Rapport d’enquête - Dan Lovell
février 2024
Table des matières
- Sommaire exécutif
- Introduction
- Contexte
- Processus
- Constatations et analyse
- Les déclarations de lobbying de Mr. Lovell pertinentes à l’enquête
- Application du Code de déontologie des lobbyistes
- Règles 7 et 8 – Accès préférentiel
- M. Lovell a-t-il organisé des rencontres entre M. Badawey et ses clients? (Règle 7)
- M. Lovell a-t-il fait du lobbying auprès M. Badawey ? (Règle 8)
- M. Lovell et M. Badawey ont-ils entretenu une relation qui pourrait vraisemblablement faire croire à la création d’un sentiment d’obligation ? (Règles 7 et 8)
- Conclusions
- Annexe A : Les représentations de M. Lovell et la réponse de la commissaire
Sommaire exécutif
Ce rapport fait suite à une enquête menée par la commissaire au lobbying en vertu de l’article 10.4 de la Loi sur le lobbying visant à déterminer si M. Dan Lovell, lobbyiste-conseil enregistré, a enfreint les règles 7 et/ou 8 du Code de déontologie des lobbyistes (2015) (Code de 2015), en organisant des rencontres avec et/ou en exerçant des activités de lobbying auprès d’un titulaire d’une charge publique avec lequel il entretenait une relation qui pourrait vraisemblablement faire croire à la création d’un sentiment d’obligation, en ce qui concerne les communications qu’il a eues, au nom de ses clients, avec M. Vance Badawey, député de Niagara-Centre, en mai et en juin 2022.
M. Lovell a travaillé en tant qu’adjoint exécutif pour M. Badawey, en sa capacité de député, pendant une période de quatre ans, soit de février 2018 jusqu’à la fin du mois d’avril 2022. M. Lovell a également joué un rôle important, équivalent à un gestionnaire de campagne, dans les deux campagnes de réélection réussies de M. Badawey en 2019 et 2021.
Les informations recueillies établissent qu’en juin 2022, M. Lovell a organisé une rencontre avec M. Badawey pour deux de ses clients au sens de la règle 7 du Code de 2015. En outre, ces informations établissent également que M. Lovell a fait du lobbying en mai et en juin 2022 auprès de M. Badawey au sens de la règle 8 du Code de 2015, au moins à deux reprises, une fois pour chacun de deux de ses clients.
Un observateur objectif, informé du degré élevé de confiance et de fiabilité que M. Badawey accordait à M. Lovell pendant les quatre ans au cours desquels il a travaillé pour M. Badawey, en plus des rôles importants qu’il a joués dans les campagnes de réélection réussies de M. Badawey, conclurait vraisemblablement que M. Lovell et M. Badawey ont entretenu une relation qui pourrait vraisemblablement faire croire à la création d’un sentiment d’obligation. On peut vraisemblablement croire que ce sentiment d’obligation était particulièrement aigu au moment où M. Lovell a commencé à communiquer avec M. Badawey en tant que lobbyiste-conseil en mai 2022, étant donné qu’il n’avait cessé de travailler pour M. Badawey qu’à la fin du mois d’avril.
Pour ces raisons, la commissaire a conclu que M. Lovell avait enfreint les règles 7 et 8 du Code de 2015 en organisant des rencontres avec et en faisant du lobbying auprès de M. Badawey, un titulaire d’une charge publique avec lequel il entretenait une relation qui pourrait vraisemblablement faire croire à la création d’un sentiment d’obligation.
Introduction
Le présent rapport fait suite à une enquête menée par la commissaire au lobbying du Canada en vertu de l'article 10.4 de la Loi sur le lobbying (la Loi). Cette enquête visait à déterminer si M. Dan Lovell, lobbyiste-conseil enregistré et ancien adjoint exécutif et gestionnaire de campagne de M. Vance Badawey, député de Niagara-Centre et ancien secrétaire parlementaire de la ministre des Services aux autochtones, a enfreint les règles 7 et/ou 8 du Code de déontologie des lobbyistes (2015) (Code de 2015) en organisant une rencontre avec et/ou en exerçant des activités de lobbying auprès d’un titulaire d’une charge publique avec lequel il entretenait une relation qui pourrait vraisemblablement faire croire à la création d’un sentiment d’obligation.
