Dana O'Born, Conseil canadien des innovateurs
March 2020
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© Sa Majesté la Reine du chef du Canada
représentée par la Commissaire au lobbying du Canada, 2020
No. de catalogue Lo5-3/14-2020F-PDF
ISBN 978-0-660-34283-2
Also available in English under the title:
Investigation Report: Dana O’Born, Council of Canadian Innovators
Préface
Le présent rapport est présenté au Parlement du Canada en vertu de l’article 10.5 de la Loi sur le lobbying (la Loi) L.R.C. (1985), ch. 44 (4e suppl.).
Après avoir mené une enquête, la commissaire au lobbying prépare un rapport dans lequel elle présente les résultats, ses conclusions et les motifs de ses conclusions.
La commissaire est tenue de présenter son rapport au Président du Sénat et au Président de la Chambre des communes. Chaque président dépose ensuite le rapport devant la chambre qu’il préside.
La Loi sur le lobbying assure la transparence du régime fédéral de lobbying en exigeant que les lobbyistes rémunérés déclarent publiquement leurs activités de lobbying et qu’ils rendent compte de leurs communications avec les titulaires d’une charge publique désignée. Le Code de déontologie des lobbyistes établit les principes et les règles du comportement éthique attendu des lobbyistes.
Ce rapport a été déposé par :
Nancy Bélanger
Commissaire au lobbying du Canada
Table des matières
Sommaire
Ce rapport fait suite à une enquête menée par le Commissariat au lobbying du Canada (Commissariat) en vertu de l’article 10.4 de la Loi sur le lobbying (Loi) afin de déterminer si Mme Dana O’Born, lobbyiste salariée (organisation) employée par le Conseil canadien des innovateurs (CCI), a enfreint le Code de déontologie des lobbyistes (Code). L’enquête a tenté de déterminer si Mme O’Born a enfreint la Règle 6 (conflit d’intérêts) ou la Règle 9 (activités politiques) du Code en faisant du lobbying auprès de l’honorable Chrystia Freeland ou auprès des membres de son cabinet ministériel après avoir entrepris des activités politiques au nom de Mme Freeland.
L’enquête n’a pas apporté de preuve à l’effet que Mme O’Born ait fait du lobbying auprès de Mme Freeland. Cependant, alors que Mme Freeland était ministre du Commerce international, Mme O’Born a eu deux conversations téléphoniques logistiques pour finaliser les dispositions relatives à une rencontre du CCI avec l’honorable David Lametti, alors secrétaire parlementaire de la ministre du Commerce international, lors de la journée de lobbying organisée par le CCI. L’une de ces conversations logistiques a eu lieu le 13 octobre 2016 avec Mme Gillian Nycum, membre du personnel du bureau de la circonscription de M. Lametti. L’autre était avec Mme Megan Buttle, adjointe spéciale de M. Lametti, le 17 octobre 2016. Mme O’Born a également organisé et participé à la journée de lobbying sur l’industrie des technologies propres du CCI le 20 octobre 2016, à laquelle ont participé M. Lametti et Mme Buttle. Le CCI a déclaré ces communications dans le Registre des lobbyistes.
La Règle 9 interdit à un lobbyiste de faire du lobbying auprès d’un élu (ou d’un membre de son personnel) pour lequel il s’est livré à des activités politiques. Comme le sujet de cette enquête est en lien avec la Règle 9, qui est identifiée comme une formulation plus précise de l’interdiction générale des conflits d’intérêts énoncée à la Règle 6, l’analyse a commencé avec la règle de conduite plus spécifique qui est énoncée à la Règle 9.
Règle 9
Pour déterminer si Mme O’Born a enfreint la Règle 9, je devais examiner si elle s’est livrée à des activités politiques au nom de Mme Freeland alors qu’elle était lobbyiste, qui pourraient vraisemblablement faire croire à la création d’un sentiment d’obligation et, dans l’affirmative, si elle a fait du lobbying auprès de Mme Freeland ou de membres de son personnel.
Mme O’Born a entrepris deux types d’activités politiques au nom de Mme Freeland. Le premier, en tant que cogestionanaire de la campagne de réélection de Mme Freeland en 2015, a précédé l’emploi de Mme O’Born comme lobbyiste salariée au CCI. Le second, en tant que membre du comité de direction de l’association de circonscription électorale de Mme Freeland, a chevauché pendant un peu plus de 15 mois son emploi comme lobbyiste salariée du CCI (c’est-à-dire du 1er juillet 2016 au 12 octobre 2017).
J’ai constaté que les activités de Mme O’Born liées à la campagne de réélection de Mme Freeland et ses activités au sein du comité de direction de l’association de la circonscription électorale de Mme Freeland pouvaient vraisemblablement faire croire à la création d’un sentiment d’obligation de la part de Mme Freeland.
Ayant fait cette détermination, j’ai ensuite dû déterminer si Mme O’Born a fait du lobbying auprès du « personnel du bureau [de Mme Freeland] » en rapport avec les deux conversations téléphoniques logistiques qu’elle a eues et la réunion lors de la journée de lobbying du CCI à laquelle elle a assisté. J’ai constaté que M. Lametti et Mme Nycum ne sont pas considérés comme étant des membres du personnel du cabinet de Mme Freeland aux fins de la Règle 9. J’ai aussi constaté que Mme Buttle avait été identifée comme Adjointe spéciale de M. Lametti à titre de secrétaire parlementaire auprès de Mme O’Born. J’ai donc conclu que Mme O’Born n’avait pas enfreint la Règle 9 en ce qui concerne ces communications.
Règle 6
En ce qui concerne la Règle 6, je n’ai trouvé aucun motif permettant de conclure que Mme O’Born ait placé Mme Freeland dans un réel conflit d’intérêts. Rien n’indique, sur la base des informations recueillies dans le cadre de cette enquête, que Mme Freeland ait pris des décisions ou exercé des pouvoirs, devoirs ou fonctions officiels en sa qualité de ministre du Commerce international en ce qui concerne les programmes, politiques ou services relevant de son portefeuille ministériel qui sont liés à l’objet des activités de lobbying du CCI. Rien n’indique non plus que Mme Freeland ait eu connaissance d’une quelconque activité de lobbying du CCI.
Je n’ai également trouvé aucun motif permettant de conclure que Mme O’Born ait placé Mme Freeland dans un conflit d’intérêts apparent. À mon avis, un observateur raisonnable, informé des circonstances factuelles pertinentes, ne pourrait raisonnablement conclure que les actions de Mme O’Born - en ayant deux conversations logistiques avec le personnel politique de M. Lametti et en assistant à la réunion lors de la journée de lobbying du CCI, qui ont toutes été consignées dans le Registre des lobbyistes - devaient avoir affecté la capacité de Mme Freeland à exercer ses pouvoirs, devoirs et fonctions officiels.
Observations
Bien que j’aie déterminé que la Règle 6 n’a pas été enfreinte dans les circonstances factuelles en cause dans cette enquête, j’ai observé que l’analyse qu’exige la Règle 6 soulève des préoccupations quant à la manière dont cette disposition est actuellement rédigée.
Ma compétence en tant que commissaire au lobbying se limite à la réglementation de la conduite des lobbyistes. Toutefois, en interdisant aux lobbyistes de placer les titulaires d’une charge publique fédérale dans des conflits d’intérêts réels et apparents, la Règle 6 exige que la commissaire au lobbying tire des conclusions qui impliquent la conduite des titulaires d’une charge publique qui peuvent être soumis à des régimes éthiques distincts, y compris ceux supervisés par le conseiller sénatorial en éthique et le commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique. Ces préoccupations concernant la Règle 6 devraient être traitées dans le cadre de toute modification future du Code, qui nécessitera des consultations des parties prenantes comme le prévoit la Loi sur le lobbying. Ce faisant, il faudra envisager de modifier les Règles de conduite pour se concentrer exclusivement sur les comportements spécifiques des lobbyistes sans importer le régime régissant la conduite éthique des titulaires d’une charge publique par référence implicite.
En déterminant que la Règle 9 n’a pas été enfreinte dans les circonstances de cette enquête, j’ai constaté que les secrétaires parlementaires ne sont pas considérés comme étant des « membres du personnel » d’un cabinet ministériel aux fins de la Règle 9. Toutefois, les secrétaires parlementaires partagent les mêmes engagements politiques que le ministre qu’ils sont chargés d’assister.
C’est pourquoi je suis d’avis que le champ d’application de la Règle 9 devrait être élargi pour inclure les personnes, telles que les secrétaires parlementaires, qui ne sont pas considérées comme du personnel politique d’un élu, mais qui partagent les mêmes engagements politiques que l’élu sous la responsabilité duquel elles opèrent. Cette question devrait aussi être abordée dans le cadre de toute consultation future des parties prenantes visant à réviser le Code.
Introduction
Le présent rapport fait suite à une enquête menée par le Commissariat au lobbying (Commissariat) en vertu de l’article 10.4 de la Loi sur le lobbying (Loi) afin de déterminer si Mme Dana O’Born, lobbyiste salariée (organisation) employée par le Conseil canadien des innovateurs (CCI), a enfreint le Code de déontologie des lobbyistes (Code). L’enquête visait, en particulier, à déterminer si Mme O’Born a enfreint la Règle 6 (Conflit d’intérêts) ou la Règle 9 (Activités politiques) du Code en faisant du lobbying auprès de l’honorable Chrystia Freeland ou auprès de membres de son personnel ministériel après avoir entrepris des activités politiques au nom de Mme Freeland.
Comme il est expliqué plus en détail ci-dessous, il n’y a aucune preuve que des lobbyistes salariés employés par CCI, y compris Mme O’Born, n’aient exercé des activités de lobbying auprès de Mme Freeland. Cependant, entre octobre et décembre 2016, alors que Mme Freeland était ministre du Commerce international,Note de bas de page 1 le CCI a signalé quatre communications avec l’honorable David Lametti, alors secrétaire parlementaire de la ministre du Commerce international,Note de bas de page 2 et/ou avec des membres du personnel politique de M. Lametti.
En plus de déterminer si Mme O’Born participait à des activités politiques pour Mme Freeland qui pouvaient vraisemblablement faire croire à la création d’un sentiment d’obligation, cette enquête a cherché à comprendre les circonstances des communications que le CCI a rapportées avoir eu avec M. Lametti et/ou avec des membres de son personnel politique et en particulier, si Mme O’Born était présente pour l'une de ces communications.
L’enquête visait également à déterminer si les actions de Mme O’Born en tant que lobbyiste ont placé Mme Freeland en conflit d'intérêts réel ou apparent. Cette décision exigeait que le Commissariat vérifie si Mme Freeland avait été informée de ces communications et si elle avait pris des décisions ou exercé des pouvoirs, devoirs ou fonctions officiels en sa qualité de ministre du Commerce international relativement à la teneur des communications que le CCI a eues avec M. Lametti et/ou avec des membres de son personnel politique au cours de cette période.
Contexte
Le 11 juillet 2017, le Globe and Mail rapportaitNote de bas de page 3 que le CCI, un conseil commercial national composé de PDG d'entreprises technologiques canadiennes, avait employé comme lobbyistes salariés trois personnes à temps plein qui avaient travaillé pour des politiciens libéraux au niveau fédéral ou provincial. Cet article indiquait notamment que M. Benjamin Bergen, directeur général du CCI, avait travaillé comme adjoint exécutif de Mme Freeland lorsqu'elle était députée de l'opposition et qu'il avait agi à titre de cogestionnaire de la campagne de Mme Freeland lors des élections fédérales de 2015. L’article indiquait également que Mme Dana O'Born, directrice des politiques de CCI, avait agi à titre de cogestionnaire de la campagne officielle de Mme Freeland lors des élections de 2015 et que M. Patrick Searle, directeur des communications de CCI, avait été porte-parole des ministres libéraux en Ontario entre 2012 et janvier 2017.
Le 12 juillet 2017, la commissaire au lobbying de l'époque, Karen Shepherd, a reçu une lettre lui demandant de vérifier si Mme O’Born avait contrevenu au Code en faisant du lobbying auprès d’Affaires mondiales Canada, qui comprend les ministères du Commerce international, des Affaires étrangères et du Développement international, après avoir joué un rôle de cadre supérieur dans la campagne électorale fédérale de Mme Freeland en 2015.
