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Les activités de lobbying de Graham Bruce

Novembre 2011

Table des matières

Lettres

L'honorable Noël A. Kinsella
Président du Sénat
Le Sénat
Ottawa (Ontario)
K1A 0A4

Monsieur le Président,

Conformément à l'article 10.5 de la Loi sur le lobbying, j'ai l'honneur de vous présenter un rapport d'enquête portant sur les activités de lobbying de M. Graham Bruce aux fins de son dépôt au Sénat. L'enquête a été réalisée conformément à l'article 10.4 de la Loi.

Je vous prie d'accepter, Monsieur le Président, l'expression de mes sentiments distingués.

Karen E. Shepherd


L'honorable Andrew Sheer, député
Président de la Chambre des communes
Pièce 316-N, Édifice du Centre
Chambre des communes
Ottawa (Ontario)
K1A 0A6

Monsieur le Président,

Conformément à l'article 10.5 de la Loi sur le lobbying, j'ai l'honneur de vous présenter un rapport d'enquête portant sur les activités de lobbying de M. Graham Bruce aux fins de son dépôt à la Chambre des communes. L'enquête a été réalisée conformément à l'article 10.4 de la Loi.

Je vous prie d'accepter, Monsieur le Président, l'expression de mes sentiments distingués.

Karen E. Shepherd

Commentaires de la commissaire

En ma qualité de commissaire au lobbying, j'ai la responsabilité d'enquêter sur les allégations d'activités non conformes aux lois et aux règles régissant les activités de lobbying auprès du gouvernement fédéral. Ce cas a d'abord été porté à l'attention de mon prédécesseur, le Directeur des lobbyistes. Après avoir été nommée au poste de commissaire, j'ai décidé de poursuivre l'examen administratif en cours, au terme duquel j'ai décidé d'ouvrir une enquête en vertu du paragraphe 10.4(1) de la Loi sur le lobbying.

Enjeu

Les lobbyistes doivent respecter certaines obligations juridiques et professionnelles lorsqu'ils travaillent pour le compte de leurs clients ou de leurs employeurs. Les lobbyistes-conseils sont tenus de fournir une déclaration au commissaire si, moyennant paiement, ils s'engagent à ménager des entrevues (organiser des réunions) avec des titulaires d'une charge publique ou s'engagent à communiquer avec des titulaires d'une charge publique au sujet des mesures suivantes : l'élaboration d'une proposition législative; le dépôt, l'adoption, le rejet ou la modification d'un projet de loi ou d'une résolution; la prise ou la modification d'un règlement; l'élaboration ou la modification d'une politique ou d'un programme; ou l'octroi d'une subvention, d'une contribution ou d'un autre avantage financier.

Il a été allégué que M. Graham Bruce, un expert-conseil de Crofton (Colombie-Britannique) associé à Granneke Management and Consulting Services (Granneke), s'était livré à des activités de lobbying à une période où il n'était pas enregistré à titre de lobbyiste.

Enquête

Un examen administratif concernant des infractions présumées à l'ancienne Loi sur l'enregistrement des lobbyistesNote de bas de page 1 et au Code de déontologie des lobbyistes a été lancé par le directeur des lobbyistes en 2007. Dans le cadre de celui-ci, des entrevues ainsi qu'un examen de la correspondance et des paiements versés à M. Bruce ont été effectués. En septembre 2009, à la lumière de l'information qui m'avait été fournie dans un rapport d'examen administratif, j'ai ouvert une enquête. Comme j'avais des motifs raisonnables de croire que la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes avait été enfreinte, j'ai renvoyé l'affaire à la Gendarmerie royale du Canada (GRC) en octobre 2009. En septembre 2010, la GRC a renvoyé le dossier au Commissariat au lobbying tout en indiquant qu'aucune accusation ne serait portée dans cette affaire. Comme j'avais jugé avoir des motifs raisonnables de le faire, j'ai décidé de continuer l'enquête. Une fois l'enquête terminée, M. Bruce a eu l'occasion de présenter son point de vue et, après avoir pris en considération ses commentaires, j'ai préparé ce rapport au Parlement.

Conclusions

Dans le présent rapport, je conclus que M. Bruce a organisé des réunions entre ses clients et des titulaires d'une charge publique, a été rémunéré pour ses services, s'est livré à des activités pour lesquelles il était tenu de s'enregistrer à titre de lobbyiste, et a enfreint le Code de déontologie des lobbyistes, plus particulièrement le principe du professionnalisme, la Règle 2 (Renseignements exacts) et la Règle 3 (Divulgation des obligations).

Le Code de déontologie des lobbyistes

Les activités de lobbying sont légitimes. Lorsqu'elles sont menées de manière éthique et transparente, conformément aux normes de conduite les plus rigoureuses, elles peuvent être un mode de dialogue utile entre le gouvernement et les Canadiens.

Le Code de déontologie des lobbyistes est entré en vigueur le 1er mars 1997 pour compléter l'ancienne Loi sur l'enregistrement des lobbyistes. Il a été élaboré afin de donner aux Canadiens l'assurance que les activités de lobbying auprès des titulaires d'une charge publique fédérale sont menées de manière à préserver leur confiance à l'égard de l'intégrité, de l'objectivité et de l'impartialité des décisions prises par le gouvernement. Les personnes se livrant à des activités nécessitant un enregistrement en vertu de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, et maintenant en vertu de la Loi sur le lobbying, doivent également se conformer au Code de déontologie des lobbyistes. Le Code de déontologie des lobbyistes n'a pas changé depuis son entrée en vigueur.

Durant la période visée par le présent rapport, soit de novembre 2005 à juin 2007, les personnes rémunérées pour communiquer avec des titulaires d'une charge publique fédérale au sujet des mesures précisées dans la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, ou pour ménager des entrevues (organiser des réunions) avec des titulaires d'une charge publique fédérale, étaient tenues de déclarer leurs activités dans le Registre des lobbyistes. Les mêmes exigences sont en place aujourd'hui dans la Loi sur le lobbying. La définition de « titulaire d'une charge publique » dans la Loi est large et s'applique pratiquement à toutes les personnes occupant un poste au gouvernement du Canada, y compris les sénateurs, les députés et leur personnel; les employés des ministères et organismes fédéraux; et les membres des Forces canadiennes et de la Gendarmerie royale du Canada.

Le Code de déontologie des lobbyistes établit des normes de conduite obligatoires pour les personnes qui se livrent à des activités nécessitant un enregistrement en vertu de la Loi. Comme la plupart des codes de déontologie régissant une profession, le Code de déontologie des lobbyistes commence par un préambule qui en établit les objectifs dans un contexte plus général. Ensuite, un ensemble de principes présente, de façon positive, les buts et objectifs à atteindre, sans toutefois définir de normes précises. Ces principes d'intégrité, d'honnêteté, d'ouverture et de professionnalisme sont des buts à atteindre et constituent des orientations générales.

Ces principes sont suivis d'une série de huit règles établissant des obligations et des exigences précises pour les lobbyistes. Ces règles se divisent en trois catégories : transparence, confidentialité et conflits d'intérêts. Aux termes des règles sur la transparence, les lobbyistes sont tenus de fournir des renseignements exacts aux titulaires d'une charge publique, et de révéler l'identité des personnes ou des organisations qu'ils représentent ainsi que l'objet de leur représentation. Ils doivent également communiquer à leurs clients, employeurs ou organisations les obligations auxquelles ils sont assujettis en vertu de la Loi sur le lobbying et du Code de déontologie des lobbyistes. Selon les règles sur la confidentialité, les lobbyistes ne peuvent divulguer de renseignements confidentiels ni se servir de renseignements d'initiés au désavantage de leurs clients, de leurs employeurs ou de leurs organisations. Enfin, aux termes des règles sur les conflits d'intérêts, il est interdit aux lobbyistes de représenter des intérêts conflictuels ou concurrentiels sans le consentement des parties intéressées, ou de placer des titulaires d'une charge publique en situation de conflit d'intérêts en proposant ou en prenant toute action qui constituerait une influence répréhensible sur ces titulaires.