Contexte
Au cours de l’enquête, Dan Lovell était associé principal au sein du groupe des relations gouvernementales fédérales du Sussex Strategy Group (Sussex Strategy) à Ottawa. Juste avant de se joindre à Sussex Strategy au début du mois de mai 2022, M. Lovell a travaillé pour M. Badawey en sa qualité de député pendant quatre ans, de février 2018 à la fin du mois d'avril 2022. M. Lovell a également travaillé pour M. Michael Levitt, en sa qualité de député de l'ancienne circonscription de York-Centre, pendant trois ans, d'octobre 2015 à février 2018, date à laquelle il a fait son entrée au bureau de M. Badawey. Ces deux postes figuraient dans le profil LinkedIn de M. Lovell, où il indiquait qu’il a occupé le poste d'adjoint exécutif à la Chambre des communes du Canada pendant une période de sept ans, d'octobre 2015 à avril 2022.
Le 11 mai 2022, le Lobby Monitor a publié un article décrivant le parcours professionnel de M. Lovell. En plus de discuter de son rôle au sein de Sussex Strategy, cet article décrit également l'emploi exercé par M. Lovell dans la gestion des bureaux parlementaires de M. Badawey de février 2018 à avril 2022 et des campagnes de réélection réussies de M. Badawey en 2019 et en 2021.
Le 20 juin 2022, la Division des enregistrements et des services à la clientèle du CAL a reçu un appel téléphonique, puis un courriel, d'un employé du bureau de l'honorable Patty Hajdu, ministre des Services aux Autochtones et ministre responsable de l'Agence fédérale de développement économique pour le Nord de l'Ontario, l'informant que M. Lovell avait contacté le bureau de son ancien employeur, M. Badawey, pour solliciter une rencontre avec l’Independent First Nations Alliance, un client de M. Lovell. Ce même employé a demandé si une rencontre entre M. Badawey et M. Lovell serait appropriée compte tenu de son emploi antérieur au bureau de M. Badawey.
Des renseignements accessibles au public démontraient que M. Lovell avait travaillé non seulement pour les bureaux parlementaires pendant plus de quatre ans et pour les campagnes de réélection de M. Badawey en 2019 et en 2021, mais aussi qu'il avait déposé un rapport de communication avec M. Badawey au nom d’un de ses clients dans le Registre des lobbyistes en tant que lobbyiste-conseil au sein de Sussex Strategy. Considérés dans leur ensemble, ces renseignements ont soulevé des inquiétudes selon lesquelles M. Lovell aurait organisé des rencontres et/ou exercé des activités de lobbying auprès d'un titulaire d'une charge publique avec lequel il entretenait une relation qui pourrait vraisemblablement faire croire à la création d’un sentiment d'obligation, contrairement aux règles 7 et/ou 8 du Code de 2015, qui était en vigueur à l'époque.
Processus
Le 21 juin 2022, une évaluation préliminaire a été lancée afin de déterminer s'il y avait lieu de croire que M. Lovell aurait pu enfreindre les règles 7 et/ou 8 du Code de 2015. La période sous revue s’est étendue du 2 mai 2022, date à laquelle M. Lovell s'est enregistré pour la première fois en tant que lobbyiste-conseil dans le Registre des lobbyistes, jusqu’à la fin juin 2022, mois au cours duquel des préoccupations ont été soulevées pour la première fois auprès du CAL.
Le 27 juin 2022, la directrice de la conformité du CAL a informé M. Lovell par courriel que des préoccupations avaient été soulevées concernant son respect du Code de 2015 et ses activités de lobbying alors en cours avec M. Badawey au nom de son client, l'Independent First Nations Alliance. Dans ce message, la directrice de la conformité a informé M. Lovell non seulement que l'affaire avait été renvoyée à la Direction de la conformité du CAL pour un examen plus approfondi, mais aussi que des précisions pourraient lui être demandées et qu’il pourrait, à tout moment, faire part au CAL toutes les représentations qu'il souhaiterait formuler.
Dans le cadre de l’évaluation préliminaire, le CAL a examiné les déclarations d'enregistrement de lobbyiste-conseil et les rapports de communication connexes que M. Lovell a déposés dans le Registre des lobbyistes. Cet examen a révélé que M. Lovell avait déclaré avoir eu deux communications avec M. Badawey en sa qualité de député : une communication concernant « l'infrastructure » qui a eu lieu le 30 mai 2022 au nom de l'Independent First Nations Alliance (IFNA) et une communication concernant « l'agriculture » qui a eu lieu le 16 juin 2022 au nom des Grain Farmers of Ontario (GFO).
Selon les renseignements susmentionnés, j'ai estimé qu'il y avait suffisamment de raisons de croire qu'une enquête était nécessaire pour assurer la conformité au Code de 2015. Par conséquent, le 29 juillet 2022, j'ai ouvert une enquête en vertu du paragraphe 10.4(1) de la Loi.