Processus
Le 25 juillet 2017, l'ancienne commissaire Shepherd a déclenché un examen administratif pour déterminer si Mme O’Born avait contrevenu à l'une de ses obligations en vertu du Code, y compris si elle avait enfreint les Règles 6 ou 9 à la lumière de ses activités politiques présumées au nom de Mme Freeland.
Le 31 juillet 2017, le Commissariat a communiqué avec Mme O’Born pour l'informer qu'il avait entamé un examen administratif de cette affaire.
Le 2 août 2017, le Commissariat a mené une entrevue en personne avec Mme O’Born. Mme O’Born a alors présenté un cahier de documentation contenant des résumés de son travail avec le gouvernement de l’Ontario, son expérience en tant que cogestionnaire de campagne de Mme Freeland, son rôle avec le CCI et ses interactions avec le ministère du Commerce international. Mme O’Born a également soumis des documents concernant ces résumés, notamment des lettres et des échanges de courriels.
Entre le 20 septembre et le 4 octobre 2017, le Commissariat a interrogé les témoins suivants :
- M. David Lametti, député de LaSalle-Émard-Verdun et secrétaire parlementaire de la ministre Freeland en sa qualité de ministre du Commerce international, de décembre 2015 à janvier 2017.
- Mme Megan Buttle, adjointe spéciale de M. Lametti en sa qualité de secrétaire parlementaire de la ministre du Commerce international, d'août 2016 à janvier 2017;
- Mme Gillian Nycum, adjointe spéciale au bureau parlementaire de M. Lametti, de janvier 2016 à janvier 2017.
Le 21 mars 2018, j’ai ouvert une enquête en me fondant sur le fait que les renseignements recueillis jusque-là donnaient des raisons de croire qu'une enquête était nécessaire pour assurer la conformité au Code. Mme O’Born a par la suite été informée qu'une enquête avait été ouverte pour déterminer si elle avait enfreint les Règles 6 ou 9 du Code en faisant du lobbying auprès de Mme Freeland ou du personnel du bureau de Mme Freeland après avoir participé à des activités politiques au nom de Mme Freeland.
Le 15 juin 2018, le Commissariat a interrogé Mme Freeland.
Le 25 juillet 2019, j’ai écrit à Mme Freeland et à Emily Yorke, ancienne conseillère en politiques au sein du cabinet ministériel de Mme Freeland lorsqu'elle était ministre du Commerce international, pour leur demander de répondre chacune par écrit, au moyen d’une déclaration sous serment, à une série de questions.
Le 17 août 2019, Mme Yorke a répondu aux questions du Commissariat par courriel. Comme sa réponse n'était pas sous la forme d'une déclaration sous serment, le Commissariat a par la suite pris des dispositions pour interroger Mme Yorke sous serment. Au cours de cette entrevue, qui a eu lieu le 30 septembre 2019, le Commissariat a confirmé les premières réponses écrites de Mme Yorke.
Le 8 septembre 2019, le Commissariat a reçu la déclaration sous serment de Mme Freeland.
Le 23 octobre 2019, le Commissariat a écrit à Susan Bincoletto, ambassadrice du Canada en Suisse, pour lui demander de fournir des informations sur une communication signalée par le CCI au Registre des lobbyistes pendant la période couverte par la présente enquête. Mme Bincoletto avait participé à cette communication en tant qu'ancienne sous-ministre adjointe, Développement des affaires internationales, Affaires mondiales Canada.
Le 5 décembre 2019, Mme Bincoletto a répondu à la demande du Commissariat.
Le 20 décembre 2019, après avoir reçu les engagements de confidentialité de Mme O’Born et de son avocat, le Commissariat a fourni à Mme O’Born une copie de l’ébauche du rapport d’enquête (sans les observations) afin d’obtenir ses représentations.
Le 30 janvier 2020, Mme O’Born a répondu et a demandé que le Commissariat corrige le titre officiel de « cogestionnaire » de la campagne de ré-élection de 2015 de Mme Freeland. Le titre corrigé est inscrit à ce rapport.
Enjeux
Cette enquête visait à déterminer si Mme O’Born a enfreint la Règle 6 (Conflit d’intérêts) ou la Règle 9 (Activités politiques) du Code en faisant du lobbying auprès de Mme Freeland ou de membres de son personnel ministériel après avoir entrepris des activités politiques au nom de Mme Freeland.
Les faits
Activités politiques de Mme O’Born
Cogestionnaire de la campagne
Lors de son entrevue, Mme O'Born a déclaré qu'en septembre 2015, elle a pris un congé sans solde de son poste au bureau du ministre des Transports de l'Ontario pour agir à titre de cogestionnaire, avec M. Bergen, de la campagne de réélection réussie de Mme Freeland dans la circonscription réorganisée de University-Rosedale lors des élections fédérales de 2015. Mme O’Born a indiqué qu’elle s’est investie dans la campagne de Mme Freeland après avoir rencontré M. Bergen dans le cadre de leurs activités politiques respectives à Toronto, puis discuté avec lui et Mme Freeland de la possibilité de cogérer la campagne.
Mme O’Born a déclaré qu’en tant que cogestionnaire de la campagne, elle a élaboré et mis en œuvre une stratégie de campagne globale, en dirigeant une équipe de 15 personnes. Elle a indiqué qu'elle a également entrepris des activités de marketing et de sensibilisation et organisé des allocutions pour Mme Freeland devant des électeurs potentiels, des organisations commerciales, des groupes résidentiels, des groupes de sensibilisation et d'autres organismes sans but lucratif.
Au cours de son entrevue, Mme Freeland a déclaré qu’elle a appris à connaître Mme O’Born par l’intermédiaire de M. Bergen, qui s’était porté volontaire pour sa première campagne fédérale en 2013 et avait ensuite travaillé dans son bureau de circonscription. Mme Freeland a déclaré que Mme O’Born s’est jointe à sa campagne électorale de 2015 sur la recommandation de M. Bergen. Elle a indiqué que, pendant la campagne, elle a travaillé en étroite collaboration avec Mme O’Born, dont le travail a été très varié, allant de la visite des électeurs à la prestation de conseils stratégiques. Mme Freeland a qualifié l’expérience de travailler en collaboration très étroite de nombreuses heures par jour comme « intense ».
Mme O’Born a déclaré qu’elle est retournée à son poste au bureau du ministre des Transports de l’Ontario immédiatement après les élections fédérales du 19 octobre 2015.
Je tiens à souligner que les activités politiques de Mme O’Born concernant le succès de la campagne électorale de Mme Freeland en 2015 sont antérieures à son rôle de lobbyiste à l’emploi du CCI.
Association libérale fédérale de University-Rosedale
Dans son entrevue, Mme O’Born a confirmé qu'elle était vice-présidente chargée de la préparation électorale au sein du Conseil de direction de l’Association libérale fédérale (ALF) de University-Rosedale, l'association de la circonscription électorale de Mme Freeland à Toronto.
Mme O’Born a déclaré qu’elle occupait ce poste de façon « intérimaire », qu'elle n'occupait pas ce poste de façon active et qu’elle n’était pas obligée de participer à des activités de financement. Elle a estimé avoir assisté à trois réunions de l’ALF après l’élection fédérale de 2015.
Comme indiqué dans la déclaration sous serment que Mme Freeland a fournie en réponse à la demande de renseignements supplémentaires du Commissariat, elle a confirmé que, comme en témoignent les procès-verbaux des réunions de l’ALF,Note de bas de page 4 Mme O'Born était présente à deux réunions, soit la réunion du 11 juin 2016 et celle du 12 septembre 2017.
Mme Freeland a également confirmé que Mme O'Born a assumé son poste de vice-présidente, préparation électorale au sein du Conseil de direction de l’ALF de University-Rosedale, du 22 mai 2016 au 12 octobre 2017, date à laquelle un nouveau Conseil de direction a été élu.
Cette réponse corrobore les saisies d’écran du site web de l’ALF de University Rosedale enregistrées par le Commissariat le 31 juillet et le 11 octobre 2017. Comme le reflètent ces saisies d'écran, alors que Mme O'Born était répertoriée comme vice-présidente, préparation électorale au sein du Conseil de direction de l’ALF, au 31 juillet 2017, elle ne figurait pas parmi les candidats en lice pour des postes au sein du Conseil de direction de l’ALF dans l'avis d'élection enregistré le 11 octobre 2017.
Sur la base des informations recueillies dans le cadre de cette enquête, les activités politiques de Mme O'Born en tant que vice-présidente, préparation électorale au sein du Conseil de direction de l’ALF de University Rosedale, ont eu lieu en même temps que son emploi de lobbyiste employé par le CCI pendant une période d’un peu plus de 15 mois (soit du 1er juillet 2016 au 12 octobre 2017). À ce titre, Mme O'Born a été publiquement identifiée comme vice présidente, préparation électorale au sein du Conseil de direction de l’ALF dans la circonscription représentée par Mme Freeland au Parlement lorsque, comme indiqué plus en détail ci-dessous, le CCI a fait état de communications avec M. Lametti, Mme Buttle et Mme Nycum en octobre 2016.
Conseils du commissariat sur les activités politiques antérieures de Mme O’Born
Lors de son entrevue, Mme O’Born a déclaré qu’avant de commencer son travail au CCI en juillet 2016, elle s’était adressée au commissaire à l’intégrité de l’Ontario pour s’enquérir de ses obligations en vertu des règles provinciales sur le lobbying. Elle a également indiqué que M. Bergen avait contacté le Commissariat au sujet des restrictions imposées aux activités de lobbying de Mme O’Born au niveau fédéral, compte tenu de son travail sur la campagne de réélection de Mme Freeland en 2015. Parmi les pièces justificatives qu’elle a fournies, Mme O’Born a inclus une lettre du Commissariat, datée du 8 juillet 2016, qui se lit en partie comme suit :
« Agir à titre de directrice de campagne électorale est une activité politique qui risque de créer un sentiment d'obligation qui pourrait raisonnablement être perçu comme plaçant le titulaire d’une charge publique en situation de conflit d'intérêts. Un ancien directeur de campagne d'un ministre ne devrait pas faire de lobbying auprès de ce ministre ou du personnel de son cabinet.
Conformément aux directives des lobbyistes au sujet de l’application de la Règle 9 du Code de déontologie des lobbyistes - Activités politiques, le sentiment d’obligation envers les lobbyistes créé à la suite des activités politiques d’un lobbyiste diminue avec le temps. Lorsqu'un lobbyiste a exercé des activités politiques qui risquent de créer un sentiment d'obligation, le commissaire est d'avis que cinq ans est une période d’attente suffisante avant de faire du lobbying auprès du titulaire d'une charge publique et/ou de son personnel, afin d'éviter de créer un conflit d'intérêts pour ce titulaire de charge publique. »
Mme O'Born a déclaré qu'elle n'a pas rencontré Mme Freeland ou son personnel de bureau et qu’elle ne leur a pas écrit depuis qu'elle a commencé à travailler pour le CCI le 1er juillet 2016. Elle a également déclaré qu'elle comprenait qu'il lui était interdit de le faire pendant cinq ans. Mme O’Born a décrit sa relation avec Mme Freeland comme étant professionnelle et a déclaré qu'elle n'avait pratiquement eu aucune communication avec elle depuis la campagne électorale, si ce n'est de la voir par hasard une ou deux fois à Toronto.
Dans ses observations écrites, Mme O’Born a déclaré : « Conformément aux conseils du Commissariat, je n’ai pas fait de lobbying auprès de Mme Freeland ou de son personnel pendant que j'étais au CCI. De plus, la politique du CCI en matière de conflits d'intérêts interdit au personnel de faire du lobbying auprès d'anciens employeurs directs pendant une période de cinq ans ».
Conseil Canadien des Innovateurs (CCI)
Comme l’indique son site web, le Conseil canadien des innovateurs se décrit comme un « conseil commercial du 21e siècle composé uniquement de PDG venant d’entreprises technologiques canadiennes dont la croissance est la plus rapide. Il vise exclusivement à aider les entreprises technologiques canadiennes à forte croissance à prendre de l’ampleur sur le plan international ». Fondé en septembre 2015, le CCI décrit son mandat comme visant à « optimiser la croissance du secteur des innovations canadien en veillant à ce que les leaders en matière de technologie et les chefs publics ou politiques du pays collaborent en vue de former un plan d’action pour l’innovation au Canada ». En particulier, le CCI indique qu'il « préconise une politique qui stimule l'innovation et aide les entreprises technologiques nationales à avoir un meilleur accès aux fonds, aux compétences et aux clients ».