Enquêtes sur les infractions présumées au Code de déontologie des lobbyistes

Les lobbyistes sont tenus par la loi de se conformer au Code de déontologie des lobbyistes. En vertu de la Loi sur le lobbying, la commissaire doit faire enquête si elle a des motifs raisonnables de croire qu'une enquête est nécessaire au contrôle d'application de la Loi ou du Code.

Les infractions au Code de déontologie des lobbyistes n'entraînent pas de sanctions pénales, c'est-à-dire des amendes ou des peines d'emprisonnement, mais le rapport d'enquête de la commissaire, qui comprend ses constatations, ses conclusions et les motifs de ses conclusions, doit être déposé devant les deux chambres du Parlement. Il n'existe pas de délai de prescription pour les enquêtes sur les infractions présumées au Code.

Le présent rapport d'enquête concerne les activités d'une personne qui, selon la conclusion à laquelle je suis arrivée, aurait dû s'enregistrer conformément à la Loi sur le lobbying, et était par conséquent assujettie au Code de déontologie des lobbyistes.

Contexte

Historique du cas avant l'enquête en vertu du Code de déontologie des lobbyistes

Durant le mois d'octobre 2007, plusieurs médias ont rapporté qu'un ancien ministre du gouvernement provincial de la Colombie-Britannique, Graham Bruce, s'était livré à des activités de lobbying pour le compte de la bande indienne de Cowichan sans s'être enregistré à titre de lobbyiste. Le 13 octobre 2007, le Vancouver Sun a révélé que M. Bruce avait exercé des activités de lobbying moyennant paiement pour les tribus Cowichan depuis la fin 2005, mais qu'il ne s'était pas enregistré. L'article indiquait que M. Bruce avait déclaré avoir rencontré plusieurs fois des politiciens provinciaux et fédéraux afin d'obtenir du financement pour le compte de la bande de Cowichan à l'égard de divers projets liés à la planification de la tenue en Colombie-Britannique des Jeux autochtones de l'Amérique du Nord.

La semaine suivante, le Vancouver Sun a rapporté que l'opposition officielle de la Colombie-Britannique comptait demander au gouvernement de la C.-B. d'enquêter à propos des activités de lobbying qu'aurait exercées M. Bruce sans s'être enregistré dans le registre provincial des lobbyistes. À ce moment-là, la Direction des enquêtes du Bureau du directeur des lobbyistes a effectué une recherche dans le Registre des lobbyistes fédéral et a déterminé que M. Bruce n'était pas enregistré pour faire du lobbying auprès de titulaires d'une charge publique fédérale pour le compte de la bande de Cowichan ou des tribus Cowichan. Le 1er novembre 2007, un examen administratif au sujet des activités de lobbying présumées de M. Bruce a été entrepris.

En septembre 2009, la Direction des enquêtes a terminé son examen administratif sur cette affaire et m'a présenté un rapport me recommandant d'ouvrir une enquête en vertu du paragraphe 10.4(1) de la Loi sur le lobbying. À la lumière de l'information obtenue durant cet examen, j'avais des motifs de croire qu'une enquête était nécessaire pour assurer la conformité à la Loi et au Code de déontologie des lobbyistes et j'ai ouvert une enquête. J'ai également déterminé que j'avais des motifs raisonnables de croire qu'en omettant de déclarer ses activités pour le compte de son client, M. Bruce avait enfreint la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes. Par conséquent, j'ai renvoyé l'affaire à la Gendarmerie royale du Canada (GRC) le 6 octobre 2009, en l'avisant que j'avais des motifs raisonnables de croire que M. Bruce avait enfreint les paragraphes 5(1) et 5(1.1) de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes. À ce moment-là, j'ai également suspendu l'enquête en cours du Commissariat conformément à la Loi.

Le 17 septembre 2010, la GRC m'a avisé qu'elle avait décidé de ne pas porter d'accusations contre M. Bruce. Le 30 septembre 2010, j'ai décidé que je disposais de renseignements suffisants pour continuer l'enquête du Commissariat relativement au Code de déontologie des lobbyistes.

L'enquête en vertu du Code de déontologie des lobbyistes

L'enquête en vertu du Code de déontologie des lobbyistes au sujet de M. Bruce a porté sur ses activités pour le compte de la bande indienne de Cowichan, des tribus Cowichan et de la Cowichan Journey of a Generation Society (CJOG) au cours de la période de son engagement auprès de ces organisations. Dans le cadre de l'enquête, divers documents provenant de sources publiques, de même que de l'information fournie par M. Bruce, dont des contrats entre ces clients et M. Bruce et son cabinet-conseil, Granneke Management and Consulting Services (Granneke), ont été examinés. L'enquête visait également un examen des factures pour services rendus, des entrevues faites et des lettres échangés avec des titulaires d'une charge publique fédérale et les clients de M. Bruce.

Le sujet

M. Bruce a été engagé pendant longtemps en politique sur l'île de Vancouver. Il a siégé au conseil municipal de North Cowichan durant 11 ans, dont huit ans en tant que maire, avant d'être élu à l'Assemblée législative de la Colombie-Britannique.

M. Bruce a effectué deux mandats à l'Assemblée législative. Il y a été élu pour la première fois en 1986 et il a été nommé ministre des Affaires municipales, des Loisirs et de la Culture en 1991. Il a été défait aux élections générales plus tard cette année-là. M. Bruce a été réélu dans la circonscription de Cowichan-Ladysmith en mai 2001 et a été nommé ministre du Développement des compétences et du Travail peu de temps après. En décembre 2004, il est devenu leader parlementaire du gouvernement. Il a été défait aux élections de 2005.

M. Bruce s'intéresse aux enjeux touchant les Premières nations et s'implique dans la communauté depuis longtemps.Note de bas de page 2 Granneke Management and Consulting Services (Granneke) est le cabinet-conseil de M. Bruce.

Les clients

La bande indienne de Cowichan, les tribus Cowichan et la Cowichan Journey of a Generation Society

La bande indienne de Cowichan, aussi connue sous le nom des tribus Cowichan, est la Première nation de la Colombie-Britannique comptant le plus de membres, avec 3 800 membres enregistrés. La moitié vivent sur le territoire des réserves de Cowichan, qui comporte neuf réserves distinctes et qui est situé dans le sud de l'île de Vancouver, près de la ville de Duncan.

Les tribus Cowichan sont gouvernées par un chef et 12 conseillers, conformément à la Loi sur les Indiens. Elles ont établi la Cowichan Journey of a Generation Society (CJOG). Durant la période visée par ce rapport d'enquête, le conseil d'administration de la CJOG comptait parmi ses membres le chef, deux conseillers et le directeur général des tribus Cowichan.

Au cours de l'enquête, M. Bruce a fourni à la Direction des enquêtes des copies de deux ententes avec la bande de Cowichan, et d'une autre entente avec la Cowichan Journey of a Generation Society (CJOG). La CJOG était une organisation créée par les tribus Cowichan pour planifier la tenue en Colombie-Britannique des Jeux autochtones de l'Amérique du Nord en 2008.

La première entente, en date du 1er novembre 2005, est intitulée « Granneke Consulting Agreement ». Il s'agit d'une entente entre la bande de Cowichan, désignée dans l'entente comme les « tribus Cowichan », et Granneke Management and Consulting Services, désigné comme l'« entrepreneur ». L'entente vise la période du 1er novembre au 31 décembre 2005. Les honoraires de l'entrepreneur y sont établis à 12 500 $ par mois, et l'entente prévoit le paiement de frais de bureau et d'autres dépenses. Les services devant être fournis par l'entrepreneur sont énumérés à l'annexe A de l'entente et comprennent notamment les suivants :

  • déterminer les programmes et initiatives de financement du gouvernement qui pourraient être utilisés pour remédier aux problèmes urgents des tribus Cowichan;
  • élaborer pour les tribus Cowichan un plan de legs de 10 millions de dollars en lien avec les Jeux autochtones de l'Amérique du Nord de 2008, ce qui pourrait englober la recherche de fonds gouvernementaux afin de financer des installations additionnelles pour les Jeux.