Le 5 août 2022, avant d'informer M. Lovell de l'enquête, le CAL a demandé de l’information à M. Badawey afin de confirmer que M. Lovell n'était pas un ancien « titulaire d’une charge publique désignée » selon la définition énoncée au paragraphe 2(1) de la Loi et, par conséquent, qu’il n’était pas assujetti à l’interdiction quinquennale de faire du lobbying énoncée au paragraphe 10.11(1) de la Loi. Le même jour, le bureau de M. Badawey a fourni des documents pertinents confirmant que M. Lovell était employé par M. Badawey en sa qualité de député et non dans le cadre de son rôle de secrétaire parlementaire. À ce titre, M. Lovell n’était pas un ancien titulaire d’une charge publique désignée au sens de la Loi et n’était donc pas assujetti à l’interdiction quinquennale de faire du lobbying.
Le 14 septembre 2022, j'ai informé M. Lovell par lettre que j'avais ouvert une enquête pour déterminer si, en organisant des rencontres avec M. Badawey et/ou en exerçant des activités de lobbying auprès de ce dernier au nom de l’un ou des deux de ses clients, l'IFNA et les GFO, il avait enfreint les règles 7 et/ou 8 du Code de 2015, respectivement. Dans cette lettre, j’ai décrit la procédure d'enquête du CAL en termes généraux et j’ai avisé M. Lovell qu'il pouvait, à tout moment, présenter toutes les représentations qu'il souhaitait faire.
Le 1er novembre 2022, M. Badawey a participé à un entretien en personne avec le CAL. À la suite de cet entretien, M. Badawey a fourni des renseignements et des documents supplémentaires. Ces informations concernaient l'emploi de M. Lovell au bureau de député de M. Badawey à Ottawa et dans ses campagnes de réélection de 2019 et 2021. Elles concernaient également les communications que M. Lovell a eues avec M. Badawey et son personnel en mai et juin 2022 après que M. Lovell eut commencé à travailler comme lobbyiste-conseil au sein de Sussex Strategy. Parmi ces communications, il y avait une série de courriels indiquant que M. Lovell avait communiqué avec M. Badawey dans le but apparent d'organiser une rencontre avec M. Badawey au nom d'un troisième client, Welded Tube of Canada Corp. (Welded Tube).
Le 5 janvier 2023, j'ai communiqué avec M. Lovell par lettre pour planifier un entretien en personne au CAL. Dans cette lettre, j'ai informé M. Lovell qu'en plus des rapports de communication dont il a été question dans ma lettre du 14 septembre 2022, l'enquête prendrait en compte d'autres instances dans lesquelles il aurait communiqué avec M. Badawey ou son bureau pour organiser des rencontres avec M. Badawey pour ses clients, y compris Welded Tube. J’ai aussi avisé M. Lovell que l’enquête prendrait en compte sa participation aux campagnes de réélection de M. Badawey en 2019 et 2021 et je lui ai demandé de fournir certains documents pertinents avant l'entretien.
À la suite de ma lettre du 5 janvier 2023, le CAL et l’avocat de M. Lovell ont eu de multiples échanges dont les plus notables sont décrits ci-dessous.
Le 6 février 2023, M. Lovell a fourni six chaînes de courriels entre M. Lovell et M. Badawey et son bureau concernant les clients de M. Lovell.
Après un échange de correspondance supplémentaire avec le CAL par l'intermédiaire de son avocat, M. Lovell a indiqué qu'il préférait fournir une déclaration écrite plutôt que d'assister à l'entretien d'une heure qui lui avait été demandé. Le CAL a informé M. Lovell que la commissaire répondrait à cette préférence en acceptant sa réponse sous forme d'un affidavit sous serment.
Le 27 février 2023, M. Lovell a fourni un affidavit sous serment dans lequel il répondait à certains des sujets que le CAL lui avait demandé d'aborder, mais pas à tous. En particulier, M. Lovell n'a fait aucun commentaire sur les communications spécifiques qu'il aurait eues avec M. Badawey pour le compte de ses clients.
Les 7 et 27 mars 2023, le CAL a mené des entretiens avec Mme Kaitlyn Peters. Mme Peters a occupé le poste d'adjointe parlementaire de M. Badawey en sa qualité de député de janvier à septembre 2022. À ce titre, elle avait une connaissance directe et personnelle du rôle de M. Lovell dans le bureau de M. Badawey et aussi des communications de M. Lovell avec M. Badawey et son personnel en mai et juin 2022.
Le 20 juin 2023, par l’entremise de son avocat, j’ai envoyé un exposé préliminaire des faits présentant les renseignements recueillis à date au cours de l’enquête et je lui ai demandé de fournir les représentations qu’il souhaiterait formuler. Après avoir reçu des engagements de confidentialité signés par M. Lovell et son avocat, j’ai également transmis à M. Lovell toute la preuve documentaire sur laquelle l’exposé préliminaire des faits a été fondé.