À l'heure actuelle, le CCI compte 118 membres, des PDG venant d’un échantillon diversifié d’entreprises technologiques canadiennes.
Le conseil d’administration du CCI se compose de cinq membres, dont Jim Balsillie, président du CCI et John Ruffolo, vice-président du CCI.Note de bas de page 5
Le site web du CCI présente six membres du personnel, dont M. Bergen (directeur général) et Mme O’Born (directrice, Initiatives stratégiques).
Rôle de Mme O'Born avec le CCI
Lors de son entrevue, Mme O’Born a indiqué qu’elle avait été embauchée le 1er juillet 2016 à titre de directrice des politiques du CCI. En janvier 2017, elle est devenue directrice des initiatives stratégiques du CCI, rôle dans lequel elle a déclaré être responsable de l’élaboration, de la direction et de la supervision de projets qui répondent aux besoins des entreprises membres du CCI. Elle fournit également une orientation stratégique aux PDG membres en ce qui concerne l'engagement du gouvernement et l'établissement de relations aux niveaux fédéral et provincial et « transmet » les commentaires de l'industrie en lien avec le Programme d’innovation du Canada au gouvernement fédéral. Avant de travailler pour le CCI, Mme O’Born a occupé de nombreux postes stratégiques au sein du gouvernement de l'Ontario.
En réponse à des questions sur ses responsabilités en matière de lobbying au CCI, Mme O’Born a estimé qu’elle consacrait 30 % de son temps à faire du lobbying, y compris la préparation et le déplacement pour les réunions. Elle a dit que le CCI lui avait clairement indiqué dès le début que, pendant une période de cinq ans, elle ne devait pas exercer des activités de lobbying auprès de politiciens pour lesquels elle avait travaillé.
Registre des Lobbyistes - CCI
Le CCI maintient son inscription active au Registre des lobbyistes depuis le 4 avril 2016, date à laquelle il s’est enregistré pour la première fois en tant qu’organisation employant des lobbyistes salariés.
Dans les versions des enregistrements qu’il a déposées entre le 15 septembre 2016Note de bas de page 6 et le 15 janvier 2017,Note de bas de page 7 le CCI a inscrit M. Bergen non seulement comme agent responsable de fournir une déclaration au nom du CCI en vertu de l'article 7 de la Loi sur le lobbying, mais aussi comme lobbyiste salarié. Mme O’Born et M. Christopher Salloum (directeur adjoint) figuraient également parmi les lobbyistes salariés du CCI.
Dans ces deux mêmes versions des enregistrements, le CCI a inscrit « Affaires mondiales Canada » (AMC) parmi les institutions du gouvernement fédéral auprès desquelles il exerce des activités de lobbying. AMC englobe les ministères du Commerce international, des Affaires étrangères et du Développement international. Mme Freeland a été ministre du Commerce international du 4 novembre 2015 au 10 janvier 2017, date à laquelle elle a été nommée ministre des Affaires étrangères.
Dans chacune de ces deux versions, le CCI est enregistré pour exercer des activités de lobbying auprès du gouvernement fédéral sur les sujets suivants :
- Changer le Programme d'aide à la recherche industrielle (PARI) pour permettre aux petites et moyennes entreprises (PME) de présenter plus facilement des demandes et des rapports dans le cadre du programme actuel, et augmenter le montant maximal qu’une PME peut demander.
- Finances – changer le Programme d’encouragement fiscal à la recherche scientifique et au développement expérimental (RS&DE) pour permettre aux petites et moyennes entreprises (PME) de présenter plus facilement des demandes et des rapports dans le cadre du programme actuel, et d’augmenter le montant maximal qu’une PME peut demander.
- Petites entreprises et Tourisme – changer le Programme d’exportation du Canada (CanExport)Note de bas de page 8 pour permettre à un plus grand nombre d'entreprises technologiques de présenter une demande.
- Citoyenneté et Immigration – changer les délais actuels pour les visas de travail, demander des changements à l’étude d’impact sur le marché du travail afin d’accélérer le processus.
- Approvisionnement – changer le processus de demande de propositions (DP) pour subdiviser les grands projets en des projets plus petits afin que les petites et moyennes entreprises puissent soumettre des propositions. [traduction libre]
Communications déclarées dans le registre des lobbyistes
Entre le 1er juillet 2016, date à laquelle Mme O’Born s'est jointe au CCI pour la première fois, et le 10 janvier 2017, date à laquelle Mme Freeland a cessé d'être ministre du Commerce international, le CCI a signalé quatre communications avec des membres du personnel politique de M. Lametti, dont deux impliquaient également M. Lametti lui-même :
- Le 13 octobre 2016, le CCI a eu une communication avec Gillian Nycum, identifiée comme « adjointe spéciale », Affaires mondiales Canada,Note de bas de page 9 pour discuter de « Commerce intérieur ».
- Le 17 octobre 2016, le CCI a eu une communication avec Megan Buttle, adjointe spéciale, Affaires mondiales Canada, pour discuter de « Commerce international ».
- Le 20 octobre 2016, le CCI a eu une communication avec Mme Buttle et M. David Lametti, désigné comme secrétaire parlementaire de la ministre du Commerce international, pour discuter de « Commerce international ».
- Le 7 décembre 2016, le CCI a eu une communication avec Mme Nycum, identifiée comme étant « adjointe de député, Chambre des communes », et M. Lametti pour discuter de « Propriété intellectuelle et Commerce intérieur ».
Durant cette période, M. Lametti a été secrétaire parlementaire de Mme Freeland en sa qualité de ministre du Commerce international.
Comme il est décrit plus en détail ci-dessous, alors que Mme O'Born a participé ou a assisté aux trois communications qui ont eu lieu en octobre 2016, elle n'était pas présente pour la réunion avec M. Lametti et Mme Nycum en décembre 2016. Après la rencontre à laquelle elle a assisté avec M. Lametti et Mme Buttle le 20 octobre 2016, Mme O’Born a transmis à Mme Buttle une lettre à l’intention de M. Lametti qui a été cosignée par M. Bergen en sa qualité de directeur général du CCI, M. Balsillie, président du CCI, et M. Ruffolo, vice-président du CCI. Cette lettre à M. Lametti fait suite à l’objet de la rencontre du 20 octobre.
Titulaires d’une charge publique ayant participé aux communications avec le CCI
M. Lametti
Comme il a été mentionné, M. Lametti était secrétaire parlementaire de la ministre Freeland lorsque les communications signalées par le CCI ont eu lieu en octobre et en décembre 2016.
Mme Buttle
Pour sa part, Mme Buttle était adjointe spéciale de M. Lametti en sa qualité de secrétaire parlementaire de la ministre du Commerce international lorsque les communications signalées par le CCI ont eu lieu en octobre 2016.
Lors de son entrevue, Mme Buttle a déclaré qu'elle avait travaillé comme adjointe au secrétaire parlementaire de la ministre du Commerce international du mois d’août 2016 à janvier 2017. Mme Buttle a précisé que son poste d'adjointe au secrétaire parlementaire était un poste au sein du cabinet de la ministre Freeland. Elle a indiqué qu'elle avait envoyé son curriculum vitae à M. Lametti, qui l'avait interviewée pour ce poste, mais que son contrat de travail avait été signé par Mme Freeland.
M. Lametti a confirmé que le poste d’adjoint spécial du secrétaire parlementaire est un poste du personnel exonéré au sein du cabinet ministériel et a estimé que 70 % du travail de cette personne consiste à soutenir le secrétaire parlementaire. M. Lametti a indiqué qu’il avait embauché Mme Buttle comme deuxième adjointe spéciale et que le cabinet de la ministre lui avait donné « carte blanche » pour le faire.
Mme Nycum
Bien que Mme Nycum soit identifiée comme « adjointe spéciale, Affaires mondiales Canada » dans le rapport déposé par le CCI concernant la communication qui a eu lieu le 13 octobre 2016, elle est identifiée comme « adjointe au député, Chambre des communes » dans le rapport déposé concernant la réunion qui a eu lieu le 7 décembre 2016. Dans son entrevue, Mme Nycum a déclaré qu'elle n'était pas adjointe spéciale à Affaires mondiales Canada, mais plutôt conseillère principale/conseillère spéciale au bureau parlementaire de M. Lametti entre janvier 2016 et janvier 2017. M. Lametti a confirmé les déclarations de Mme Nycum à cet égard, la qualifiant de chef de cabinet de son bureau sur la Colline parlementaire. Lors de son entrevue, M. Bergen a reconnu qu’il croyait comprendre que Mme Nycum avait travaillé au bureau de M. Lametti sur la Colline parlementaire et qu’elle avait été identifiée par erreur dans le Registre des lobbyistes comme adjointe spéciale à Affaires mondiales Canada.
Dans l'ensemble, je considère que la position de Mme Nycum consistait à appuyer M. Lametti en sa qualité de député.
Communication avec Mme Nycum le 13 octobre 2016
Lors de son entrevue, Mme O’Born a déclaré avoir communiqué avec Mme Nycum pour organiser une rencontre avec M. Lametti en sa qualité de secrétaire parlementaire de la ministre du Commerce international. Mme O’Born a confirmé que son appel à Mme Nycum était de nature administrative.
M. Bergen a corroboré de façon distincte l’objectif de cette communication, notant qu’elle avait eu lieu entre Mme Nycum et Mme O’Born et qu’elle avait trait à la logistique de la journée de lobbying avec M. Lametti qui a eu lieu le 20 octobre.
Lors de son entrevue, Mme Nycum a déclaré que l’objectif de cette communication avec Mme O’Born le 13 octobre, 2016 était de discuter d’arrangements logistiques en prévision de la rencontre de la journée de lobbying du CCI avec M. Lametti le 20 octobre, 2016. Mme Nycum a également ajouté qu’elle n’avait pas participé à cette rencontre de la journée de lobbying.
Dans l'ensemble, je suis d'avis que cette communication de Mme O’Born avec Mme Nycum était de nature logistique et n’est pas une communication qui constitue une activité de lobbying pour les lobbyistes salariés au sens de la Loi.
Communication avec Mme Buttle le 17 octobre 2016
Mme O'Born a également déclaré que la communication avec Mme Buttle le 17 octobre 2016, qui consistait en une conversation téléphonique visant à confirmer qui assisterait à la réunion du 20 octobre et à partager les détails de l'ordre du jour proposé par le CCI, était entièrement de nature logistique. Lors de son entrevue, Mme Buttle a déclaré que la communication du 17 octobre était un appel à prendre des dispositions pour la réunion du 20 octobre. Pour sa part, M. Bergen a déclaré que cette communication consistait en une conversation téléphonique entre Mme Buttle et Mme O'Born qui avait pour but de confirmer qui assisterait à la réunion du 20 octobre et de partager les détails entourant l’ordre du jour proposé par le CCI.
Dans les pièces justificatives fournies au Commissariat, Mme O’Born a inclus une copie d'un échange de courriels qu'elle a eu avec Mme Buttle, qui atteste de la nature administrative de cette communication. Mme O’Born a également inclus la déclaration écrite suivante : « En organisant la rencontre avec le député Lametti, le CCI a pris des mesures pour respecter l'interdiction de cinq ans de faire du lobbying auprès de la ministre Freeland et de son personnel en travaillant directement avec les adjointes du député Lametti, soit Megan Buttle et Gillian Nycum ».
Dans l'ensemble, je suis d'avis que cette communication du 17 octobre entre Mme O’Born et Mme Buttle était de nature logistique et n’est pas une communication qui constitue une activité de lobbying pour les lobbyistes salariés au sens de la Loi.
Communications avec M. Lametti et Mme Buttle le 20 octobre 2016
Dans les observations écrites fournies au nom de Mme O’Born, la rencontre avec M. Lametti a été décrite comme faisant partie de la journée de lobbying organisée par le CCI à Ottawa, dans le cadre de laquelle les PDG membres du CCI ont participé à des rencontres avec un éventail de titulaires d’une charge publique. Comme l'indiquent les rapports de communication déposés par le CCI dans le Registre des lobbyistes, le CCI a fait état de 24 rencontres avec des titulaires d’une charge publique dans le cadre de la journée de lobbying qu’il a organisé à Ottawa le 20 octobre 2016.
