sujets énumérés à l'alinéa 5(1)a) de la Loi sur le lobbying

La preuve indique que le rôle de M. Beardsley chez Franc Nord Affaires Publiques pour le compte de ses clients chez DAVE Wireless était de leur fournir des avis et des conseils stratégiques pour obtenir l'accès à des titulaires d'une charge publique fédérale clés. Le but de cette activité était de communiquer le point de vue de DAVE Wireless concernant la décision du CRTC et la perspective de mesures gouvernementales connexes pour faciliter un résultat positif pour DAVE Wireless.

Cependant, rien n'indique que le travail entrepris par M. Beardsley pour le compte de ses clients comprenait des communications avec des titulaires d'une charge publique fédérale d'une nature qui est visée par la définition d'une activité de lobbying nécessitant un enregistrement en vertu de la Loi sur le lobbying. Par conséquent, selon les renseignements dont je dispose, je suis d'avis que M. Beardsley n'était pas tenu de s'enregistrer à titre de lobbyiste en vertu des dispositions de l'alinéa 5(1)a) de la Loi sur le lobbying.

2. Si M. Beardsley a ménagé pour un tiers une entrevue avec un titulaire d'une charge publique

La preuve obtenue au cours de cette enquête indique que le 20 novembre 2009, M. Beardsley a laissé un message sur le système de messagerie vocale de M. Nauta en vue d'organiser une réunion entre un titulaire d'une charge publique fédérale et son client, DAVE Wireless.

J'ai conclu que M. Beardsley, pour le compte de DAVE Wireless, a cherché à organiser une réunion entre un titulaire d'une charge publique et son client. Cette activité est une activité de lobbying nécessitant un enregistrement si elle est effectuée moyennant paiement et pour le compte d'un client aux termes de l'alinéa 5(1)b) de la Loi sur le lobbying.

3. Si M. Beardsley l'a fait contre rémunération

La preuve obtenue au cours de l'enquête démontre que le travail effectué par Franc Nord Affaires Publiques pour le compte de DAVE Wireless a été effectué moyennant paiement. M. Beardsley était un expert-conseil engagé par FNAP et gérait le compte de DAVE Wireless pour FNAP.

DAVE Wireless a retenu les services de FNAP le 20 novembre 2009. Le contrat consistait à « [… ] fournir des services d'experts-conseils à DAVE Wireless en lien avec ses efforts en vue de communiquer avec des représentants du gouvernement du Canada au sujet de la récente décision du CRTC en ce qui concerne Globalive ». FNAP a reçu un paiement pour les services rendus à DAVE Wireless le 17 décembre 2009. Je suis d'avis que lorsqu'une entreprise ou un organisme, comme un cabinet d'experts-conseils, est payé par des clients pour exercer des activités pour leur compte, les employés ou membres de l'entreprise ou de l'organisme qui se livrent à ces activités reçoivent des paiements pour les services qu'ils fournissent.

4. Si M. Beardsley s'est livré à des activités pour lesquelles il était tenu de s'enregistrer en vertu de la Loi sur le lobbying

Selon les renseignements dont je dispose, j'ai conclu que M. Beardsley s'est livré à une activité exigeant son enregistrement à titre de lobbyiste-conseil aux termes de l'alinéa 5(1)b) de la Loi sur le lobbying. Cette activité était une tentative d'organiser une réunion avec un titulaire d'une charge publique fédérale pour le compte de son client, moyennant paiement. Cependant, il était alors assujetti à l'interdiction quinquennale d'exercer des activités de lobbying et, par conséquent, il lui était interdit de se livrer à cette activité de lobbying.

5. Si M. Beardsley a enfreint le principe du professionnalisme

Les personnes qui se livrent à des activités pour lesquelles elles sont tenues de s'enregistrer à titre de lobbyistes doivent également respecter le Code de déontologie des lobbyistes, qui comporte un ensemble de principes, dont le principe du professionnalisme.

Professionnalisme

Les lobbyistes devraient observer les normes professionnelles et déontologiques les plus strictes. Plus particulièrement, ils sont tenus de se conformer sans réserve tant à la lettre qu'à l'esprit du Code de déontologie des lobbyistes, de même qu'à toutes les lois pertinentes, dont la Loi sur le lobbying et son règlement d'application.

En se livrant à une activité de lobbying nécessitant un enregistrement alors qu'il lui était interdit de faire du lobbying en vertu de la Loi sur le lobbying, M. Beardsley s'est livré à une activité pour le compte de DAVE Wireless qui contrevenait au principe de professionnalisme du Code de déontologie des lobbyistes.