Le 29 septembre 2023, à la suite d’autres échanges entre le CAL et son avocat, M. Lovell a fourni des représentations, y compris une affirmation générale qu’il n’a assisté à aucune rencontre entre ses clients pertinents à l’enquête et M. Badawey. J’ai pris en compte les représentations de M. Lovell dans la préparation d’un rapport préliminaire d’enquête en vue d’obtenir ses représentations.
Le 18 décembre 2023, après avoir reçu une deuxième série d’engagements de confidentialité signé par M. Lovell et son avocat, je leur ai fourni une copie préliminaire du rapport d’enquête afin d’offrir à M. Lovell l’occasion de faire ses représentations avant de finaliser le rapport selon le paragraphe 10.4(5) de la Loi.
Le 11 février, 2024, j’ai reçu une lettre de l’avocat de M. Lovell faisant état des représentations de son client, qui sont attentivement examinées à l’annexe A de ce rapport.
Constatations et analyse
L'enquête visait à déterminer si M. Lovell avait enfreint les règles 7 (Accès préférentiel - Organisation d'une rencontre) et/ou 8 (Accès préférentiel - Lobbying) du Code de 2015 en organisant des rencontres avec et/ou en exerçant des activités de lobbying auprès d’un titulaire d’une charge publique avec qui il entretenait une relation qui pourrait vraisemblablement faire croire à la création d’un sentiment d'obligation, notamment son ancien employeur M. Badawey.
Les déclarations de lobbying de Mr. Lovell pertinentes à l’enquête
Au début du mois de mai 2022, moins d'une semaine après avoir cessé d'être employé dans les bureaux parlementaires de M. Badawey, M. Lovell s'est enregistré en tant que lobbyiste-conseil au nom de clients. Trois enregistrements sont pertinents à l’enquête et sont décrits ci-dessous.
Le 2 mai 2022, M. Lovell s'est enregistré en tant que lobbyiste-conseil pour l'Independent First Nations Alliance (IFNA). Dans cet enregistrement (951864-371781), M. Lovell a indiqué son intention d'utiliser des techniques de communication écrite, orale et d’appel au grand public, ainsi que d'organiser des rencontres au nom de l'IFNA pour exercer des activités de lobbying auprès de 11 institutions gouvernementales, y compris la Chambre des communes. Cette inscription faisait également état d’une variété de sujets d’intérêts généraux, dont « l’infrastructure », ainsi qu'un sujet spécifique, à savoir « la recherche de financement pour un projet concernant des routes et des ponts » [traduction].
Le 2 mai 2022, M. Lovell s'est également enregistré en tant que lobbyiste-conseil pour la Welded Tube of Canada Corp. (Welded Tube). Cet enregistrement (951864-371782), indique l'intention de M. Lovell d'utiliser des techniques de communication écrite et orale, et d'organiser des rencontres pour le compte de la Welded Tube en vue d’exercer des activités de lobbying auprès de trois institutions gouvernementales, y compris la Chambre des communes. L'enregistrement de M. Lovell précise trois sujets, notamment « le développement économique », « l’environnement » et « l’industrie » ainsi qu’un détail, soit « obtenir des contributions financières du gouvernement fédéral pour la modernisation d’installations » [traduction].
Le 3 mai 2022, M. Lovell s'est enregistré en tant que lobbyiste-conseil pour les Grain Farmers of Ontario (GFO) (951864-373783). Cet enregistrement indique l'intention de M. Lovell d'utiliser des techniques de communication écrite et orale, et d'organiser des rencontres au nom des GFO en vue d’exercer des activités de lobbying auprès de 16 institutions gouvernementales, y compris la Chambre des communes, en ce qui concerne « l’agriculture », entre autres sujets. Selon l’enregistrement, « La politique du Canada concernant le système de tarification du carbone et traitement des combustibles pour le séchage des céréales » [traduction] est l'un des sujets spécifiques sur lesquels M. Lovell comptait faire du lobbying auprès de titulaires d'une charge publique.
Application du Code de déontologie des lobbyistes
Comme le prévoit le paragraphe 10.3(1) de la Loi, les personnes qui sont tenues de s'enregistrer en tant que lobbyistes-conseils en vertu du paragraphe 5(1) de la Loi doivent également se conformer au Code de déontologie des lobbyistes (le Code).