La partie de l'entente intitulée « Independent Contractor » (entrepreneur indépendant) contient une clause stipulant que l'entrepreneur sera un entrepreneur indépendant et non l'employé ou l'agent des tribus Cowichan. La question de la situation d'emploi de M. Bruce a été un point de désaccord dans cette affaire et est abordée en détail dans ce rapport d'enquête.

L'entente prévoit que la bande de Cowichan confère à l'entrepreneur son mandat, mais que l'entrepreneur est libre de déterminer la manière dont ce mandat sera exécuté. En outre, l'entrepreneur convient que M. Graham Bruce fournira les services prévus dans l'entente. Elle stipule que tout au long de la durée de l'entente, M. Bruce sera l'employé de l'entrepreneur et non des tribus Cowichan, et que l'entrepreneur sera responsable des paiements comme l'assurance-emploi, le Régime de pensions du Canada, et les impôts — ce qui découle de la relation employeur-salarié entre l'entrepreneur et M. Bruce.

Une entente subséquente a été conclue entre Granneke et la bande de Cowichan pour la période du 1er janvier au 31 mars 2006. Les services visés par cette deuxième entente comprennent l'élaboration et la mise en oeuvre d'un plan en vue de la signature d'un traité de réconciliation portant sur les terres, l'indemnisation et les éléments de financement, y compris le financement gouvernemental. Les autres caractéristiques importantes de l'entente sont les mêmes que celles de la première entente entre Granneke et la bande de Cowichan.

Une troisième entente a été conclue, celle-ci entre Granneke et la Cowichan Journey of a Generation Society, pour la période du 1er juillet 2006 au 30 juin 2007. Toutefois, M. Bruce a indiqué que cette entente a été prolongée jusqu'au début 2008 par commun accord des parties. Les honoraires de Granneke y sont établis à 16 666 $ par mois, plus les frais de bureau et les autres dépenses. La liste de services devant être fournis est essentiellement identique à celle figurant dans la deuxième entente entre Granneke et les tribus Cowichan. Les autres caractéristiques importantes de l'entente sont les mêmes que celles des deux ententes précédentes.

Processus

L'enquête en vertu du Code de déontologie des lobbyistes au sujet de M. Bruce a porté sur les activités qu'il a exercées de novembre 2005 à juin 2007 pour le compte de la bande indienne de Cowichan, aussi connue sous le nom des tribus Cowichan, et pour le compte de la Cowichan Journey of a Generation Society. L'enquête a comporté un examen des éléments suivants :

  • divers documents provenant de sources publiques, ainsi que l'information fournie par M. Bruce, dont des contrats entre les clients susmentionnés et M. Bruce et son cabinet-conseil, Granneke Management and Consulting Services (Granneke);
  • des factures pour services rendus et de la correspondance avec des titulaires d'une charge publique fédérale;
  • des entrevues avec des titulaires d'une charge publique fédérale et les clients de M. Bruce.

À la suite de l'enquête, un exemplaire du rapport de la Direction des enquêtes a été envoyé à M. Bruce pour lui donner l'occasion de donner son point de vue, ce qu'il a fait dans une lettre du 19 mai 2011.

Le rapport de la Direction des enquêtes et le point de vue de M. Bruce ont été pris en considération et ont servi de base à ce rapport d'enquête.

Enregistrement des lobbyistes

Déclaration obligatoire (lobbyistes-conseils)

L'article 5 de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, en vigueur durant la période visée par ce rapport, énonce l'obligation pour les lobbyistes de déclarer leurs activités de lobbying :

  • 5(1) Est tenue de fournir au directeur, dans les dix jours suivant l'engagement, une déclaration, en la forme réglementaire, contenant les renseignements prévus au paragraphe (2) toute personne (ci-après « lobbyiste-conseil ») qui, moyennant paiement, s'engage, auprès d'un client, personne physique ou morale ou organisation :
    a)à communiquer avec un titulaire de charge publique afin de tenter d'influencer :
    1. l'élaboration de propositions législatives par le gouvernement fédéral ou par un sénateur ou un député,
    2. le dépôt d'un projet de loi ou d'une résolution devant une chambre du Parlement, ou sa modification, son adoption ou son rejet par celle-ci,
    3. la prise ou la modification de tout règlement au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur les textes réglementaires,
    4. l'élaboration ou la modification d'orientation ou programmes fédéraux,
    5. l'octroi de subventions, de contributions ou autres avantages financiers par Sa Majesté du chef du Canada ou en son nom,
    6. l'octroi de tout contrat par Sa Majesté du chef du Canada ou en son nom;

    b)à ménager pour un tiers une entrevue avec le titulaire d'une charge publique.

    (1.1) Le lobbyiste-conseil fournit la déclaration :

    a)dans les dix jours suivant l'engagement visé au paragraphe (1).

Éléments caractérisant les activités pour lesquelles les lobbyistes-conseils sont tenus de s'enregistrer

Dans l'analyse visant à déterminer si des activités nécessitant un enregistrement en vertu du paragraphe 5(1) de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes avaient eu lieu, les deux éléments suivants ont été pris en considération :

  • si la personne en cause avait :
    • communiqué avec un titulaire d'une charge publique au sujet des mesures énumérées à l'alinéa 5(1)a) de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes;
    • ménagé pour un tiers une entrevue avec un titulaire d'une charge publique;
  • si, moyennant paiement, elle s'était engagée à le faire auprès d'un client, d'une personne physique ou morale ou d'une organisation.

Constatations

Rapport de la Direction des enquêtes

La Direction des enquêtes a examiné les activités de M. Bruce afin de déterminer si celles-ci nécessitaient son enregistrement comme lobbyiste. Des preuves ont été obtenues auprès de diverses sources, y compris auprès de titulaires d'une charge publique fédérale, de M. Bruce et de ses clients. Elles ont permis d'en arriver aux constatations suivantes :

En , la bande de Cowichan a proposé un accord de réconciliation aux fins d'une négociation entre les tribus Cowichan et les gouvernements du Canada et de la Colombie-Britannique, l'« accord de réconciliation Cowichan ». Dans cette proposition, on demandait à l'honorable Michael de Jong, alors ministre provincial (Colombie-Britannique) des Relations avec les Autochtones ainsi qu'à l'honorable Jim Prentice, alors ministre fédéral des Affaires indiennes et du Nord, d'assigner des hauts fonctionnaires au dossier et d'engager les ressources nécessaires pour qu'un accord soit signé avant le mois d' .

L'accord proposé visait les terres et des ressources de la Couronne, dont des terres culturelles et sacrées, logement, la foresterie et le développement économique, et prévoyait des transferts de capitaux, y compris pour le logement et l'infrastructure. Il portait également sur la gouvernance et la responsabilisation de la bande de Cowichan, et devait mener à la conclusion, avant 2010, d'un traité définitif dans le cadre du processus tripartite de la Commission des traités de la Colombie-Britannique. Selon le document, l'accord de réconciliation Cowichan proposé visait à combiner divers aspects de la négociation du traité, l'avancement socio-économique et des initiatives en matière de santé et d'éducation. Il était prévu que le transfert de capitaux englobe un paiement initial de 75 millions de dollars du gouvernement fédéral.

Dans le cadre de son travail pour le compte des tribus Cowichan, M. Bruce a communiqué avec des titulaires d'une charge publique fédérale et provinciale.

Le commissaire à l'éthique de la Colombie-Britannique a été appelé à examiner les activités de M. Bruce en , après la fin du mandat de M. Bruce à l'Assemblée législative. Le commissaire à l'éthique a produit un rapport intitulé Opinion of the Conflict of Interest Commissioner (British Columbia) in the matter of a request by Leonard Krog, MLA for Nanaimo, under section 19(2) of the Members' Conflict of Interest Act to review the alleged actions of the Executive Council under section 8(1)(a) of the Act (opinion du commissaire aux conflits d'intérêts de la Colombie-Britannique en ce qui concerne la demande de Leonard Krog, député provincial de la circonscription de Nanaimo, présentée en vertu du paragraphe 19(2) de la Members' Conflict of Interest Act, d'examiner la conduite alléguée du Conseil exécutif au regard de l'alinéa 8(1)a) de cette loi). Ce rapport du ne portait pas sur les activités de lobbying de M. Bruce auprès de titulaires d'une charge publique fédérale.