Dans son entrevue, M. Lametti a déclaré avoir rencontré environ 10 PDG membres du CCI dans son bureau de la Colline parlementaire dans le cadre de la journée de lobbying sur l’industrie des technologies propres organisée par le CCI. M. Lametti a déclaré que la discussion a porté sur le Programme d’exportation du Canada, l’innovation, l’exportation, le commerce mondial, les délégués commerciaux ainsi que les relations stratégiques continues des membres du CCI avec le gouvernement. M. Lametti, a en outre, déclaré qu’il ne pouvait pas dire avec certitude si M. Bergen ou Mme O’Born étaient présents à cette rencontre. Il a noté que Mme O’Born figurait sur la liste des participants devant assister à cette rencontre.
Pour sa part, Mme Buttle a déclaré qu’elle avait assisté à la rencontre du 20 octobre 2016 au bureau de la Colline parlementaire de M. Lametti, rencontre qu’elle a qualifiée de table ronde d’une durée d’environ 30 minutes sur les enjeux liés à l’industrie des technologies propres. Mme Buttle a déclaré que Mme O’Born était présente, mais que M. Bergen n'était pas présent et a fait remarquer que les employés du CCI n'étaient pas très actifs au cours de la rencontre. Elle a mentionné que M. Lametti a surtout écouté les PDG membres du CCI discuter du profil de leurs entreprises respectives. Elle a également rappelé qu'elle avait reçu une trousse d'information sur chaque entreprise.
Dans son entrevue, Mme O’Born a déclaré que la rencontre entre les PDG membres du CCI et M. Lametti a duré environ une demi-heure. Elle a déclaré que les PDG se sont présentés et ont parlé de leurs entreprises respectives et que M. Lametti a parlé de son rôle de secrétaire parlementaire et a donné un aperçu global des initiatives gouvernementales auxquelles il participait, y compris, par exemple, le Programme d’exportation du Canada.
Mme O’Born a indiqué qu’elle n’a pas pris la parole au cours de la rencontre, mais qu’elle a plutôt « pris des notes en arrière-plan ». Elle a expliqué que ce sont les PDG membres qui prennent le plus souvent la parole dans ce genre de rencontre et que le CCI fournit un soutien avant et après la rencontre. Elle a également fait remarquer que Mme Buttle a joué un « rôle passif » pendant la rencontre.
Lors de l’entrevue, on a demandé à Mme O’Born si les PDG membres du CCI avaient également voulu rencontrer la ministre Freeland. Mme O’Born a déclaré qu’elle ne se rappelait pas avoir reçu de communications à cet effet de la part des PDG participants. Elle a déclaré que le CCI informe les PDG membres du rôle important que les secrétaires parlementaires ont à jouer, et elle a ajouté : « Nous n’avions pas l’intention d’aller parler à la ministre Freeland. Nous sommes évidemment conscients des restrictions, et nous les avons respectées ». Mme O’Born a également noté que M. Lametti est un ancien avocat spécialisé en propriété intellectuelle, ce qui intéresse de nombreux membres du CCI.
Lettre à M. Lametti
Les pièces justificatives fournies au Commissariat incluent un courriel que Mme O'Born a envoyé à M. Lametti le 16 novembre 2016, auquel était jointe une lettre signée par M. Bergen (directeur général du CCI), M. Ruffolo (vice-président du CCI) et M. Balsillie (président du CCI).
Dans son courriel, Mme O’Born a écrit : « Merci de nous avoir accordé votre temps le 20 octobre. Nous espérons poursuivre la conversation et avons décrit les prochaines étapes proposées dans la lettre ci-jointe ».
Voici un extrait de la lettre jointe au courriel :
« Au cours de la réunion, les PDG membres du CCI ont proposé de créer un groupe de travail qui se réunirait régulièrement avec vous et le ministère pour discuter d’enjeux, comme le programme CanExport, en veillant à ce que les services offerts par Exportation et développement Canada favorisent la croissance internationale des entreprises canadiennes en développement et en collaborant avec les bureaux du commerce international pour assurer l’échange d'information et la formation afin de mieux les renseigner sur les services que les entreprises technologiques canadiennes ont à offrir à l'économie mondiale. »
Lors de son entrevue, le Commissariat a présenté la lettre du CCI à M. Lametti. Il a déclaré qu'il avait accepté de tenir des réunions régulières, mais a souligné que cela représentait la pleine mesure de son engagement.
Le 23 novembre 2016, Mme O'Born a envoyé le courriel suivant à Mme Buttle :
« [J]’espérais pouvoir obtenir plus d'information sur l’examen du Programme CanExport dont vous avez parlé lors de notre rencontre. Nous avons pris contact avec certains des bureaux commerciaux en France et au Royaume-Uni; nous voulions nous assurer que nous étions sur la même piste. Nous comptons plusieurs sociétés membres qui seraient disposées à faire part de leurs commentaires ».
Le 24 novembre 2016, Mme Buttle a envoyé à Mme O’Born la réponse suivante :
« [J]'ai mis en copie Emily Yorke, du cabinet de la ministre Freeland, qui a travaillé sur le dossier de CanExport, et qui peut nous donner plus de détails sur la rétroaction des intervenants et sur la façon dont certains de vos membres peuvent participer davantage à ce dossier. »
Outre la transmission de la réponse de Mme Buttle par courriel à M. Bergen avec la mention « PVI », Mme O’Born n’a pas fait d’autre suivi auprès de Mme Buttle.
Dans son entrevue avec le Commissariat, Mme Buttle a noté que le Programme d’exportation du Canada était géré à partir du cabinet ministériel de Mme Freeland et que c'était la raison pour laquelle elle avait transmis le courriel de Mme O'Born à Mme Yorke, conseillère en politiques du cabinet de Mme Freeland chargée de répondre aux demandes de renseignements sur le Programme d'exportation du Canada. Mme Buttle a indiqué qu’après avoir transmis le courriel de Mme O’Born à Mme Yorke, elle ne se souvenait pas avoir fait un autre suivi auprès du CCI.
Dans les observations écrites fournies au nom de Mme O’Born, il est indiqué qu'en organisant des rencontres avec M. Lametti, le CCI a pris des mesures pour respecter l'interdiction de cinq ans de faire du lobbying auprès de Mme Freeland en travaillant directement avec les assistantes de M. Lametti, Mme Buttle et Mme Nycum. Les observations précisaient également que « le CCI n'avait pas répondu à la chaîne de courriels [à Mme Buttle et transmis à Mme Yorke, dont il est question ci-dessus] ni n'avait effectué de suivi du dossier d’examen de CanExport ».
La déclaration de Mme O’Born à cet égard est conforme aux réponses écrites que Mme Yorke a fournies au Commissariat, à savoir qu’elle ne se souvenait d'aucun suivi de la part du CCI relativement au courriel que Mme Buttle lui a transmis le 24 novembre 2016. Dans ses réponses écrites, Mme Yorke a déclaré ne pas se souvenir d’appels, de réunions, de courriels ou d’autres interactions résultant de ce courriel. Elle a déclaré qu’il n’y avait pas de revue formelle du Programme d’exportation du Canada. Elle a également mentionné qu'elle ne croyait pas avoir parlé de ce courriel à Mme Freeland ou à qui que ce soit d'autre dans le bureau ministériel. Lors de son entrevue ultérieure avec le Commissariat le 30 septembre 2019, Mme Yorke a confirmé sous serment ses réponses écrites. Elle a ajouté qu'elle n'avait jamais rencontré ni interagi avec quelqu'un du CCI.
Lors de son entrevue avec le Commissariat, Mme Freeland a déclaré qu'elle n'avait eu aucune interaction avec le CCI en sa qualité de ministre du Commerce international et qu'elle ne se souvenait pas d'une telle interaction entre le CCI et son cabinet. Mme Freeland a ajouté qu’elle ne se rappelait pas avoir été informée par M. Lametti des rencontres qu’il aurait pu avoir avec le CCI, M. Bergen ou Mme O’Born.
Dans sa déclaration sous serment, Mme Freeland a confirmé qu'elle n'avait été informée à aucun moment par qui que ce soit, y compris M. Lametti, des activités de lobbying du CCI entre octobre 2016 et janvier 2017. Elle a également confirmé qu'elle n’était pas au courant, au moment de la rencontre avec M. Lametti lors de la journée de lobbying organisée par le CCI le 20 octobre 2016 ou à tout autre moment incluant jusqu'au jour de son entrée en fonction comme ministre des Affaires étrangères le 10 janvier 2017, que le CCI avait cherché à établir un groupe de travail pour rencontrer M. Lametti sur une base régulière pour discuter des points mentionnés dans la lettre de suivi du CCI datée du 16 novembre 2016.
Dans sa déclaration sous serment, Mme Freeland a, en outre, confirmé qu'elle n'avait pris aucune décision ni agi dans l’exercice de ses pouvoirs, devoirs ou fonctions officiels relativement aux éléments mentionnés dans la lettre de suivi du CCI cosignée par M. Bergen, M. Balsillie et M. Ruffolo. Mme Freeland a également déclaré ne pas être responsable des points mentionnés dans la lettre de suivi du CCI après le 10 janvier 2017, date à laquelle elle est devenue ministre des Affaires étrangères.
Communication avec M. Lametti et Mme Nycum en décembre 2016
Mme O’Born n’a pas assisté à cette rencontre et par conséquent, cette communication ne peut constituer le fondement d’une contravention à la Règle 9 de la part de Mme O’Born.
Analyse
Cette enquête visait à déterminer si Mme O’Born a enfreint la Règle 6 (Conflit d’intérêts) ou la Règle 9 (Activités politiques) du Code en faisant du lobbying auprès de Mme Freeland ou de membres de son personnel ministériel après avoir entrepris des activités politiques au nom de Mme Freeland.
Comme la Règle 9 est soulevée dans le cadre de cette enquête et qu’elle est explicitement identifiée comme une formulation plus précise de l’interdiction générale des conflits d’intérêts énoncée à la Règle 6, la première étape de l’analyse consiste à déterminer si Mme O’Born a enfreint la Règle de conduite particulière qui est énoncée à la Règle 9.
Règle 9 - Activités politiques
La Règle 9 prévoit ce qui suit :
« Si un lobbyiste entreprend des activités politiques pour le compte d’une personne qui pourraient vraisemblablement faire croire à la création d’un sentiment d’obligation, il ne peut pas faire de lobbying auprès de cette personne pour une période déterminée si cette personne est ou devient un titulaire d’une charge publique. Si cette personne est un élu, le lobbyiste ne doit pas non plus faire de lobbying auprès du personnel du bureau dudit titulaire. »
Pour déterminer si Mme O’Born a enfreint la Règle 9 du Code, je dois examiner si elle s’est livrée à des activités politiques au nom de Mme Freeland lorsqu’elle était une lobbyiste et que ces activités pourraient vraisemblablement faire croire à la création d’un sentiment d’obligation et, si oui, si elle a fait du lobbying auprès de Mme Freeland ou auprès de membres de son personnel.
Premier élément : Activités politiques qui pourraient faire croire à la création d’un sentiment d’obligation
Tel qu’il est indiqué dans la section des constatations figurant précédemment, Mme O’Born a entrepris deux types d’activités politiques au nom de Mme Freeland. Le premier, celui de cogestionnaire de sa campagne de réélection en 2015, a précédé l’emploi de Mme O’Born comme lobbyiste salarié du CCI. Le second, celui de membre du comité de direction de l’association de circonscription de Mme Freeland, a coïncidé avec son poste de lobbyiste salariée du CCI pendant un peu plus de 15 mois (c’est-à-dire du 1er juillet 2016 au 12 octobre 2017).
Conformément à la directive du Commissariat sur la Règle 9,Note de bas de page 10 le fait de présider une campagne ou de jouer un autre rôle stratégique au sein d’une équipe de campagne et de siéger au comité de direction ou au conseil d’administration de l’association de circonscription d’un candidat sont considérés comme des activités politiques susceptibles de créer un sentiment d’obligation chez le titulaire d’une charge publique qui bénéficie de ces activités.
Étant donné l’intensité des relations de travail étroites que Mme Freeland a attesté avoir développées avec Mme O’Born au cours de sa campagne électorale menée en 2015 et compte tenu de l’importance de ce rôle pour aider Mme Freeland à être réélue à une charge publique en tant que députée, je suis d’avis que les activités politiques de Mme O’Born liées à la campagne de Mme Freeland pourraient vraisemblablement faire croire à la création d’un fort sentiment d’obligation chez Mme Freeland.