Par conséquent, M. Lovell est tenu de se conformer au Code depuis qu'il s'est enregistré pour la première fois en tant que lobbyiste-conseil le 2 mai 2022. Au cours de la période pertinente entre mai et juin 2022, l'édition 2015 du Code était en vigueur. Par conséquent, c'est cette version du Code qui a été prise en compte et appliquée dans cette enquête.
Je note qu’en créant son compte d’enregistrement de lobbyiste, M. Lovell a déclaré qu’il comprenait être assujetti aux normes éthiques du Code de déontologie des lobbyistes.
Règles 7 et 8 – Accès préférentiel
Sous le titre « Accès préférentiel », les règles 7 et 8 du Code de 2015 sont libellées comme suit :
7. Un lobbyiste ne doit pas organiser pour une autre personne une rencontre avec un titulaire d’une charge publique lorsque le lobbyiste et le titulaire d’une charge publique entretiennent une relation qui pourrait vraisemblablement faire croire à la création d’un sentiment d’obligation.
8. Un lobbyiste ne doit pas faire de lobbying auprès d’un titulaire d’une charge publique avec lequel il entretient une relation qui pourrait vraisemblablement faire croire à la création d’un sentiment d’obligation.
En tant que député, M. Badawey est « titulaire d'une charge publique » au sens du paragraphe 2(1) de la Loi, ce qui inclut, comme indiqué à l'alinéa (a), les sénateurs et les députés fédéraux ainsi que les membres de leur personnel.
Afin de déterminer si M. Lovell a enfreint les règles 7 et/ou 8, je dois déterminer non seulement si M. Lovell a organisé des rencontres avec et/ou fait du lobbying auprès de M. Badawey, mais aussi si M. Lovell et M. Badawey ont entretenu une relation qui pourrait vraisemblablement faire croire à la création d’un sentiment d'obligation. J'aborderai chacun de ces éléments à tour de rôle.
M. Lovell a-t-il organisé des rencontres entre M. Badawey et ses clients? (Règle 7)
Grain Farmers of Ontario
Le 2 juin 2022, M. Lovell a envoyé un courriel à M. Badawey dans lequel il indiquait que son client, GFO, serait :
[…] à Ottawa le 16 juin et qu’il souhaiterait avoir une rencontre initiale avec vous pour discuter de la sécurité alimentaire actuelle et des problèmes de la chaîne d'approvisionnement mondiale. Il aimerait également prendre le temps de discuter des opportunités et d'examiner les défis auxquels sont confrontés les producteurs de grains de l'Est du Canada. [traduction]
Un membre du personnel de M. Badawey a répondu plus tard dans la journée pour confirmer qu'une rencontre avait été planifiée pour le 16 juin 2022.
Le 13 juin 2022, M. Lovell a répondu par courriel pour confirmer qu’un autre représentant de Sussex Strategy et deux représentants des GFO assisteraient à la rencontre du 16 juin avec M. Badawey.
Lors de son entretien, Mme Peters, adjointe parlementaire de M. Badawey, s'est rappelée avoir reçu ces représentants dans l’enceinte de la Chambre des communes pour les escorter à travers la sécurité et que M. Lovell n'était pas parmi eux.
Welded Tube of Canada Corp.
Le 6 juin 2022, M. Lovell a écrit à Mme Peters au sujet de son client, Welded Tube. Dans ce courriel, dont le chef de cabinet de M. Badawey a reçu une copie, M. Lovell a déclaré : « Je vous écris aujourd’hui pour convenir d’une date et d’une heure en juillet pour que M. Badawey puisse visiter le site de la Welded Tube à Welland. Veuillez m’indiquer ce qui convient le mieux à votre équipe. » [traduction] Le lendemain, M. Lovell et Mme Peters ont convenu d’une visite pour le 4 juillet 2022 à 15 heures.
M. Lovell et Mme Peters ont continué à échanger des courriels pour planifier la visite jusqu’au 21 juin 2022, date à laquelle M. Lovell a présenté, par courriel, un représentant de son client Welded Tube afin que ce dernier et Mme Peters puissent discuter des détails de la visite.
Constatation concernant l’organisation de rencontres
Considérées dans leur ensemble, les preuves documentaires fournies par M. Lovell et le bureau de M. Badawey, ainsi que le témoignage de Mme Peters, établissent que, pour les deux occasions susmentionnées, M. Lovell a pris des dispositions pour que ses clients, GFO et Welded Tube, rencontrent M. Badawey. M. Lovell a affirmé de façon générale qu’il n’a assisté à aucune rencontre avec ses clients et M. Badawey. Or, je note que, pour qu'une rencontre soit organisée pour une autre personne au sens de la règle 7, il n'est pas pertinent de savoir si le lobbyiste y a assisté.