Au cours de l'enquête du Commissariat au lobbying, M. Bruce a donné des détails sur ses communications avec des titulaires d'une charge publique fédérale. Il a fourni des dates, une liste de participants, l'objet d'une réunion, et le nom d'un titulaire d'une charge publique avec lequel il avait communiqué au cours de la période de son travail auprès des tribus Cowichan.

Le , M. Bruce a envoyé un courriel à l'adjoint spécial du bureau régional en Colombie-Britannique de l'honorable Chuck Strahl, alors ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, afin de solliciter une réunion avec le ministre. Dans le message, il a noté que le chef de la bande de Cowichan ne participerait pas à la réunion, et a indiqué que depuis une réunion tenue l'année précédente, l'accord de réconciliation des tribus Cowichan avait été élaboré. Il a indiqué qu'il souhaitait obtenir des conseils sur la meilleure façon de conclure cet accord avec le Canada.

Le jour suivant, le , M. Bruce a envoyé un courriel à l'adjoint régional principal au bureau du ministre David Emerson. M. Bruce a indiqué qu'il souhaitait organiser une réunion avec le ministre Emerson, alors ministre du Commerce international, de la porte d'entrée du Pacifique et des Jeux olympiques d'hiver de 2010 à Vancouver. Il a dit qu'il souhaitait informer le ministre des derniers développements relatifs à l'accord de réconciliation des tribus Cowichan et obtenir son avis sur certains aspects de cet accord.

Également le , M. Bruce a envoyé un courriel à l'adjoint en Colombie-Britannique de l'honorable Gary Lunn, alors ministre des Ressources naturelles. Il a écrit qu'il voulait organiser une réunion avec le ministre. Comme dans sa demande de réunion avec le ministre Emerson, il a indiqué qu'il souhaitait informer le ministre Lunn des derniers développements relatifs à l'accord de réconciliation des tribus Cowichan et obtenir son avis sur certains aspects de cet accord.

M. Bruce a indiqué qu'il avait aidé à organiser les réunions avec le ministre Strahl et le sénateur St. Germain [sic]. Il a également avisé la Direction des enquêtes que, peu fréquemment, il avait organisé des réunions avec des représentants du gouvernement pour passer en revue le travail entrepris en lien avec la CJOG, mais principalement en ce qui concerne l'accord de réconciliation Cowichan et la question du logement.

La Direction des enquêtes a déterminé que M. Bruce avait rencontré le sous-ministre adjoint, Revendications et gouvernement indien, du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. M. Bruce a représenté la Première nation de Cowichan à une réunion tenue le portant sur la question des négociations avec le gouvernement fédéral. M. Bruce sollicitait un accord provisoire pour le compte de son client, la Première nation de Cowichan. Celle-ci avait besoin de logements et avait demandé que des terres publiques provinciales soient transférées à la Première nation par la province de la Colombie-Britannique, ce avec quoi le gouvernement de la C.-B. était en accord. M. Bruce a sollicité l'appui du gouvernement fédéral. Cette communication a eu lieu dans le contexte des négociations de traités de la Colombie-Britannique, les tribus Cowichan étant l'une des six Premières nations membres du Groupe du Traité des Hul'qumi'num prenant part au Processus des traités de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Gerry St. Germain préside le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. M. Bruce a rencontré le sénateur St. Germain à deux reprises, en et en . La Direction des enquêtes a déterminé que M. Bruce avait informé le sénateur St. Germain qu'il cherchait à ce que le gouvernement du Canada fasse une différence pour les Premières nations. Le sénateur a indiqué que M. Bruce avait sollicité ses conseils, et qu'ils avaient discuté des Jeux autochtones de 2008. Cependant, il ne s'est pas souvenu si M. Bruce lui avait demandé quoi que ce soit en particulier.

Durant l'enquête, M. Bruce a soutenu que la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes ne s'appliquait pas à ses activités parce qu'il était un employé d'une bande indienne ou d'un gouvernement autochtone, et qu'il était donc visé par l'exception prévue au paragraphe 4 (1) de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes :

4. (1) La présente loi ne s'applique pas aux actes accomplis, dans le cadre de leurs attributions, par les personnes suivantes :

[…]

d) les membres du conseil d'une bande, au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur les Indiens, ou d'une bande indienne constituée aux termes d'une loi fédérale, leur personnel ainsi que leurs employés;

d.1) les membres d'un gouvernement ou d'une institution autochtone qui exerce sa compétence ou son autorité au titre d'un accord d'autonomie gouvernementale ou de dispositions en matière d'autonomie gouvernementale contenues dans un accord sur des revendications territoriales — lesquels accords ont été mis en vigueur au titre d'une loi fédérale —, le personnel de ces membres ainsi que les employés d'un tel gouvernement ou d'une telle institution;

[…]

La Direction des enquêtes a conclu que M. Bruce n'était pas un employé de la bande de Cowichan, en se fondant sur le fait que les contrats entre Granneke Management and Consulting Services et les tribus Cowichan indiquent que la Première nation de Cowichan n'est pas l'employeur de M. Bruce. Au contraire, les contrats précisent explicitement que Granneke est un entrepreneur indépendant et non l'employé des tribus Cowichan et que Graham Bruce est l'employé de Granneke et non des tribus Cowichan.

La Direction des enquêtes a conclu que les activités de M. Bruce n'étaient pas visées par l'exception prévue au paragraphe 4(1) de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes. Elle a également conclu que M. Bruce n'était pas un employé de la Première nation de Cowichan ou d'une organisation affiliée, et que, de ce fait, il n'était pas un lobbyiste salarié au sens de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, n'étant pas un employé d'une entreprise ou d'une organisation, et que s'il s'était livré à des activités nécessitant un enregistrement en vertu de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, il était plutôt un lobbyiste-conseil au sens de cette loi.

Afin de déterminer si M. Bruce avait communiqué avec un titulaire d'une charge publique au sujet d'une mesure indiquée à l'alinéa 5(1)a) de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, la Direction des enquêtes a examiné les activités exercées par M. Bruce pour le compte des tribus Cowichan. La Direction a conclu que M. Bruce avait communiqué avec des titulaires d'une charge publique fédérale afin d'obtenir un avantage financier pour la Première nation de Cowichan, une mesure énoncée au sous alinéa 5(1)a)(v) de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes.

Cette conclusion se fondait sur le raisonnement que le travail de M. Bruce pour le compte des tribus Cowichan était lié à l'accord de réconciliation Cowichan, un accord trilatéral avec les gouvernements du Canada et de la Colombie-Britannique. Selon la Première nation de Cowichan, l'accord de réconciliation Cowichan visait à combiner divers aspects de la négociation du traité, l'avancement socio-économique et des initiatives en matière de santé et d'éducation et devait englober une contribution de 75 millions de dollars du gouvernement fédéral. L'accord de réconciliation Cowichan proposait la cession de terres et le transfert de ressources et d'argent par le gouvernement fédéral. Conséquemment, et comme décrit dans le sommaire du projet « Quw'utsun 'A' Lh Silanum » et une proposition conceptuelle pour l'accord de réconciliation Cowichan, cet accord nécessitait des communications avec le gouvernement fédéral.

Les contrats entre Granneke et les tribus Cowichan prévoyaient que M. Bruce communiquerait avec des titulaires d'une charge publique. Les contrats pour les périodes du 1er janvier au et du au exigeaient tous les deux que Granneke élabore et mette en œuvre un plan pour négocier et conclure un traité de réconciliation portant sur les terres, l'indemnisation et des éléments de financement, y compris le financement gouvernemental.

M. Bruce a communiqué avec au moins cinq titulaires d'une charge publique en ce qui concerne des sujets à l'égard desquels il avait la responsabilité. Les discussions visaient notamment à obtenir l'approbation du gouvernement fédéral pour que les tribus Cowichan acquièrent le titre de propriété de terres provinciales de la Couronne, ce qui avait une incidence sur d'autres négociations entre les tribus Cowichan et le gouvernement fédéral.