Cela dit, je suis également d’avis que les activités de Mme O’Born liées à la campagne de 2015 de Mme Freeland ne sont pas visées par la Règle 9 du Code, qui s’applique aux activités politiques entreprises par les lobbyistes.
Plus particulièrement, la Règle 9 s’applique expressément « [s]i un lobbyiste entreprend des activités politiques » pour le compte d’une personne qui est ou devient un titulaire d’une charge publique et que ces activités « pourraient vraisemblablement faire croire à la création d’un sentiment d’obligation ». Mme O’Born n’était pas lobbyiste lorsqu’elle s’est livrée à des activités politiques en lien avec la campagne électorale pour le compte de Mme Freeland.
En outre, la Règle 9 prévoit qu’une personne au nom de laquelle les activités politiques ont été exercées peut par la suite devenir un titulaire d’une charge publique (« est ou devient un titulaire d’une charge publique »), mais elle ne prétend pas s’appliquer aux activités politiques des lobbyistes avant qu’ils ne deviennent lobbyistes (c’est-à-dire que la Règle ne prévoit pas s’appliquer à « une personne qui est ou devient un lobbyiste »).
Conformément aux principes d’interprétation, je suis d’avis que ce choix de libellé doit être présumé intentionnel. En d’autres termes, si la Règle devait s’appliquer aux activités passées des lobbyistes avant qu’ils ne deviennent des lobbyistes, elle l’aurait dit explicitement comme elle le fait pour les personnes qui deviennent par la suite des titulaires d’une charge publique. Selon moi, le fait qu’elle ne l’indique pas devrait, a contrario, être interprété comme étant intentionnel.
Je suis également d’avis que, non seulement le Commissariat est tenu d’appliquer le Code de déontologie des lobbyistes tel qu’il est rédigé, mais aussi que les lobbyistes assujettis au Code ont le droit de se fonder sur la lettre de la version actuelle du Code pour exercer leurs activités.
Dans cette optique, la Règle 9 ne s’applique pas aux activités politiques que Mme O’Born a menées pour le compte de Mme Freeland avant mars 2016, date à laquelle elle est devenue une lobbyiste salariée du CCI. Par conséquent, les activités politiques de Mme O’Born liées à la campagne de Mme Freeland ne sont pas visées par la Règle 9.
Cela dit, il serait artificiel et peu réaliste de ne pas reconnaître cette relation politique préexistante que partageaient Mme O’Born et Mme Freeland. À mon avis, cette réalité est pertinente pour l’analyse de la Règle 6 du Code, ci-dessous.
De plus, il importe de savoir que Mme O’Born s’est efforcée de vérifier si elle était soumise à des restrictions dans l’exercice de ses activités de lobbying au nom du CCI. Tel qu’il est susmentionné, Mme O’Born a communiqué avec le commissaire à l’intégrité de l’Ontario pour s’enquérir de ses obligations en vertu des règles provinciales en matière de lobbying en ce qui concerne son ancien poste de membre du personnel politique du ministre des Transports de l’Ontario. Il est également significatif que M. Bergen a fait un suivi auprès du Commissariat au nom de Mme O’Born à la fin juin 2016 pour confirmer qu’il comprenait les restrictions imposées à ses activités de lobbying en raison de ses activités politiques passées liées à la campagne au nom de Mme Freeland. Dans la mesure où il n’existe aucune preuve que Mme O’Born a fait du lobbying auprès de Mme Freeland ou qu’elle a sciemment fait du lobbying auprès d’un membre de son personnel ministériel, il semble que Mme O’Born se soit efforcée suivi les conseils qu’elle a reçu du Commissariat.Note de bas de page 11
En ce qui concerne le rôle de Mme O’Born en tant que VP des préparatifs électoraux de l’association de circonscription de Mme Freeland, les renseignements recueillis au cours de cette enquête démontrent que ce rôle était moins important que son rôle de cogestionnaire de campagne électorale, tant sur le plan de son degré d’implication que du degré d’obligation créé auprès de Mme Freeland auquel il pouvait vraisemblablement faire croire. Tel qu’il est indiqué dans la section des faits figurant précédemment, Mme O’Born a déclaré qu’elle avait assumé ce rôle en tant que « intérimaire » au lendemain de l’élection de 2015 et que cela ne l’obligeait pas à s’engager dans des activités de collecte de fonds. Mme O’Born a estimé qu’elle avait assisté à trois réunions de l’ALF au cours de son mandat. Comme il est indiqué plus haut dans la section sur les faits, Mme Freeland a confirmé séparément dans sa déclaration sous serment que, comme l’indique le procès-verbal des réunions de l’ALF, Mme O’Born ait assisté à deux réunions, soit le 11 juin 2016 et le 12 septembre 2017.
Considérés dans leur ensemble, les renseignements recueillis au cours de cette enquête établissent que les activités politiques de Mme O’Born en tant que VP des préparatifs électoraux du conseil d’administration de l’ALF de University-Rosedale ont coïncidé avec son emploi en tant qu’agent responsable et lobbyiste salarié du CCI pendant une période d’un peu plus de 15 mois (soit du 1er juillet 2016 au 12 octobre 2017).
Bien qu’il soit relativement moins important que ses activités menées dans le cadre de la campagne électorale, en agissant à titre que VP des préparatifs électoraux pour le conseil d’administration de l’ALF de University-Rosedale, Mme O’Born s’est livrée à des activités politiques pour le compte de Mme Freeland lorsqu’elle était lobbyiste et celles-ci pouvaient néanmoins vraisemblablement faire croire à la création d’un sentiment d’obligation chez Mme Freeland au sens de la Règle 9.
Deuxième élément : Lobbying auprès de Mme Freeland ou d’un membre de son personnel
M. Lametti et Mme Nycum
À la lumière des renseignements recueillis dans le cadre de cette enquête, il n’y a aucune preuve que quelqu’un du CCI, y compris Mme O’Born, ait tenté de faire du lobbying auprès de Mme Freeland.
Mme O’Born a effectué deux appels téléphoniques logistiques afin de finaliser l’organisation de la rencontre pour la journée de lobbying du CCI avec M. Lametti. Un appel était avec Mme Nycum les 13 octobre et l’autre avec Mme Buttle le 17 octobre, 2016.
Mme O’Born a aussi organisé une journée de lobbying du CCI pour l’industrie des technologies propres le 20 octobre 2016 et elle y a participé. M. Lametti et Mme Buttle ont assisté à cette réunion, à titre de secrétaire parlementaire à la ministre du Commerce international et à titre d’adjointe spéciale au secrétaire parlementaire, qui a duré une demi heure, en compagnie des PDG membres du CCI. Les PDG se sont présentés et ont parlé de leurs activités respectives. M. Lametti a parlé de son rôle de secrétaire parlementaire et a donné un aperçu général des initiatives auxquelles il a participé, notamment le Programme canadien d’exportation. Mme Buttle et Mme O’Born ont toutes deux joué un rôle passif pendant la réunion. Le CCI a déclaré cette réunion dans le Registre des lobbyistes.
Pour conclure que Mme O’Born a enfreint la Règle 9 en participant à ces appels téléphoniques et cette journée de lobbying, il faudrait que je détermine que, s’étant livré à des activités politiques pour le compte de Mme Freeland qui pouvaient vraisemblablement faire croire à la création d’un sentiment d’obligation, Mme O’Born a fait du lobbying auprès du « personnel du bureau [de Mme Freeland] ».
Je suis d’avis que, lorsque M. Lametti occupait le poste de secrétaire parlementaire, il n’était pas considéré comme du « personnel » dans le cabinet de Mme Freeland au sens de la Règle 9.
Premièrement, la Règle 9 fait la distinction entre les « élus » et le « personnel » («si cette personne [pour le compte de laquelle des activités politiques ont été entreprises] est un élu, le lobbyiste ne doit pas non plus faire de lobbying auprès du personnel du bureau dudit titulaire »). En tant que député, M. Lametti est un élu à part entière qui dispose de son propre personnel, tant dans son bureau parlementaire que dans son bureau de circonscription, dans le cadre de son rôle de député ainsi qu’à l’appui de son rôle de secrétaire parlementaire à l’époque. Le statut de M. Lametti en tant que titulaire d’une charge publique élu à part entière contredit l’idée qu’il puisse être considéré comme un membre du personnel du Cabinet de la ministre Freeland pour l’application de la Règle 9.
Deuxièmement, bien que le rôle du secrétaire parlementaire soit d’assister un ou une ministre selon les instructions de ce dernier ou de cette dernière, le ou la ministre n’a pas d’autorité sur les conditions de nomination du secrétaire parlementaire, qui sont régies par la Loi sur le Parlement du Canada. M. Lametti a été nommé secrétaire parlementaire de la ministre du Commerce international par décret du gouverneur en conseil sur recommandation du premier ministre, conformément à l’article 46 de la Loi sur le Parlement du Canada. Le paragraphe 46(3) prévoit que les secrétaires parlementaires exercent leur fonction pendant une période maximale de 12 mois à compter de la date de leur nomination. Comme l’indique le Guide du secrétaire parlementaire du Bureau du Conseil privé, cette nomination peut être renouvelée pour plus d’un mandat.Note de bas de page 12 Le régime législatif régissant la nomination des secrétaires parlementaires renforce donc l’idée que ceux-ci ne sont pas considérés comme du « personnel » dans le cabinet d’un ministre.
En ce qui concerne Mme Buttle, les renseignements recueillis dans le cadre de cette enquête démontrent qu’elle était l’adjointe spéciale de M. Lametti en sa qualité de secrétaire parlementaire de la ministre du Commerce international d’août 2016 à janvier 2017. C’est en cette qualité que Mme Buttle a été désignée à Mme O’Born, à la fois pour prendre les dispositions logistiques liées à la réunion de la journée de lobbying qui a eu lieu le 20 octobre 2016 et pour y assister. Bien que le poste d’adjointe spéciale du secrétaire parlementaire soit techniquement considéré comme un poste de personnel exonéré au sein du cabinet de la ministre, cela n’était évident pour personne, y compris pour Mme O’Born qui, comme le montrent les renseignements recueillis dans le cadre de cette enquête, savait bien, en se fondant sur les conseils qu’elle avait reçus du Commissariat, qu’il lui était interdit de faire du lobbying auprès de Mme Freeland ou d’un membre de son personnel. Le titre de Mme Buttle ainsi que les fonctions qu’elle a exercées dans ses interactions avec Mme O’Born l’ont identifiée comme faisant partie du personnel de M. Lametti en sa qualité d’ancien secrétaire parlementaire. À mon avis, il serait injuste de reprocher à Mme O’Born de s’être appuyée sur ces indicateurs extérieurs.
En ce qui concerne Mme Nycum, les renseignements recueillis dans le cadre de cette enquête démontrent qu’elle était la conseillère principale/conseillère spéciale de M. Lametti en sa qualité de député. Je suis d’avis qu’elle ne peut donc pas être considérée comme un membre du personnel du Cabinet de Mme Freeland pour l’application de la Règle 9.Note de bas de page 13
Pour toutes ces raisons, je suis d’avis que Mme O’Born n’a pas enfreint la Règle 9 du Code en ce qui a trait aux appels téléphoniques de nature logistique du 13 et 17 octobre, 2016 et en ce qui concerne sa participation à la réunion du jour de lobbying du CCI avec M. Lametti et Mme Buttle le 20 octobre, 2016.
Communications avec les fonctionnaires
Entre octobre 2016 et janvier 2017, pendant la même période où le CCI a fait état de communi.cations avec M. Lametti et/ou le personnel politique de M. Lametti et où Mme Freeland a continué d’être ministre du Commerce international, le CCI a fait état de communications avec quatre fonctionnaires d’Affaires mondiales Canada (AMC) :
- le 20 octobre 2016, date des réunions du jour de lobbying à Ottawa, le CCI a fait état d’une communication avec Susan Bincoletto, alors sous-ministre adjointe du Développement du commerce international à AMCNote de bas de page 14 , sur le thème du « commerce international »;Note de bas de page 15
- le 21 octobre 2016, le CCI a fait état d’une communication avec Jennifer Beckermann, alors chef des visites – agente politique à AMCNote de bas de page 16 , sur le thème du « commerce interne »;Note de bas de page 17
- le 2 novembre 2016, le CCI a fait état d’une communication avec François Gauthe, délégué commercial, Innovation, Science et Technologie à AMCNote de bas de page 18 , sur le thème du « commerce interne »;Note de bas de page 19
- le 4 novembre 2016, le CCI a fait état d’une communication avec Mme Beckermann et Sanjay Purohit, délégué commercial (Londres, R.-U.) à AMCNote de bas de page 20 , sur le thème du « commerce intérieur ».”Note de bas de page 21
Je suis d’avis que la Règle 9 s’applique au personnel politique des titulaires d’une charge publique élus, en l’occurrence les membres du personnel du Cabinet de Mme Freeland, car on peut raisonnablement penser qu’ils sont potentiellement influencés par des considérations politiques dans leurs interactions avec les lobbyistes, y compris toute activité politique passée ayant été entreprise par ces lobbyistes au nom de la ministre.