Par conséquent, je conclus que M. Lovell a organisé des rencontres au sens de la règle 7 du Code de 2015 pour chacun de ses clients, GFO et Welded Tube, avec M. Badawey.
M. Lovell a-t-il fait du lobbying auprès M. Badawey ? (Règle 8)
Independent First Nations Alliance
Dans le cadre de son enregistrement pour l’IFNA, M. Lovell a déposé un rapport de communication mensuel (371781-533206) dans le Registre des lobbyistes. Dans ce rapport, M. Lovell a déclaré avoir communiqué avec M. Badawey le 30 mai 2022 au sujet de « l’infrastructure » ce qui est conforme à l’enregistrement décrit ci-dessus.
Au cours de son entretien, M. Badawey a déclaré qu'il n’avait pas souvenir de cette communication et, après avoir examiné son agenda, il n'a trouvé aucune indication qu'une telle rencontre avait eu lieu.
Lors de son entretien, Mme Peters s’est rappelée qu’au cours de la période entre mai et juin 2022, M. Badawey lui avait affirmé que lui et M. Lovell s’étaient croisés lors d’un événement. Mme Peters a également noté que M. Lovell avait mentionné avoir parlé de l'IFNA à M. Badawey lors d'une réception organisée le 30 mai 2022.
Grain Farmers of Ontario
Dans un courriel du 13 juin 2022 envoyé au bureau de M. Badawey, M. Lovell a joint un document intitulé « Séance d’information pour les bureaux de députés » [traduction]. Ce document d'information cerne de nombreuses priorités pour le client de M. Lovell, GFO, en ce qui concerne une série de changements apportés à la politique agricole et d'autres mesures, y compris la tarification du carbone.
Le contenu de ce document d'information reflète à la fois le sujet général (« agriculture ») et le sujet spécifique (« La politique du Canada concernant le système de tarification du carbone et traitement des combustibles pour le séchage des céréales » [traduction]) énoncés dans l'enregistrement de M. Lovell en tant que lobbyiste conseil au nom des GFO, comme indiqué ci-dessus.
M. Lovell a également déposé un rapport mensuel de communication pour son client, GFO (371783-540327), dans lequel il a déclaré avoir communiqué avec M. Badawey le 16 juin 2022 pour discuter « d’agriculture ».
Au cours de l'entretien, M. Badawey a reconnu que, à l’instar de la communication déclarée par M. Lovell dans le Registre des lobbyistes, une rencontre avec les GFO le 16 juin 2022 figurait dans son agenda. Toutefois, il n’avait pas de souvenir particulier de cette rencontre.
En ce qui concerne les rapports de communication susmentionnés déposés pour l’IFNA et les GFO, M. Lovell n'a fourni aucun détail sur ces communications ni dans son affidavit sous serment, ni en répondant à l’exposé préliminaire des faits ou du rapport préliminaire d’enquête qui lui ont été fournis en vue d’obtenir ses représentations.
Comme il est indiqué ci-dessus, Mme Peters s'est rappelée que M. Lovell n'était pas avec les représentants des GFO lorsqu'ils ont rencontré M. Badawey le 16 juin 2022. M. Lovell a également affirmé de manière générale dans ses représentations écrites qu'il n'avait assisté à aucune rencontre avec ses clients et M. Badawey. À la lumière de cette affirmation générale et compte tenu du fait que les lobbyistes-conseils sont tenus de déclarer leurs propres communications orales et organisées avec les titulaires d'une charge publique désignée, je considère que le fait que M. Lovell ait déposé un rapport de communication dans le Registre des lobbyistes concernant une communication du 16 juin 2022 au nom des GFO indique qu'il a communiqué avec M. Badawey le même jour, sans ses clients.
Toutefois, dans la mesure où M. Lovell n'a pas eu sa propre communication distincte avec M. Badawey le 16 juin 2022, il est possible que M. Lovell ait déposé par erreur le rapport de communication relatif à la communication du 16 juin 2022. Bien qu'il ait eu de nombreuses occasions de le faire, M. Lovell n'a fourni aucune information ou explication pour clarifier les circonstances factuelles de ce rapport de communication.
Constatation concernant le lobbying
Compte tenu des communications que M. Lovell a déposées dans le Registre des lobbyistes et des documents recueillis au cours de l'enquête, y compris le document d'information fourni au nom des GFO, je conclus que M. Lovell a exercé des activités de lobbying auprès de M. Badawey au sens de la règle 8 du Code de 2015 à au moins deux occasions distinctes : une fois au nom de l'IFNA le 30 mai 2022 et une fois au nom des GFO le 13 juin 2022. Dans la mesure où M. Lovell a communiqué avec M. Badawey le 16 juin 2022, tel qu’il est indiqué dans le rapport de communication, M. Lovell aurait fait du lobbying auprès de M. Badawey une troisième fois.