Au cours de l'enquête, M. Bruce a indiqué qu'il avait assisté, pour le compte des tribus Cowichan, à plusieurs réunions auxquelles ont participé des titulaires d'une charge publique fédérale et d'autres personnes, notamment le chef des tribus Cowichan. Il a également écrit qu'il avait aidé à organiser les réunions avec le ministre Strahl et le sénateur St Germaine [sic]. La Direction des enquêtes a déterminé que M. Bruce avait lui-même organisé ces réunions.

La Direction des enquêtes a déterminé que M. Bruce avait fourni ses services aux tribus Cowichan moyennant paiement. Ses deux premiers contrats avec les tribus Cowichan visaient les périodes du 1er novembre au et du 1er janvier au . Les honoraires de Granneke étaient établis à 12 500 $ par mois, plus les frais de bureau et autres. Le contrat avec la Cowichan Journey of a Generation Society pour la période du au précisait que les honoraires de Granneke s'élevaient à 16 666 $ par mois plus les frais de bureau et autres.

Conformément au paragraphe 5(1) de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, une personne qui, moyennant paiement, s'engage auprès d'un client, personne physique ou morale ou organisation, à communiquer avec un titulaire d'une charge publique au sujet des mesures énumérées à l'alinéa 5(1)a) de la Loi, ou à ménager pour un tiers une entrevue avec un titulaire d'une charge publique, est tenue de fournir une déclaration pour s'enregistrer à titre de lobbyiste. Conformément au paragraphe 5(1.1) de la Loi, une personne qui se livre à des activités pour lesquelles elle doit s'enregistrer à titre de lobbyiste-conseil doit fournir la déclaration susmentionnée dans les 10 jours suivant l'engagement.

La Direction des enquêtes n'a pas déterminé la date exacte à laquelle M. Bruce s'était engagé auprès des tribus Cowichan. La date de début du premier contrat entre Granneke et les tribus Cowichan est le . M. Bruce était tenu de s'enregistrer dans les 10 jours suivant l'engagement auprès de son client. En date du , ni M. Bruce, ni Granneke n'avaient rempli une déclaration dans le Système d'enregistrement des lobbyistes.

Enregistrement

M. Bruce n'était pas enregistré à titre de lobbyiste-conseil pour la Première nation de Cowichan, les tribus Cowichan ou la Cowichan Journey of a Generation Society lorsque les activités décrites dans ce rapport ont eu lieu.

Le point de vue de M. Bruce et mon avis sur celui-ci

Le paragraphe 10.4(5) de la Loi sur le lobbying prévoit qu'avant de statuer qu'une personne faisant l'objet d'une enquête a enfreint le Code de déontologie des lobbyistes (le Code), la commissaire doit lui donner la possibilité de présenter son point de vue. Le 7 avril 2011, j'ai envoyé un exemplaire du rapport de la Direction des enquêtes à M. Bruce et lui ai demandé de présenter ses observations écrites dans les 30 jours.

M. Bruce a présenté ses observations le 19 mai 2011 dans une lettre de son avocate, Ludmila B. Herbst, de Farris, Vaughan, Wills & Murphy LLP, Vancouver. La lettre a abordé les éléments soulevés dans le rapport de la Direction des enquêtes. Les points suivants ont été examinés de manière assez détaillée :

  1. « la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes ne s'appliquait pas à M. Bruce/Granneke parce qu'il était un employé d'un conseil de bande suivant l'alinéa 4(1)d) de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes;
  2. quoi qu'il en soit, a) M. Bruce/Granneke ne s'est pas livré aux activités énoncées au paragraphe 5(1) de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes; et en outre, ou autrement, b) la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes ne s'appliquait pas aux activités de M. Bruce/Granneke suivant le paragraphe 4(2) de cette loi;
  3. le Code de déontologie des lobbyistes ne s'appliquait pas, et quoi qu'il en soit, n'a pas été enfreint;
  4. si nos conclusions énoncées aux points précédents ne sont pas acceptées, toute infraction a été commise par inadvertance et était sans gravité, cela dit sans tenter de nous montrer moins désolés si une telle infraction a eu lieu. » [Traduction]

J'ai examiné et pris en considération les arguments qui ont été soulevés pour le compte de M. Bruce par son avocate. Mon avis est exposé ci-après.

1. Si la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes s'appliquait à M. Bruce/Granneke

M. Bruce a soutenu qu'il n'agissait pas comme consultant pour les tribus Cowichan, comme le précisent les deux contrats de services de consultation avec la bande de Cowichan et le contrat avec la Cowichan Journey of a Generation Society (CJOG). M. Bruce a avancé cet argument parce que les alinéas 4(1)d) et d.1) de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes restreignent l'application de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes. Cette restriction demeure dans la Loi sur le lobbying. La Loi ne s'applique pas aux actes accomplis par certaines personnes dans le cadre de leurs attributions, entre autres :

d) les membres du conseil d'une bande, au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur les Indiens, ou d'une bande indienne constituée aux termes d'une loi fédérale, leur personnel ainsi que leurs employés;

d.1) les membres d'un gouvernement ou d'une institution autochtone qui exerce sa compétence ou son autorité au titre d'un accord d'autonomie gouvernementale ou de dispositions en matière d'autonomie gouvernementale contenues dans un accord sur des revendications territoriales — lesquels accords ont été mis en vigueur au titre d'une loi fédérale —, le personnel de ces membres ainsi que les employés d'un tel gouvernement ou d'une telle institution; […]

M. Bruce a invoqué plusieurs facteurs à l'appui de son argument selon lequel il était un employé de la bande de Cowichan ou de la CJOG, ou des deux, notamment les observations de la bande en réponse aux questions du directeur des lobbyistes de la Colombie-Britannique durant l'enquête par le commissaire aux conflits d'intérêtsNote de bas de page 3 de la Colombie-Britannique en 2009, plusieurs indices d'emploi de M. Bruce par la bande de Cowichan ou la CJOG, de même qu'un argument juridique fondé sur un cas de jurisprudence de longue date selon lequel « […] les traités et les lois visant les Indiens doivent recevoir une interprétation libérale et toute ambiguïté doit profiter aux Indiens ».Note de bas de page 4

M. Bruce a également étayé son argument en invoquant les facteurs suivants comme preuve de sa situation d'emploi :

  • les efforts facturables de M. Bruce portaient sur des projets relatifs aux tribus Cowichan et à la CJOB, une fois celle-ci établie par les tribus Cowichan;
  • d'autres personnes au sein des tribus Cowichan et de la CJOG collaboraient étroitement à la planification et à la mise en œuvre des efforts de M. Bruce;
  • les tribus Cowichan et la CJOG fournissaient les ressources financières et physiques nécessaires à l'accomplissement du travail de M. Bruce;
  • le contrat de M. Bruce prévoyait des services de mentorat, le soutien d'un adjoint administratif, et le paiement des frais de bureau et de déplacement;
  • il était prévu que les droits d'auteur de divers documents demeurent la propriété des tribus Cowichan ou de la CJOG;
  • il y avait une disposition contractuelle concernant la confidentialité de l'information acquise par M. Bruce dans le cadre de ses engagements envers les tribus Cowichan et la CJOG;
  • les tribus Cowichan et la CJOG exigeaient expressément que le travail soit effectué par M. Bruce plutôt que par un autre entrepreneur choisi par Granneke;
  • le paiement d'honoraires mensuels fixes plutôt que d'honoraires conditionnels, avant même l'entrée en vigueur de l'interdiction visant les honoraires conditionnels maintenant prévue dans la Loi sur le lobbying.

Les caractéristiques légales de la relation employeur-employé (employeur-salarié) ont été précisées dans de nombreux jugements rendus par les tribunaux et l'avocate de M. Bruce en a exposé plusieurs dans sa réponse au nom de M. Bruce.Note de bas de page 5

Après avoir pris en considération tous les renseignements dont je dispose, mon point de vue diffère de celui de M. Bruce. À mon avis, la question de savoir si M. Bruce était un employé de la bande de Cowichan ou de la CJOG est une question de fait.