Un corollaire important de cet avis est que, tel qu’il est indiqué dans la Règle 9 du Code, les fonctionnaires ne devraient pas être considérés comme des membres du « personnel du bureau » d’un « élu », car les fonctionnaires ont l’obligation professionnelle de maintenir leur impartialité dans l’exercice de leurs fonctions. Cette obligation d’impartialité, qui est inscrite dans le Code de valeurs et d’éthique du secteur publicNote de bas de page 22, s’applique aussi aux hauts fonctionnaires, y compris ceux qui sont nommés par décret du gouverneur en conseil, comme les sous ministres et les sous-ministres adjoints.Note de bas de page 23
Ce point de vue est renforcé par les orientations énoncées dans le document intitulé Pour un gouvernement ouvert et responsable (2015), qui établit une distinction claire entre les fonctionnaires et le personnel « politique » ou « exonéré » d’un cabinet de ministre, représentant deux catégories d’employés ayant des rôles distincts mais complémentaires. En particulier, alors que les fonctionnaires exercent leurs fonctions de manière non partisane et relèvent du sous-ministre par l’entremise d’une structure hiérarchique claire, le personnel politique ou exonéré d’un cabinet de ministre partage les engagements politiques d’un ministre et contribue une expertise particulière ou une opinion que les fonctionnaires ne peuvent fournir. Il convient de noter que ce document d’orientation fait également référence à ce personnel politique ou exonéré comme étant le « personnel du cabinet d’un ministre ».Note de bas de page 24
Au-delà du fait que les fonctionnaires ne sont pas employés dans ou par les bureaux politiques des élus, une interprétation de la Règle 9 qui inclurait les fonctionnaires dans le personnel du bureau d’un élu serait incompatible avec l’éthique professionnelle voulant que la fonction publique fédérale soit non partisane et impartiale.
De ce point de vue, les quatre réunions que le CCI a déclaré avoir eues avec Susan Bincoletto, alors sous-ministre adjointe du Développement du commerce international à AMC,Note de bas de page 25 avec Jennifer Beckermann, alors chef des visites à AMC, avec François Gauthe, délégué commercial (Paris) à AMC et avec Mme Beckermann et Sanjay Purohit, délégué commercial (Londres) à AMC ne satisfont pas aux éléments de la Règle 9, car aucun de ces fonctionnaires et représentants qui ont travaillé pour le ministère des Affaires mondiales ne peut être considéré comme faisant partie du personnel du cabinet de Mme Freeland.
À la lumière de l’analyse qui précède, je suis d’avis que Mme O’Born n’a pas enfreint la Règle 9 en ce qui concerne les communications que le CCI a déclaré avoir eues avec ces fonctionnaires.
Règle 6 – Conflit d'intérêts
Compte tenu de ma conclusion selon laquelle Mme O’Born n’a pas enfreint la Règle 9 du Code, je dois déterminer si elle a enfreint l’interdiction plus générale des conflits d’intérêts qui est énoncée à la Règle 6.
La Règle 6 du Code se lit comme suit :
« Un lobbyiste ne doit proposer ni entreprendre aucune action qui placerait un titulaire d’une charge publique en situation de conflit d’intérêts réel ou apparent. »
Pour déterminer si Mme O’Born a enfreint la Règle 6, je dois évaluer si l’une de ses actions en tant que lobbyiste salariée du CCI a placé Mme Freeland en situation de conflit d’intérêts réel ou apparent.
Il convient de souligner que le code ne définit pas ce qui constitue un conflit d’intérêts réel ou apparent, pas plus que la Loi sur le lobbying.
En l’absence de définitions de ces concepts dans la Loi et le Code et étant donné que la Règle 6 interdit aux lobbyistes de placer les titulaires d’une charge publique en situation de conflit d’intérêts réel ou apparent, j’ai examiné les lois fédérales et provinciales connexes, y compris la Loi sur les conflits d’intérêts fédérale et la Members’ Conflict of Interest Act (Loi sur les conflits d’intérêts des membres) de la Colombie Britannique, afin de comprendre comment ces concepts étaient définis dans d’autres administrations. J’ai également examiné les rapports de deux commissions d’enquête publique, à savoir la Commission d’enquête sur les faits reliés à des allégations de conflit d’intérêts concernant l’honorable Sinclair M. Stevens (Commission Parker) et la Commission d’enquête sur certaines allégations au sujet des transactions financières et commerciales entre Karlheinz Schreiber et le très honorable Brian Mulroney (Commission Oliphant), qui ont chacune synthétisé les sources d’autorité existantes en établissant des définitions de ces concepts.
Définitions des conflits d’intérêts réels et apparents
L’article 4 de la Loi sur les conflits d’intérêts définit ce qui constitue un conflit d’intérêts comme suit :
« 4. Pour l’application de la présente loi, un titulaire de charge publique se trouve en situation de conflit d’intérêts lorsqu’il exerce un pouvoir officiel ou une fonction officielle qui lui fournit la possibilité de favoriser son intérêt personnel ou celui d’un parent ou d’un ami ou de favoriser de façon irrégulière celui de toute autre personne. »
Il est toutefois important de noter que la Loi sur les conflits d’intérêts réglemente la conduite des titulaires d’une charge publique, y compris les ministres et les secrétaires parlementaires, plutôt que celle des lobbyistes. Il est également important de noter que la définition d’un conflit d’intérêts énoncée dans la Loi sur les conflits d’intérêts ne s’applique pas aux conflits d’intérêts apparents ni ne les englobe.Note de bas de page 26 Par conséquent, cette définition d’un conflit d’intérêts est d’une utilité limitée pour comprendre les circonstances dans lesquelles on peut considérer qu’un lobbyiste place un titulaire d’une charge publique en situation de conflit d’intérêts apparent pour l’application de la Règle 6 du Code.
La Colombie-Britannique est la seule administration au Canada qui interdit aux titulaires d’une charge publique et, plus précisément, aux membres de son assemblée législative, d’exercer leurs pouvoirs, devoirs ou fonctions officiels s’ils sont en situation de conflit d’intérêts réel ou apparentNote de bas de page 27. En particulier, l’article 3 de la Members’ Conflict of Interest Act (Loi sur les conflits d’intérêts des membres) de la Colombie Britannique énonce cette interdiction comme suit :
« Un membre ne doit pas exercer un pouvoir officiel ou remplir une fonction ou un devoir officiel s’il est en situation de conflit d’intérêts réel ou apparent. » [traduction libre]
Avant d’aborder la manière dont la Loi de la Colombie-Britannique (C. B.) définit un conflit d’intérêts réel et un conflit d’intérêts apparent, il est important de souligner que, comme son équivalent fédéral, cette loi provinciale ne vise pas à réglementer la conduite des lobbyistes.
Le paragraphe 2(1) de la Loi de la C.-B. définit un « conflit d’intérêts » comme suit (soulignement ajouté) :
« Pour l’application de la présente loi, un membre est en situation de conflit d’intérêts lorsqu’il exerce un pouvoir, une fonction ou un devoir officiel dans l’exécution de son mandat et qu’il sait en même temps que, dans l’exercice de son pouvoir, de sa fonction ou de son devoir, il a la possibilité de favoriser ses intérêts personnels. »Note de bas de page 28 [traduction libre]
Le paragraphe 2(2) définit un « conflit d’intérêts apparent » comme suit (soulignement ajouté) :
« Pour l’application de la présente loi, un membre est en situation de conflit d’intérêts apparent s’il existe une perception raisonnable, qu’une personne raisonnablement bien informée pourrait avoir à juste titre, que la capacité du membre à exercer un pouvoir, une fonction ou un devoir officiel doit avoir été affectée par ses intérêts personnels. »Note de bas de page 29 [traduction libre]
Dans le Rapport de la Commission Oliphant, le juge Oliphant a recommandé que la Loi sur les conflits d’intérêts soit modifiée de manière à comprendre les conflits d’intérêts apparents. Ce faisant, il a conclu qu’une telle modification pourrait s’inspirer de la définition énoncée au paragraphe 2(2) de la loi de la C.-B., modifiée si nécessaire pour tenir compte du contexte du régime d’éthique fédéral et garantir que ces conflits apparents englobent la conduite future et pas seulement la conduite passée.Note de bas de page 30 En faisant cette recommandation, le juge Oliphant a proposé de définir les conflits d’intérêts apparents comme suit :
« La définition de « conflit d’intérêts » de la Loi sur les conflits d’intérêts devrait être révisée de façon à englober les « conflits d’intérêts apparents », s’entendant d’une situation où une personne raisonnablement bien informée peut convenablement avoir une perception raisonnable que la capacité d’un titulaire de charge publique d’exercer un pouvoir officiel ou d’exécuter un devoir ou une fonction officielle sera ou doit avoir été teintée par son intérêt personnel ou par l’intérêt personnel d’un parent ou d’un ami. »Note de bas de page 31
Plusieurs caractéristiques importantes des conflits d’intérêts réels et apparents ressortent de ces définitions. Je traiterai successivement les caractéristiques significatives de chaque concept.
Conflits d’intérêts réels
Premièrement, pour qu’il y ait un conflit d’intérêts réel, un titulaire d’une charge publique, qui, à l’échelle fédérale, peut être un ministre, doit être dans une situation où il est engagé à exercer ses pouvoirs, devoirs ou fonctions officiels.Note de bas de page 32
Cette exigence concorde avec la compréhension des conflits d’intérêts réels qui est exposée par le juge Parker dans le Rapport de la Commission Parker :
« Je suis donc convaincu qu’il convient d’appliquer l’expression « conflit d’intérêts » [réel] non seulement à la prise de décision mais également à toutes les situations où le titulaire d’une charge publique se trouve à exercer ses fonctions et responsabilités officielles.
[…]
Il faut faire remarquer qu’il n’y a pas de conflit d’intérêts réel tant que le titulaire d’une charge publique ne se trouve pas à exercer effectivement une fonction ou une responsabilité officielle. »Note de bas de page 33
Cette exigence implique que les titulaires d’une charge publique ne peuvent être considérés dans une situation de conflit d’intérêts réel s’ils ne sont pas engagés à exercer des pouvoirs, devoirs ou fonctions officiels.
Deuxièmement, pour être en situation de conflit d’intérêts réel, les titulaires d’une charge publique doivent savoir qu’ils ont la possibilité de favoriser leurs propres intérêts personnels lorsqu’ils exercent leurs pouvoirs, devoirs ou fonctions officiels.Note de bas de page 34
Cette exigence liée au fait de savoir se reflète dans la définition des conflits d’intérêts réels qui est énoncée dans le Rapport de la Commission Parker (soulignement ajouté) :
« Selon moi, la définition du livre vert de 1973 peut, pour les besoins de l’enquête, se reformuler de la façon suivante : un conflit d’intérêts réel est « une situation dans laquelle un ministre de la Couronne a connaissance d’un intérêt pécuniaire privé suffisant pour influer sur l’exercice de ses fonctions et responsabilités officielles ». C’est la définition que j’emploierai jusqu’à la fin du rapport. »Note de bas de page 35
Cette exigence liée au fait de savoir implique que les titulaires d’une charge publique ne peuvent être considérés dans une situation de conflit d’intérêts réel s’ils ne savent pas que l’exercice de leurs pouvoirs, fonctions ou devoirs officiels leur donne la possibilité de favoriser leurs intérêts personnels.