Je suis d'avis que les personnes qui se livrent à des activités de lobbying nécessitant un enregistrement, qu'elles soient enregistrées ou non, doivent se conformer au Code de déontologie des lobbyistes.

Annexe A — Code de déontologie des lobbyistes

Préambule

Le Code de déontologie des lobbyistes s'appuie sur quatre notions énoncées dans la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes :

  • L'intérêt public présenté par la liberté d'accès aux institutions de l'État;
  • La légitimité du lobbyisme auprès des titulaires d'une charge publique;
  • L'opportunité d'accorder aux titulaires d'une charge publique et au public la possibilité de savoir qui cherche à exercer une influence auprès de ces institutions;
  • L'enregistrement des lobbyistes rémunérés ne doit pas faire obstacle à cette liberté d'accès.

Le Code de déontologie des lobbyistes est un moyen important d'accroître la confiance du public en l'intégrité du processus décisionnel de l'État. La confiance que les Canadiennes et les Canadiens accordent aux titulaires d'une charge publique afin qu'ils prennent des décisions favorables à l'intérêt public est indispensable à toute société libre et démocratique.

À cette fin, les titulaires d'une charge publique sont tenus, dans les rapports qu'ils entretiennent avec le public et les lobbyistes, d'observer les normes qui les concernent dans leurs codes de déontologie respectifs. Quant aux lobbyistes qui communiquent avec des titulaires d'une charge publique, ils doivent aussi respecter les normes déontologiques ci-après.

Ces codes remplissent conjointement une fonction importante visant à protéger l'intérêt public, du point de vue de l'intégrité de la prise des décisions au sein du gouvernement.

Principes

Intégrité et honnêteté

Les lobbyistes devraient faire preuve d'intégrité et d'honnêteté dans toutes leurs relations avec les titulaires d'une charge publique, les clients, les employeurs, le public et les autres lobbyistes.

Franchise

En tout temps, les lobbyistes devraient faire preuve de transparence et de franchise au sujet de leurs activités de lobbyisme, et ce, tout en respectant la confidentialité.

Professionalisme

Les lobbyistes devraient observer les normes professionnelles et déontologiques les plus strictes. Plus particulièrement, ils sont tenus de se conformer sans réserve tant à la lettre qu'à l'esprit du Code de déontologie des lobbyistes, de même qu'à toutes les lois pertinentes, dont la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes et son règlement d'application.

Règles

Transparence

1. Identité et objet

Lorsqu'ils font des démarches auprès d'un titulaire d'une charge publique, les lobbyistes doivent révéler l'identité de la personne ou de l'organisation pour laquelle ils font ces démarches ainsi que l'objet de ces dernières.

2. Renseignements exacts

Les lobbyistes doivent fournir des renseignements qui sont exacts et concrets aux titulaires d'une charge publique. En outre, ils ne doivent pas induire sciemment en erreur qui que ce soit, et ils doivent veiller à ne pas le faire par inadvertance.

3. Divulgation des obligations

Les lobbyistes doivent informer leur client, employeur ou organisation des obligations auxquelles ils sont soumis en vertu de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes et du fait qu'il leur faut se conformer au Code de déontologie des lobbyistes.

Confidentialité

4. Renseignements confidentiels

Les lobbyistes ne doivent pas divulguer de renseignements confidentiels, à moins d'avoir obtenu le consentement éclairé de leur client, de leur employeur ou de leur organisation, ou que la loi ne l'exige.

5. Renseignements d'initiés

Les lobbyistes ne doivent pas se servir des renseignements confidentiels ou d'initiés obtenus dans le cadre de leurs activités de lobbyisme au désavantage de leur client, de leur employeur ou de leur organisation.

Conflits d'intérêts

6. Intérêts concurrentiels

Les lobbyistes ne doivent pas représenter des intérêts conflictuels ou concurrentiels sans le consentement éclairé des personnes dont les intérêts sont en cause.

7. Divulgation

Les lobbyistes-conseils doivent informer les titulaires d'une charge publique qu'ils ont avisé leurs clients de tout conflit d'intérêts réel, possible ou apparent et ont obtenu le consentement éclairé de chaque client concerné avant d'entreprendre ou de poursuivre l'activité en cause.

8. Influence répréhensible

Les lobbyistes doivent éviter de placer les titulaires d'une charge publique en situation de conflit d'intérêts en proposant ou en prenant toute action qui constituerait une influence répréhensible sur ces titulaires.

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