Il ne fait aucun doute que M. Bruce ait travaillé pour la bande de Cowichan directement, ou pour la Cowichan Journey of a Generation Society. Il a été rémunéré pour ses efforts et a été dirigé dans son travail par les tribus Cowichan et la CJOG, des ressources ont été mises à sa disposition pour qu'il puisse exécuter son travail, et il était assujetti à des obligations contractuelles quant au mentorat, aux droits d'auteur et à la confidentialité.

Cependant, les arguments présentés par M. Bruce afin de démontrer l'existence d'une relation d'emploi ne sont pas irréfutables, à mon avis. Une lettre du directeur général des tribus Cowichan du 12 décembre 2007 (qui se trouve à l'annexe B du document exposant l'opinion du commissaire aux conflits d'intérêts de la Colombie-Britannique)Note de bas de page 6 décrivait M. Bruce comme 1) […] un employé en vertu de ses contrats […] » [Traduction]. Cependant, la lettre indiquait également que « 7) les paiements à Granneke avaient été effectués suivant la présentation de factures par Graham à l'administration des tribus Cowichan. Des chèques ont été émis au montant des factures. » [Traduction]. À mon avis, cela infirme l'existence d'une relation employeur-employé. Les employés touchent un salaire ou une rémunération horaire que leur verse leur employeur, qui a des responsabilités comme effectuer les retenues à la source au titre du Régime de pensions du Canada et de l'assurance-emploi et pour les autres prestations, ainsi qu'aux fins de l'impôt s'il y a lieu. Bien que cela ne permette peut-être pas de trancher la question, il s'agit d'un très bon indicateur qu'on n'ait pas voulu créer de relation employeur-employé.

En outre, je n'ai reçu aucune indication montrant que M. Bruce avait déclaré son revenu provenant des tribus Cowichan comme revenu d'emploi, plutôt que comme revenu d'autre provenance — duquel il aurait été en mesure de déduire des dépenses raisonnables d'entreprise. Les autres facteurs cités comme preuves de la situation d'emploi, y compris la manière dont les dépenses ont été payées par les tribus Cowichan ou la CJOG, la façon dont M. Bruce effectuait son travail, les questions de droits d'auteur et de propriété de l'information des tribus et le paiement sur une base mensuelle ne sont pas déterminants, à mon avis.

La Direction des enquêtes s'est appuyée sur le libellé explicite des contrats entre M. Bruce et ses clients, qui précisaient tous que l'entrepreneur serait un entrepreneur indépendant et non l'employé ou l'agent des tribus Cowichan. À mon avis, l'approche prise par la Direction des enquêtes était tout à fait raisonnable. Les contrats sont explicites et on peut présumer que les parties les ont conclus en toute connaissance de cause. À la lumière des contrats de services de consultation, je suis d'avis que les parties avaient manifestement l'intention de se soustraire à une relation employeur-employé.

À mon avis, il serait plus raisonnable de conclure que M. Bruce était un consultant pour les tribus Cowichan et la CJOG, plutôt qu'un employé. La Loi sur l'enregistrement des lobbyistes s'appliquerait donc à M. Bruce à titre de lobbyiste-conseil, étant donné qu'il n'était pas l'employé des tribus Cowichan.

2. Si M. Bruce/Granneke s'est livré à des activités de lobbying pour lesquelles il était tenu de s'enregistrer en vertu du paragraphe 5(1) de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, et si la Loi s'appliquait dans ce cas

M. Bruce a soutenu qu'il ne s'était pas livré à des activités de lobbying nécessitant un enregistrement en vertu de l'article 5 de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes. La Direction des enquêtes a recensé huit réunions avec des titulaires d'une charge publique ayant eu lieu entre le 28 juin 2006 et le 27 juin 2007 auxquelles a participé M. Bruce. Dans ses observations écrites à l'intention de la Direction des enquêtes, M. Bruce a indiqué qu'il avait assisté, seul ou avec d'autres personnes (entre autres avec le chef des tribus Cowichan) à plusieurs réunions avec des titulaires d'une charge publique pour le compte des tribus Cowichan. Notamment, M. Bruce a mentionnéNote de bas de page 7 qu'il avait aidé à organiser les réunions avec le ministre Strahl et le sénateur St. Germain [sic]. Dans la correspondance de courriels, il indique également qu'il a organisé ces réunions lui-même. La Direction des enquêtes a conclu que M. Bruce s'était livré à des activités de lobbying rémunérées nécessitant un enregistrement, et que par conséquent, bien qu'il ne se soit pas enregistré comme lobbyiste, le Code de déontologie des lobbyistes s'appliquait bien à lui.

M. Bruce s'est opposé à cette conclusion, en argumentant que les tribus Cowichan ne le considéraient pas comme un lobbyiste, mais plutôt comme un employé des tribus. M. Bruce a également argumenté que puisqu'il était un employé de Granneke Consulting Inc., toute activité de lobbying à laquelle il pourrait s'être livré n'aurait pas représenté, si telle activité avait eu lieu, une partie importante de ses fonctions. J'ai abordé le premier argument concernant la situation d'emploi de M. Bruce plus haut.

Le deuxième argument selon lequel M. Bruce était un employé de son cabinet-conseil, et donc assujetti aux exigences en matière d'enregistrement énoncées au paragraphe 7(1) de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes plutôt que celles énoncées au paragraphe 5(1), est un argument juridique valable. Cependant, la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes et maintenant, la Loi sur le lobbying, ont été appliquées de la façon qui, à mon avis, reflète le mieux l'intention du Parlement. L'approche employée pour interpréter l'article 5 est que, sous le régime de la loi, les activités de lobbying des lobbyistes-conseils pour le compte de leurs clients, que ces clients soient des personnes physiques ou morales ou des organisations au sens de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes et de la Loi sur le lobbying, sont des engagements personnels envers leurs clients. C'est ce qui distingue les engagements des lobbyistes-conseils des activités de lobbying des lobbyistes salariés qui agissent pour le compte de leur employeur (que celui-ci soit une personne morale ou une organisation), lesquelles activités sont visées par l'article 7 de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes ou de la Loi sur le lobbying. L'obligation d'un lobbyiste conseil de s'enregistrer en vertu de l'article 5 de la Loi est déclenchée quand une telle personne s'engage auprès d'un client à exercer des activités de lobbying qui nécessitent une déclaration en vertu de la Loi. Dans le cas de M. Bruce, il est clair que ses activités de lobbying présumées visaient à promouvoir les intérêts des tribus Cowichan et de la CJOG, et non les intérêts de Granneke Management and Consulting Services.

a) Communications nécessitant une déclaration en vertu de l'alinéa 5(1)a) de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes

Bien des réunions et des discussions auxquelles M. Bruce a participé semblent avoir porté sur la négociation de l'accord de réconciliation Cowichan ou d'autres sujets liés au mandat de la Cowichan Journey of a Generation Society. Les discussions concernant la négociation de traités modernes et d'accords d'autonomie gouvernementale et la résolution des revendications et des griefs de groupes autochtones ne sont pas, suivant les exceptions énoncées aux alinéas 4(1)d) et d.1) de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes et de la Loi sur le lobbying, des activités de lobbying pour lesquelles il faut fournir une déclaration. Même dans un cas où un groupe autochtone aurait embauché des avocats, des comptables et d'autres experts pour négocier avec le gouvernement au sujet du contenu d'un traité, du règlement d'une revendication territoriale, ou de l'application de la Loi sur les Indiens ou d'autres lois ou règlements fédéraux aux Autochtones, ces discussions sembleraient également être visées par l'exception énoncée à l'alinéa 4(2)b) de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes :

4 (2) La présente loi ne s'applique pas dans les cas suivants :

[…]

b) communication orale ou écrite, faite par un mandataire au titulaire d'une charge publique portant sur l'exécution, l'interprétation ou l'application, par celui-ci, d'une loi fédérale ou d'un règlement d'application de celle-ci à l'égard de la personne ou de l'organisation mandante;

[…]

Il pourrait être possible de déterminer que certaines des réunions et des discussions auxquelles M. Bruce a participé concernaient « l'octroi de subventions, de contributions ou d'autres avantages financiers par Sa Majesté du chef du Canada ou en son nom », ce qui constituerait en soi une activité de lobbying nécessitant une déclaration en vertu du sous-alinéa 5(1)a)(v) de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes. Cependant, l'information obtenue par la Direction des enquêtes et celle fournie par M. Bruce indique qu'une partie ou l'ensemble des réunions et des discussions auxquelles M. Bruce a participé portaient sur des sujets ne nécessitant pas de déclaration.