Troisièmement, les conflits d’intérêts réels concernent les situations dans lesquelles les titulaires d’une charge publique, dans l’exercice de leurs pouvoirs, fonctions ou devoirs officiels, ont des possibilités de favoriser leurs intérêts personnels. Bien que les intérêts personnels aient toujours été considérés comme étant les intérêts économiques ou pécuniaires personnels des titulaires d’une charge publique,Note de bas de page 36 ce terme en est venu à inclure également les intérêts non pécuniaires.Note de bas de page 37
Il convient également de noter que les intérêts personnels ne se limitent pas aux intérêts directs du titulaire d’une charge publique, mais peuvent également inclure les intérêts d’autres personnes avec lesquelles le titulaire d’une charge publique entretient des relations étroites, y compris des parents ou des amis (c’est-à-dire ceux avec lesquels le titulaire d’une charge publique a des liens étroits d’affection ou de loyauté personnelle).Note de bas de page 38
Ces types d’intérêts indirects sont pris en compte dans la définition d’un conflit d’intérêts qui est énoncée à l’article 4 de la Loi sur les conflits d’intérêts, qui s’applique aux situations dans lesquelles un titulaire d’une charge publique exerce un pouvoir, une fonction ou un devoir officiel qui lui donne la possibilité de favoriser ses intérêts personnels, ceux de ses parents ou de ses amis ou qui lui donne la possibilité de favoriser indûment les intérêts personnels d’une autre personne.
Conflits d’intérêts apparents
Alors que les conflits d’intérêts réels comprennent les situations dans lesquelles les titulaires d’une charge publique s’engagent dans une action officielle en sachant qu’ils ont la possibilité de favoriser leurs intérêts personnels, les conflits d’intérêts apparents reposent sur des perceptions raisonnables de l’existence d’un conflit d’intérêts.
Comme pour les conflits réels, il convient de souligner quelques caractéristiques importantes des conflits d’intérêts apparents.
Premièrement, les conflits d’intérêts apparents sont des conflits perçus, c’est-à-dire qu’ils sont raisonnablement perçus comme existant, qu’ils existent ou non dans les faits.
Deuxièmement, les conflits d’intérêts apparents sont jugés selon une norme objective, à savoir si un observateur raisonnable, informé des circonstances factuelles pertinentes, peut raisonnablement conclure à l’existence d’un conflit d’intérêts.
Le juge Parker a formulé cette norme dans les termes suivants dans le Rapport de la Commission Parker (soulignement ajouté) :
« Ainsi, il pourrait y avoir apparence de conflit là où il n’y a pas de conflit réel. L’existence d’un conflit réel nécessite, entre autres, la connaissance de la part du titulaire d’une charge publique de l’intérêt privé qui pourrait être affecté par son action ou son inaction. Cette connaissance n’est cependant pas nécessaire dans le cas d’un conflit apparent parce que l’apparence est une question de perception. Cependant, cette perception doit être raisonnable, juste et objective. Ainsi, il ne faudrait pas conclure qu’il y a conflit apparent à moins qu’une personne raisonnablement bien informée puisse raisonnablement conclure des circonstances qui entourent une affaire que le titulaire d’une charge publique doit avoir été conscient de ses intérêts privés. »Note de bas de page 39
Le paragraphe 2(2) de la Loi de la C.-B. et la définition d’un conflit d’intérêts apparent recommandée par la Commission Oliphant utilisent chacun la variante suivante de cette formulation de la norme objective : « une perception raisonnable, qu’une personne raisonnablement bien informée pourrait avoir à juste titre ».
Une implication importante du consensus selon lequel les conflits d’intérêts apparents doivent être jugés selon une norme objective, impartiale et équitable, fondée sur une connaissance et une compréhension raisonnables des circonstances factuelles applicables, est que l’existence de conflits d’intérêts apparents ne peut être déterminée sur la base de simples soupçons ou suppositions.
Ce point de vue a été vigoureusement soutenu par M. Paul Fraser, ancien commissaire aux conflits d’intérêts de la C. B., dans l’Avis de Campbell publié en 2009, qui a examiné « si le premier ministre de l’époque, Gordon Campbell, était en situation de conflit d’intérêts apparent en signant un décret qui aurait profité à une société dont le premier ministre détenait des actions » (soulignement ajouté) :
« Pour constituer une violation de la [loi de la C. B.], la perception d’un conflit d’intérêts ne peut pas simplement exister dans l’air ou dans l’abstrait, elle doit être établie sur la base d’un critère de caractère raisonnable. Bien que la simple perception d’un conflit d’intérêts puisse déclencher un « signal d’alarme » ou susciter des soupçons, cela ne suffit manifestement pas à étayer la conclusion d’un conflit d’intérêts apparent tant que le critère objectif du caractère raisonnable, qui est imposé par le paragraphe 2(2), n’est pas appliqué aux circonstances particulières examinées. »Note de bas de page 40 [traduction libre]
Dans cette optique, les préoccupations ne suffisent pas, à elles seules, à entretenir une perception raisonnable de l’existence d’un conflit d’intérêts apparent.
Troisièmement, les conflits d’intérêts apparents sont des situations de conflit actuel perçu.Note de bas de page 41 Il ne s’agit pas de situations hypothétiques dans lesquelles il est simplement possible que les titulaires d’une charge publique aient été influencés par leurs intérêts personnels lorsqu’ils se sont engagés dans une action officielle. Les conflits d’intérêts apparents sont plutôt des situations précises dans lesquelles un observateur raisonnable, informé des circonstances factuelles pertinentes, peut raisonnablement conclure que la capacité du titulaire d’une charge publique à exercer ses pouvoirs, devoirs et fonctions officiels « doit avoir été affectée » par ses intérêts personnels.Note de bas de page 42
Ces définitions des conflits d’intérêts réels et apparents sont instructives pour déterminer les caractéristiques essentielles de ces notions. Cela dit, il est toutefois important de souligner que le Commissariat au lobbying ne réglemente pas directement les titulaires d’une charge publique fédérale.
C’est pourquoi la présente analyse se concentre sur les actions du lobbyiste faisant l’objet de l’enquête, à savoir Mme O’Born, et sur la question de savoir si l’une de ses actions en tant que lobbyiste a placé Mme Freeland en situation de conflit d’intérêts réel ou apparent en contravention de la Règle 6. Rien dans cette analyse ne prétend commenter ou ne doit être interprété comme un commentaire sur le bien-fondé de la conduite de tout titulaire d’une charge publique assujetti à la Loi sur les conflits d’intérêts.
Application aux faits en cause dans cette enquête
Pour déterminer si Mme O’Born a enfreint la Règle 6 du Code, je dois évaluer si l’une de ses actions en tant que lobbyiste salariée du CCI a placé Mme Freeland en situation un conflit d’intérêts réel ou apparent. Chacune de ses possibilités est analysée à tour de rôle.
Conflit d’intérêts réel
Tel qu’il est susmentionné, des conflits d’intérêts réels surviennent dans les situations où un titulaire d’une charge publique exerce un pouvoir, un devoir ou une fonction officiel tout en sachant que, ce faisant, il a la possibilité de favoriser ses intérêts personnels ou ceux d’autres personnes avec lesquelles il entretient des relations étroites.
Dans le cadre de cette enquête, rien ne permet de conclure que Mme O’Born a placé Mme Freeland dans une situation de conflit d’intérêts réel.
Premièrement, rien n’indique, à la lumière des renseignements recueillis dans le cadre de cette enquête, que Mme Freeland a pris des décisions ou exercé des pouvoirs, devoirs ou fonctions officiels en sa qualité de ministre du Commerce international relativement aux programmes, politiques ou services faisant partie de son portefeuille ministériel qui concernaient l’objet des activités de lobbying du CCI, y compris les sujets dont le CCI a soulevé lors de la première réunion de la journée de lobbying à laquelle Mme O’Born a assisté le 20 octobre 2016 ou proposé de discuter avec M. Lametti dans le cadre du groupe de travail indiqué dans la lettre de suivi que Mme O’Born a transmise par courriel à Mme Buttle.
Dans sa déclaration sous serment, Mme Freeland a affirmé n’avoir exercé aucun pouvoir, devoir ou fonction officiel en tant que ministre du Commerce international relativement aux programmes ou aux politiques dont le CCI a discuté avec M. Lametti, y compris le Programme canadien d’exportation, entre la réunion de la journée de lobbying tenue le 20 octobre 2016 et le 10 janvier 2017, date à laquelle elle a été nommée ministre des Affaires étrangères. Mme Freeland a également confirmé qu’elle n’avait conservé aucune responsabilité dans les programmes ou les politiques dont le CCI a discuté avec M. Lametti, y compris le Programme canadien d’exportation, en sa qualité de ministre des Affaires étrangères.
Deuxièmement, rien n’indique que Mme Freeland était au courant des activités de lobbying du CCI, notamment la suggestion d’organiser des réunions régulières avec M. Lametti pour discuter, entre autres, du Programme canadien d’exportation. Tel qu’il est susmentionné, M. Bergen a demandé et reçu des conseils du Commissariat concernant le fait que ni lui ni Mme O’Born ne devraient faire du lobbying auprès de Mme Freeland ou des membres de son personnel ministériel pendant une période de cinq ans compte tenu du rôle qu’ils ont chacun joué dans la cogestion de sa campagne électorale de 2015. Les preuves recueillies dans le cadre de cette enquête démontrent que ni M. Bergen ni Mme O’Born n’ont rencontré Mme Freeland ou communiqué avec elle dans le cadre de ses fonctions officielles.
En outre, rien n’indique que Mme Freeland ait été informée de quoi que ce soit en rapport avec les activités de lobbying du CCI. Dans sa déclaration sous serment, Mme Freeland a affirmé n’avoir jamais été informée par qui que ce soit, y compris M. Lametti, des activités de lobbying du CCI entre octobre 2016 et janvier 2017. Les déclarations de Mme Freeland à cet égard concordent avec le témoignage sous serment de Mme Yorke, selon lequel celle-ci n’a pas informé Mme Freeland ni personne d’autre au sein du Cabinet de Mme Freeland à propos du courriel de suivi du CCI que Mme Buttle lui a transmis le 24 novembre 2016, dans lequel le CCI demandait des renseignements supplémentaires sur le Programme canadien d’exportation.
En l’absence de preuve que Mme Freeland était au courant des activités de lobbying d u CCI ou qu’elle exerçait ou même envisageait d’exercer des pouvoirs, devoirs ou fonctions officiels en rapport avec l’objet des activités de lobbying du CCI, rien ne permet de conclure que les actions de Mme O’Born ont placé Mme Freeland en situation de conflit d’intérêts réel.Note de bas de page 43
Conflit d’intérêts apparent
Comme il est expliqué en détail plus haut, les conflits d’intérêts apparents impliquent des situations de conflit actuel perçu.
Tel qu’il est susmentionné, l’existence d’un conflit d’intérêts apparent est jugée selon une norme objective, à savoir si un observateur raisonnable, informé des circonstances factuelles pertinentes, peut raisonnablement conclure que la capacité d’un titulaire d’une charge publique à exercer ses pouvoirs, devoirs ou fonctions officiels seraNote de bas de page 44 ou a dû être affectée par ses propres intérêts personnels ou ceux d’autres personnes avec lesquelles le titulaire d’une charge publique entretient des relations étroites, y compris des parents et des amis.
Tel qu’il est également susmentionné, l’analyse de la Règle 6 est axée sur la conduite des lobbyistes assujettis au Code, en l’occurrence Mme O’Born, en sa qualité de lobbyiste salarié du CCI.
À la lumière des renseignements recueillis dans le cadre de cette enquête, résumés en détail plus haut, un observateur raisonnable qui est informé des circonstances factuelles pertinentes devrait déterminer si Mme O’Born, agissant en sa qualité de lobbyiste salariée du CCI, pouvait raisonnablement être considéré comme ayant placé Mme Freeland dans une situation de conflit d’intérêts apparent en se fondant sur les considérations suivantes :
- Mme O’Born s’est engagée dans des activités politiques pour le compte de Mme Freeland avant et après qu’elle soit devenue lobbyiste pour le CCI. Elle a notamment été cogestionnaire de sa campagne de réélection couronnée de succès en 2015. Cette activité a précédé son entrée en fonction au CCI. Pendant un peu plus de 15 mois au cours de son emploi en tant que lobbyiste salarié du CCI (c’est-à-dire entre le 1er juillet 2016 et le 12 octobre 2017), Mme O’Born a été publiquement désignée vice-présidente, préparation électorale au sein du Conseil de direction de l’association de circonscription de Mme Freeland. Ces activités politiques peuvent vraisemblablement faire croire à la création d’un sentiment d’obligation chez Mme Freeland.