M. Lovell et M. Badawey ont-ils entretenu une relation qui pourrait vraisemblablement faire croire à la création d’un sentiment d’obligation ? (Règles 7 et 8)
Les règles 7 et 8 interdisent à tout lobbyiste d'organiser une rencontre avec et de faire du lobbying auprès d’un titulaire d'une charge publique avec lequel il entretient une relation qui « pourrait vraisemblablement faire croire à la création d’un sentiment d'obligation ». Aux fins de ces règles, l'expression « pourrait vraisemblablement faire croire » signifie que la relation du lobbyiste avec le titulaire d'une charge publique doit être évaluée selon une norme objective, à savoir si un observateur raisonnable, informé de toutes les circonstances factuelles pertinentes, conclurait vraisemblablement que le lobbyiste et le titulaire d'une charge publique entretiennent une relation qui crée un sentiment d'obligation.
À cet égard, il convient de souligner qu'il n'est pas nécessaire qu'un sentiment d'obligation existe dans les faits pour que cette norme objective soit respectée. De même, la question de savoir si cette norme objective est respectée ne repose pas sur la croyance subjective du lobbyiste ou du titulaire d'une charge publique de l’existence d'un sentiment d'obligation.
Pour aider à déterminer si une relation pourrait « vraisemblablement faire croire à la création d’un sentiment d'obligation », le CAL a publié en 2019 un document d'orientation intitulé « Lignes directrices pour atténuer les conflits d'intérêts découlant de l’accès préférentiel » (Lignes directrices sur l’accès préférentiel), qui traite spécifiquement des règles 7 et 8 du Code de 2015 et souligne que :
Les relations avec un titulaire d'une charge publique qui comportent des liens familiaux, des amis proches, des partenariats d'affaires ou d'autres liens personnels ou professionnels qui peuvent créer un sentiment d'obligation de la part de ce titulaire d'une charge publique risquent fort de donner l'impression que vous avez un accès préférentiel à ceux-ci.
C’est donc dire que, les lobbyistes qui entretiennent des liens professionnels étroits avec des titulaires de charges publiques peuvent vraisemblablement être considérés comme entretenant des relations qui créent un sentiment d'obligation de la part du titulaire d’une charge publique.
Emploi au bureau de M. Badawey
M. Lovell a commencé à travailler au bureau de M. Badawey à Ottawa le 19 février 2018. L'emploi de M. Lovell dans ce bureau a pris fin le 29 avril 2022. Au cours de son mandat, M. Lovell a occupé le poste d’« adjoint législatif » [traduction], qui a également été décrit comme « adjoint exécutif » [traduction] par M. Badawey, Mme Peters et M. Lovell lui-même, puis comme « adjoint du député » [traduction] par les services des ressources humaines de la Chambre des communes.
Dans son affidavit, M. Lovell a déclaré : « En tant qu'adjoint exécutif de M. Badawey, ma principale responsabilité était d’appuyer la réalisation des priorités du bureau, qui couvraient un large éventail de sujets, principalement des questions relatives aux circonscriptions locales » [traduction].
Au cours de l'entretien, M. Badawey a déclaré que M. Lovell avait gagné sa confiance après un an dans son bureau et qu’il avait progressivement assumé davantage de responsabilités et développé « une relation de type chef de cabinet avec l'équipe et s'occupait des questions exécutives, des questions législatives [à Ottawa] ainsi que des comités et de la structure de l'équipe, non seulement [à Ottawa] mais aussi dans le bureau de circonscription » [traduction].
Selon M. Badawey, M. Lovell relevait directement de lui, tandis que les autres membres du personnel relevaient de M. Lovell qui, à son tour, dirigeait les réunions d'équipe, gérait les aspects budgétaires du bureau et s’assurait que « rien n’était laissé au hasard en ce qui concerne le travail au nom des citoyens de la circonscription, mais aussi pour certains des travaux que nous faisions [à Ottawa] avec les comités et, bien sûr, pour mes fonctions à la Chambre » [traduction].
Pendant le mandat de M. Lovell, M. Badawey était président du Comité permanent des transports de la Chambre des communes. Selon M. Badawey, M. Lovell préparait l'ordre du jour des réunions du Comité et assurait la liaison avec les ministères gouvernementaux concernés pour élaborer les questions à poser à certains témoins qui comparaissaient devant le Comité. À la demande de M. Badawey, M. Lovell a également rencontré fréquemment des parties prenantes en son nom et lui a rendu compte de ces rencontres.