Selon moi, il n'est pas opportun d'interpréter les dispositions touchant la déclaration du paragraphe 5(1) de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes comme séparant l'aspect d'« avantage financier » d'un accord de règlement proposé des discussions pouvant avoir lieu en ce qui concerne la négociation éventuelle d'un traité, d'une convention de règlement ou d'un accord de principe avec les tribus Cowichan, comme les discussions qui ont apparemment eu lieu au cours de l'engagement de M. Bruce. À mon avis, il est plus raisonnable de conclure que les communications de M. Bruce ne consistaient pas en des activités de lobbying devant être déclarées en vertu de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, pour les raisons exposées ci-haut.

b) Ménager des entrevues (organiser des réunions) au sens de l'alinéa 5(1)b) de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes

Je suis d'avis que M. Bruce n'a pas réfuté la conclusion de la Direction des enquêtes voulant qu'il ait organisé des réunions pour le compte de ses clients. Il a indiqué que c'était le cas dans une lettre.Note de bas de page 8 Les entrevues avec des titulaires d'une charge publique menées par la Direction des enquêtes ont permis d'établir que M. Bruce avait organisé des réunions pour le compte de ses clients. À mon avis, l'information obtenue par la Direction des enquêtes et celle fournie par M. Bruce confirme l'application du paragraphe 5(1)b) de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes.

3. Application du Code de déontologie des lobbyistes

M. Bruce est d'avis que le Code de déontologie des lobbyistes ne s'applique pas dans cette affaire parce qu'il n'était pas tenu de s'enregistrer comme lobbyiste. Cependant, si ses communications avec des titulaires d'une charge publique nécessitaient un enregistrement, ou s'il était tenu de s'enregistrer parce qu'il organisait des réunions avec des titulaires d'une charge publique pour le compte de ses clients, alors le Code de déontologie des lobbyistes s'appliquerait à lui.

Je suis en désaccord avec l'assertion de M. Bruce selon laquelle il ne s'est jamais livré à des activités de lobbying pour lesquelles il était tenu de s'enregistrer. Il a organisé des réunions avec des titulaires d'une charge publique fédérale pour le compte de ses clients, moyennant paiement. Je suis d'avis que les personnes qui se livrent à des activités de lobbying, qu'elles se soient enregistrées ou non, doivent respecter le Code de déontologie des lobbyistes.

La Cour d'appel fédérale a confirmé que le Code de déontologie des lobbyistesNote de bas de page 9 s'applique également aux personnes qui se livrent à des activités de lobbying sans déclarer ces activités comme prescrit.

Conclusions

Les entreprises et les autres organisations tentant de présenter leur point de vue au sujet des lois, règlements et politiques du gouvernement fédéral, ou d'obtenir les licences et les certifications exigées en vertu des lois fédérales, embauchent parfois des lobbyistes pour les aider au cours de ce processus. Ces personnes peuvent également ménager des entrevues entre l'entreprise ou l'organisation qu'elles représentent et des agents publics ou communiquer avec des agents publics pour préciser les détails de la proposition d'une entreprise ou négocier les modalités d'une entente.

Il s'agit là de mesures légitimes de la part des entreprises et des organisations et des personnes qu'elles embauchent. La Loi sur le lobbying et la loi qui la précède, la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, reconnaissent cette légitimité, mais imposent certaines obligations en matière de divulgation et relativement au comportement des personnes qui, moyennant paiement, s'engagent à aider des entreprises de cette manière.

Pour en arriver à mes conclusions, j'ai tenu compte du rapport de la Direction des enquêtes et des observations de M. Bruce. J'ai conclu que M. Bruce avait été rémunéré pour organiser des réunions entre des titulaires d'une charge publique fédérale et ses clients et avait omis de déclarer ses engagements conformément à la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes. Il a également négligé de fournir des renseignements exacts et d'informer ses clients des obligations auxquelles il était soumis en vertu du Code de déontologie des lobbyistes.

Ce chapitre résume mes conclusions sur les activités de M. Bruce pour le compte de ses clients, et les motifs qui m'ont amené à tirer ces conclusions.

1. Si M. Bruce a communiqué avec des titulaires d'une charge publique fédérale à l'égard des sujets énumérés à l'alinéa 5(1)a) de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes

Les preuves indiquent que le rôle de M. Bruce pour le compte de ses deux clients consistait à les aider à entrer en contact avec des titulaires d'une charge publique fédérale qui pourraient être en mesure de faciliter l'obtention d'un résultat positif quant aux dossiers que les tribus Cowichan cherchaient à faire avancer, principalement l'accord de réconciliation Cowichan proposé.

La Loi sur l'enregistrement des lobbyistes précise qu'il n'est pas nécessaire de déclarer certains types de communications. L'alinéa 4(2)b) de cette loi stipule que celle-ci ne s'applique pas au type de communication suivant :

Communication orale ou écrite entre un mandataire et un titulaire d'une charge publique portant sur l'exécution, l'interprétation ou l'application, par celui-ci, d'une loi fédérale ou d'un règlement d'application de celle-ci à l'égard de la personne ou de l'organisation mandante.

À mon avis, les communications orales et écrites entre M. Bruce et divers titulaires d'une charge publique, pour le compte de ses clients, concernaient la négociation éventuelle de l'accord de réconciliation Cowichan, une proposition qui visait à régler certains des différends entre les tribus Cowichan et le gouvernement du Canada. Par conséquent, ces communications me semblent être visées par l'une des exceptions énoncées dans la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes.

J'ai donc conclu que le travail effectué par M. Bruce pour le compte de ses clients n'avait pas englobé de communications avec des titulaires d'une charge publique fédérale nécessitant une déclaration en vertu de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, et maintenant, en vertu de la Loi sur le lobbying. Par conséquent, je suis d'avis que M. Bruce n'était pas tenu de s'enregistrer à titre de lobbyiste en vertu de l'alinéa 5(1)a) de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes.

2. Si M. Bruce a ménagé pour un tiers une entrevue avec un titulaire d'une charge publique

Les preuves obtenues au cours de cette enquête révèlent qu'à plusieurs occasions entre novembre 2005 et juin 2007, M. Bruce a organisé des réunions entre des titulaires d'une charge publique fédérale et ses clients, les tribus Cowichan et la Cowichan Journey of a Generation Society(CJOG). Il s'agit d'une activité de lobbying nécessitant une déclaration en vertu de l'alinéa 5(1)b) de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes si elle est exercée moyennant paiement, ce qui demeure le cas en vertu de la Loi sur le lobbying.

Réunions organisées pour le compte des tribus Cowichan et de la CJOG

M. Bruce, pour le compte des tribus Cowichan et de la Cowichan Journey of a Generation Society, moyennant paiement, a organisé une ou plusieurs réunions entre des titulaires d'une charge publique participant à la discussion concernant l'accord de réconciliation Cowichan proposé. De ce fait, il s'est livré à des activités pour lesquelles il était tenu de fournir une déclaration en vertu de l'alinéa 5(1)b) de l'ancienne Loi sur l'enregistrement des lobbyistes.

3. Si M. Bruce l'a fait contre rémunération

Les preuves obtenues au cours de l'enquête démontrent que le travail effectué par M. Bruce pour le compte des tribus Cowichan ainsi que pour celui de la Cowichan Journey of a Generation Society a été rémunéré.

Les engagements auprès des tribus Cowichan et de la Cowichan Journey of a Generation Society

M. Bruce a été engagé par les tribus Cowichan et par la Cowichan Journey of a Generation Society à trois reprises. Les contrats visaient des services qui ont été fournis du 1er novembre 2005 au 30 juin 2007. Chacun de ces contrats prévoyait que M. Bruce serait payé sur présentation de factures pour les services rendus par M. Bruce selon les honoraires convenus. Les tribus Cowichan et la Cowichan Journey of a Generation Society ont payé M. Bruce pour les services qu'il a rendus pendant la durée de ces contrats.