- Avant que Mme O'Born n’entre en fonction au CCI le 1er juillet 2016, M. Bergen a communiqué avec le Commissariat pour confirmer sa compréhension des restrictions en matière de lobbying auxquelles Mme O'Born et lui étaient soumis en tant qu'anciens cogestionnaires de la campagne électorale de Mme Freeland en 2015. Le Commissariat a informé M. Bergen qu’en tant que cogestionnaires de la campagne de réélection de Mme Freeland en 2015, ni lui ni Mme O’Born ne devaient faire du lobbying auprès de Mme Freeland ou du personnel de son Cabinet pendant une période de cinq ans. Mme O’Born a suivi ce conseil dans la mesure où rien ne prouve qu’elle a déjà eu des rapports officiels avec Mme Freeland ou qu'elle ait sciemment eu de tels rapports avec des membres du personnel ministériel de Mme Freeland. À cet égard, un observateur raisonnable prendrait connaissance du fait que, selon toute apparence, Mme Buttle était la conseillère spéciale de M. Lametti en sa qualité de secrétaire parlementaire.
- Dans le cadre de son premier jour de lobbying à Ottawa le 20 octobre 2016, le CCI a organisé une réunion de présentation entre M. Lametti, alors secrétaire parlementaire de Mme Freeland en sa qualité de ministre du Commerce international, et les PDG de 10 entreprises membres du CCI. Au cours de cette réunion, qui a duré 30 minutes, les PDG membres se sont présentés et ont décrit leurs activités respectives. Pour sa part, M. Lametti a parlé de son rôle de secrétaire parlementaire et a donné un aperçu général des initiatives auxquelles il participait. Bien que Mme O’Born ait assisté à cette réunion, qui a rapportée au Registre des lobbyistes, elle y a joué un rôle passif.
- M. Bergen a cosigné une lettre destinée à M. Lametti et datée du 16 novembre 2016 afin de le remercier pour la réunion du 20 octobre et de tenter de créer un groupe de travail qui se réunirait régulièrement avec M. Lametti pour discuter de questions telles que le Programme canadien d’exportation, la garantie que les services offerts par Exportation et développement Canada encouragent la croissance internationale des entreprises technologiques canadiennes et la garantie que les bureaux commerciaux internationaux soient mieux informés des services que les entreprises technologiques canadiennes peuvent offrir à l’économie mondiale. Mme O’Born a envoyé cette lettre par courriel à Megan Buttle, adjointe spéciale de M. Lametti en sa qualité de secrétaire parlementaire, qui l’a immédiatement transmise à Emily Yorke, la conseillère en matière de politiques du Cabinet de Mme Freeland qui est chargée de répondre aux demandes de renseignements généraux concernant le Programme canadien d’exportation. Mme Yorke n’a pris aucune autre mesure concernant ce courriel, et aucun courriel ni aucune réunion ou autre interaction n’a fait suite à sa transmission. Mme Yorke n’a jamais rencontré quelqu’un du CCI ni eu d’interaction avec quelqu’un du CCI et elle n’a pas informé Mme Freeland ou un membre de son cabinet de la lettre que M. Bergen a cosignée. Il n’y a pas non plus de preuve de la tenue d’une des réunions du groupe de travail proposées avec M. Lametti.
- Mme Freeland n’a jamais été informée par qui que ce soit, y compris M. Lametti, des activités de lobbying du CCI menées entre octobre 2016 et janvier 2017, date à laquelle elle a cessé d’être ministre du Commerce international. Mme Freeland ne savait pas que le CCI avait tenté de créer un groupe de travail pour rencontrer régulièrement M. Lametti, que ce soit lors de la réunion du jour de lobbying du CCI avec M. Lametti le 20 octobre 2016 ou à n’importe quelle autre occasion jusqu’à ce qu’elle soit nommée ministre des Affaires étrangères le 10 janvier 2017.
- Mme Freeland n’a pas exercé de pouvoirs, devoirs ou fonctions officiels en sa qualité de ministre du Commerce international relativement aux programmes ou aux politiques faisant partie de son portefeuille ministériel qui concernaient l’objet des activités de lobbying du CCI, y compris les sujets dont le CCI a proposé de discuter avec M. Lametti dans le cadre du groupe de travail que le CCI a tenté de créer après la première réunion de son jour de lobbying, soit entre le 20 octobre 2016 et le 10 janvier 2017, date à laquelle elle a été nommée ministre des Affaires étrangères.
- Mme Freeland n’a conservé aucune responsabilité dans les programmes ou les politiques dont le CCI a discuté avec M. Lametti, y compris le Programme canadien d’exportation, en sa qualité de ministre des Affaires étrangères.
- M. Lametti a cessé d’être secrétaire parlementaire du ministre des Affaires étrangères le 14 janvier 2017, date à laquelle il a été nommé secrétaire parlementaire du ministre de l’Innovation, des Sciences et du Développement économique.
Dans l’ensemble, je suis d’avis qu’un observateur raisonnable, informé de ces circonstances factuelles, ne pourrait raisonnablement conclure que les actions de Mme O’Born – en participant à deux appels téléphoniques de nature logistique avec le personnel politique de M. Lametti, en participant à une rencontre durant la journée de lobbying avec M. Lametti et en envoyant à Mme Buttle une lettre de remerciement de suivi par courriel afin d’organiser des réunions régulières avec M. Lametti qui ne se sont jamais concrétisées – doivent avoir affecté la capacité de Mme Freeland à exercer ses pouvoirs, devoirs ou fonctions officiels.
Ces actions de la part de Mme O’Born ne peuvent être raisonnablement perçues comme ayant placé Mme Freeland dans une situation de conflit d’intérêts apparent.
Tout sentiment d’obligation ou de loyauté qu’un observateur raisonnable peut percevoir chez Mme Freeland à l’égard de Mme O’Born ne donne pas lieu à une perception raisonnable que l’une des actions de Mme O’Born en relation avec la tentative du CCI d’organiser des réunions régulières avec M. Lametti a placé Mme Freeland dans une situation de conflit d’intérêts.
En arrivant à cette conclusion, je voudrais souligner qu’il ne s’agit pas de savoir s’il est possible qu’un tel sentiment d’obligation ou de loyauté puisse, dans un sens abstrait ou hypothétique, affecter la capacité de Mme Freeland à exercer ses pouvoirs, devoirs ou fonctions officiels de manière à favoriser les intérêts personnels du CCI ou des entreprises membres du CCI, mais plutôt de savoir si un observateur raisonnable pourrait raisonnablement conclure qu’un tel sentiment d’obligation ou de loyauté doit avoir eu un tel effet dans cet ensemble particulier de circonstances factuelles.
Je suis d’avis que la réponse à cette dernière question est clairement non et que l’on ne peut donc pas considérer que Mme O’Born ait placé Mme Freeland dans une situation de conflit d’intérêts apparent.Note de bas de page 45
Conclusion
Pour tous les motifs susmentionnés, je suis d’avis que Mme O’Born n’a pas enfreint la Règle 6 (Conflit d’intérêts) ni la Règle 9 (Activités politiques) du Code.
Observations
Règle 6
Cette enquête est la première de mon mandat de commissaire au lobbying au cours de laquelle j’ai dû évaluer si un lobbyiste avait enfreint la Règle 6 du Code en agissant de manière à placer un titulaire d’une charge publique en situation de conflit d’intérêts réel ou apparent.
Bien que j’ai déterminé que la Règle 6 n’avait pas été enfreinte dans les circonstances factuelles en cause dans cette enquête, l’analyse requise par la Règle 6 a soulevé des préoccupations quant à la manière dont cette disposition est actuellement rédigée.
Ma compétence en tant que commissaire au lobbying se limite à la réglementation de la conduite des lobbyistes. Toutefois, en interdisant aux lobbyistes de placer des titulaires d’une charge publique fédérale en situation de conflit d’intérêts réel ou apparent, la Règle 6 exige que la commissaire au lobbying tire des constatations concernant la conduite de titulaires d’une charge publique pouvant être assujettis à des régimes éthiques distincts, y compris ceux supervisés par le conseiller sénatorial en éthique et par le commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique.
Par exemple, si je concluais qu’un lobbyiste a placé un titulaire d’une charge publique fédérale en situation de conflit d’intérêts réel, cela signifierait notamment que le titulaire d’une charge publique a exercé ses pouvoirs, devoirs ou fonctions officiels en sachant que, ce faisant, il avait la possibilité de favoriser ses propres intérêts personnels ou ceux de ses parents ou de ses amis. Dans la mesure où le titulaire d’une charge publique était assujetti au Code régissant l’éthique et les conflits d’intérêts des sénateurs, à la Loi sur les conflits d’intérêts ou au Code régissant les conflits d’intérêts des députés,Note de bas de page 46 cette conduite relèverait directement du mandat du conseiller sénatorial en éthique ou du commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique.
Il existe également un risque que, en appliquant les règles de conduite dans le cadre de ces régimes éthiques distincts, le conseiller sénatorial en éthique ou le commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique n’arrive pas à la même conclusion que moi quant à savoir si le titulaire d’une charge publique se trouvait en situation de conflit d’intérêts réel.
Dans une telle éventualité, je crains d’excéder ma compétence, d’empiéter sur celle du conseiller sénatorial en éthique ou du commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique et d’entraîner des décisions contradictoires concernant la même situation de faits.
Bien qu’aucune de ces conséquences n’ait eu lieu dans les circonstances particulières en cause dans cette enquête, elles risquent de survenir en raison de la manière dont la Règle 6 est actuellement rédigée.
Pour ces raisons, je suis d’avis que ces préoccupations concernant la Règle 6 devraient être examinées dans le cadre de modifications futures au Code, dont le processus établi dans la Loi sur le lobbying prévoit des consultations avec les intervenants. Ce faisant, il faudra envisager de modifier les règles de conduite pour se concentrer exclusivement sur les comportements précis des lobbyistes sans incorporer le régime régissant la conduite éthique des titulaires d’une charge publique en y faisant implicitement référence.
Règle 9
En décidant que la Règle 9 n’avait pas été enfreinte dans les circonstances de cette enquête en particulier, j’ai constaté que les secrétaires parlementaires ne sont pas considérés comme du « personnel » dans un cabinet de ministre aux fins de la Règle 9.
J’ai constaté que le status de secrétaire parlementaire à titre de titulaire d’une charge publique élu à part entière va à l’encontre de l’idée selon laquelle ils peuvent être considérés comme du « personnel » d’un cabinet de ministre au sens de la Règle 9.
J’ai également constaté que, bien que le rôle du secrétaire parlementaire soit d’assister un ou une ministre selon les instructions de ce dernier ou cette dernière, le ou la ministre n’a pas autorité sur les conditions de nomination du secrétaire parlementaire, qui sont régies par la Loi sur le Parlement du Canada. Les secrétaires parlementaires sont nommés par décret du gouverneur en conseil sur recommandation du premier ministre, conformément à l’article 46 de la Loi sur le Parlement du Canada. Le régime législatif régissant la nomination des secrétaires parlementaires renforce donc l’idée que ceux-ci ne sont pas considérés comme du « personnel » dans le cabinet d’un ministre.
Bien que les secrétaires parlementaires ne soient pas considérés comme du personnel d’un cabinet de ministre aux fins de la Règle 9, ils partagent les mêmes engagements politiques que le ministre qu’ils sont chargés d’assister. Ainsi, les motifs justifiant l’interdiction faite aux lobbyistes de faire du lobbying auprès du personnel politique d’un élu pour lequel ils ont entrepris des activités politiques – à savoir que ce personnel politique pourrait très raisonnablement être considéré comme étant potentiellement influencé par des considérations politiques dans ses interactions avec les lobbyistes – devraient aussi s’appliquer aux secrétaires parlementaires.
Par conséquent, je suis d’avis que le champ d’application de la Règle 9 devrait être élargi pour comprendre les personnes, telles que les secrétaires parlementaires, qui ne remplissent pas les conditions requises pour faire partie du personnel politique d’un élu, mais qui partagent les mêmes engagements politiques que l’élu sous la responsabilité duquel elles exercent leurs activités. Cette question devrait être traitée dans le cadre de futures consultations visant à réviser le Code selon les exigences de la Loi sur le lobbying.
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