4. Si M. Bruce s'est livré à des activités pour lesquelles il était tenu de s'enregistrer en vertu de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes

M. Bruce s'est livré à des activités pour lesquelles il était tenu de s'enregistrer à titre de lobbyiste-conseil conformément à l'alinéa 5(1)b) de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes. Moyennant paiement, pour le compte de ses clients, il a organisé des réunions avec des titulaires d'une charge publique fédérale. Il était donc tenu de fournir au directeur des lobbyistes, dans les 10 jours suivant la prise de ses engagements, une déclaration pour s'enregistrer comme lobbyiste, ce qu'il a omis de faire.

5. Si M. Bruce a enfreint le principe du professionnalisme

Les personnes qui se livrent à des activités pour lesquelles elles sont tenues de s'enregistrer à titre de lobbyiste doivent également respecter le Code de déontologie des lobbyistes*, qui comporte un ensemble de principes, dont le principe du professionnalisme.

Professionnalisme

Les lobbyistes devraient observer les normes professionnelles et déontologiques les plus strictes. Plus particulièrement, ils sont tenus de se conformer sans réserve tant à la lettre qu'à l'esprit du Code de déontologie des lobbyistes, de même qu'à toutes les lois pertinentes, dont la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes et son règlement d'application.

En omettant de s'enregistrer à titre de lobbyiste dans les délais prescrits par la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, M. Bruce a contrevenu au principe du professionnalisme du Code de déontologie des lobbyistes dans le cadre des activités auxquelles il s'est livré pour le compte des tribus Cowichan et de la Cowichan Journey of a Generation Society.

6. Si M. Bruce a enfreint la Règle 2 du Code de déontologie des lobbyistes

Les personnes qui se livrent à des activités pour lesquelles elles sont tenues de s'enregistrer doivent également respecter une série de huit règles énoncées dans le Code de déontologie des lobbyistes. Dans le but de promouvoir la transparence, la Règle 2 prévoit que les lobbyistes doivent fournir des renseignements exacts :

Renseignements exacts

Les lobbyistes doivent fournir des renseignements qui sont exacts et concrets aux titulaires d'une charge publique. En outre, ils ne doivent pas induire sciemment en erreur qui que ce soit, et ils doivent veiller à ne pas le faire par inadvertance.

En omettant de s'enregistrer à titre de lobbyiste, M. Bruce ne s'est pas identifié de manière appropriée comme lobbyiste et n'a donc pas fourni des renseignements exacts aux titulaires d'une charge publique. Par conséquent, les personnes et les organisations ayant un intérêt à l'égard des activités de lobbying des tribus Cowichan et de la CJOG ont été induites en erreur quant à l'existence d'activités de lobbying. J'ai donc conclu que M. Bruce avait enfreint la Règle 2 du Code (Renseignements exacts).

7. Si M. Bruce a enfreint la Règle 3 du Code de déontologie des lobbyistes

La Règle 3 favorise également la transparence en exigeant que les lobbyistes informent leurs clients de leurs obligations en vertu du régime fédéral d'enregistrement des lobbyistes.

Divulgation des obligations

Les lobbyistes doivent informer leur client, employeur ou organisation des obligations auxquelles ils sont soumis en vertu de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes et du fait qu'il leur faut se conformer au Code de déontologie des lobbyistes*.

Les clients de M. Bruce, les tribus Cowichan et la CJOG, n'étaient pas au courant de son obligation de s'enregistrer comme lobbyiste-conseil agissant pour leur compte, ce qui laisse supposer qu'il n'avait pas divulgué ses obligations en vertu de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes et du Code de déontologie des lobbyistes. Par conséquent, j'ai conclu que M. Bruce avait enfreint la Règle 3 du Code à l'égard de ces engagements.

Annexe A — Code de déontologie des lobbyistes*

Préambule

Le Code de déontologie des lobbyistes s'appuie sur quatre notions énoncées dans la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes :

  • L'intérêt public présenté par la liberté d'accès aux institutions de l'État;
  • La légitimité du lobbyisme auprès des titulaires d'une charge publique;
  • L'opportunité d'accorder aux titulaires d'une charge publique et au public la possibilité de savoir qui se livre à des activités de lobbyisme;
  • L'enregistrement des lobbyistes rémunérés ne doit pas faire obstacle à cette liberté d'accès.

Le Code de déontologie des lobbyistes est un moyen important d'accroître la confiance du public en l'intégrité du processus décisionnel de l'État. La confiance que les Canadiennes et les Canadiens accordent aux titulaires d'une charge publique afin qu'ils prennent des décisions favorables à l'intérêt public est indispensable à toute société libre et démocratique.

À cette fin, les titulaires d'une charge publique sont tenus, dans les rapports qu'ils entretiennent avec le public et les lobbyistes, d'observer les normes qui les concernent dans leurs codes de déontologie respectifs. Quant aux lobbyistes qui communiquent avec des titulaires d'une charge publique, ils doivent aussi respecter les normes déontologiques ci-après.

Ces codes remplissent conjointement une fonction importante visant à protéger l'intérêt public, du point de vue de l'intégrité de la prise des décisions au sein du gouvernement.

Principes

Intégrité et honnêteté

Les lobbyistes devraient faire preuve d'intégrité et d'honnêteté dans toutes leurs relations avec les titulaires d'une charge publique, les clients, les employeurs, le public et les autres lobbyistes.

Franchise

En tout temps, les lobbyistes devraient faire preuve de transparence et de franchise au sujet de leurs activités de lobbyisme, et ce, tout en respectant la confidentialité.

Professionnalisme

Les lobbyistes devraient observer les normes professionnelles et déontologiques les plus strictes. Plus particulièrement, ils sont tenus de se conformer sans réserve tant à la lettre qu'à l'esprit du Code de déontologie des lobbyistes, de même qu'à toutes les lois pertinentes, dont la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes et son règlement d'application.

Règles

Transparence

  1. Identité et objet

    Lorsqu'ils font des démarches auprès d'un titulaire d'une charge publique, les lobbyistes doivent révéler l'identité de la personne ou de l'organisation pour laquelle ils font ces démarches ainsi que l'objet de ces dernières.

  2. Renseignements exacts

    Les lobbyistes doivent fournir des renseignements qui sont exacts et concrets aux titulaires d'une charge publique. En outre, ils ne doivent pas induire sciemment en erreur qui que ce soit, et ils doivent veiller à ne pas le faire par inadvertance.

  3. Divulgation des obligations

    Les lobbyistes doivent informer leur client, employeur ou organisation des obligations auxquelles ils sont soumis en vertu de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes et du fait qu'il leur faut se conformer au Code de déontologie des lobbyistes.

Confidentialité

  1. Renseignements confidentiels

    Les lobbyistes ne doivent pas divulguer de renseignements confidentiels, à moins d'avoir obtenu le consentement éclairé de leur client, de leur employeur ou de leur organisation, ou que la loi ne l'exige.

  2. Renseignements d'initiés

    Les lobbyistes ne doivent pas se servir des renseignements confidentiels ou d'initiés obtenus dans le cadre de leurs activités de lobbyisme au désavantage de leur client, de leur employeur ou de leur organisation.

Conflits d'intérêts

  1. Intérêts concurrentiels

    Les lobbyistes ne doivent pas représenter des intérêts conflictuels ou concurrentiels sans le consentement éclairé des personnes dont les intérêts sont en cause.

  2. Divulgation

    Les lobbyistes-conseils doivent informer les titulaires d'une charge publique qu'ils ont avisé leurs clients de tout conflit d'intérêts réel, possible ou apparent et ont obtenu le consentement éclairé de chaque client concerné avant d'entreprendre ou de poursuivre l'activité en cause.

  3. Influence répréhensible

    Les lobbyistes doivent éviter de placer les titulaires d'une charge publique en situation de conflit d'intérêts en proposant ou en prenant toute action qui constituerait une influence répréhensible sur ces titulaires.

* Cette version du Code de déontologie des lobbyistes était en vigueur durant la période visée par ce rapport (de novembre 2005 à juin 2007).

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