Au cours de son entretien, Mme Peters a expliqué entretenir avec M. Lovell une relation positive de type « mentor », et a décrit M. Lovell comme étant le « bras droit » [traduction] de M. Badawey et « la personne qui recevait les appels téléphoniques à 22 heures » [traduction]. Elle a également indiqué que M. Lovell gérait les finances du bureau et qu'il coordonnait le travail de M. Badawey au sein des comités et les relations avec les parties prenantes. Selon Mme Peters, M. Badawey respectait M. Lovell et considérait qu'après avoir travaillé ensemble pendant quatre ans, ils entretenaient une « relation étroite » [traduction].
Au cours de son entretien, M. Badawey a déclaré que lui et M. Lovell avaient des échanges fréquents et directs, sur une base plus que quotidienne, lorsque M. Lovell travaillait dans son bureau, et qu'il en était venu à se fier à l'opinion de M. Lovell. M. Badawey a également confirmé que lui et M. Lovell entretenaient une relation de confiance.
M. Badawey et M. Lovell ont tous deux déclaré qu'ils ne se voyaient pas et ne se voient pas sur le plan social ou en dehors de leur environnement de travail, sauf occasionnellement à des réceptions.
Emploi dans les campagnes de réélection de M. Badawey
Dans son affidavit, M. Lovell a confirmé avoir travaillé sur les campagnes de réélection de M. Badawey en 2019 et 2021. Il a précisé qu'il avait « interagi avec M. Badawey presque quotidiennement pendant les deux périodes de campagne » [traduction] et que chacune de ces périodes avait duré environ un mois et demi. M. Lovell a également indiqué qu'il n'avait pas reçu de titre spécifique pour son rôle dans la campagne, mais que celui-ci « comprenait généralement un soutien à l'élaboration et à l'exécution de la stratégie, à l'établissement du budget et au soutien opérationnel » [traduction], ce qui supposait également de coordonner les activités de la campagne et de contribuer à la gestion du personnel et des bénévoles, entre autres tâches.
Au cours de son entretien, M. Badawey a rappelé que M. Lovell « avait plutôt bien géré la campagne avec l'équipe » [traduction]. Il a ensuite précisé que M. Lovell était chargé de « gérer tous les aspects de la campagne qui ne sont pas financiers » [traduction]. M. Badawey a fourni une copie d'un contrat non signé portant le nom de M. Lovell et indiquant que, du 14 août 2021 au 26 septembre 2021, M. Lovell aurait occupé un poste rémunéré pour rendre divers services pour la campagne « incluant notamment la stratégie de la campagne, la budgétisation et le leadership opérationnel du candidat » [traduction].
Selon M. Badawey, M. Lovell a été employé pour les deux campagnes en tant que « gestionnaire de la campagne » [traduction] et les mêmes conditions auraient été appliquées aux campagnes de 2019 et 2021.
Dans son affidavit, M. Lovell a indiqué que son rôle dans les campagnes de réélection « consistait généralement à contribuer à l'élaboration et à l'exécution de la stratégie, à l'établissement du budget et au soutien opérationnel » [traduction]. Son rôle consistait également à « coordonner les activités de la campagne, à contribuer à la gestion du personnel, des bénévoles et à effectuer diverses tâches » [traduction]. M. Lovell a également expliqué que dans le cadre des deux campagnes il « a contribué à toutes les activités pour lesquelles il était disponible lorsque le besoin s'en faisait sentir, y compris le démarchage, l’établissement du calendrier, les activités de coordination, les réunions, les relations avec les médias et la recherche ou l'organisation d'autres activités de mobilisation avec les électeurs » [traduction].
Déclarations de M. Lovell concernant sa relation avec M. Badawey
Dans son affidavit, M. Lovell a déclaré : « Aujourd'hui, je conçois ma relation avec M. Badawey comme celle d’un ancien employé de son bureau. Il y a des chevauchements occasionnels entre mon rôle de consultant en relations gouvernementales et le sien en tant qu'élu de la circonscription fédérale de Niagara-Centre » [traduction].
Dans le cadre d'autres observations écrites, M. Lovell a souligné « qu'il estime que sa relation avec M. Badawey est celle d'un ancien employé d'un ancien employeur. [Selon lui,] aucun aspect de sa relation avec M. Badawey ne revêt un quelconque sentiment d’obligation » [traduction].
Constatation concernant la relation entre M. Lovell et M. Badawey
Déterminer si une relation peut vraisemblablement faire croire à la création d’un sentiment d’obligation ne repose pas sur le point de vue subjectif du lobbyiste ou du titulaire d'une charge publique concernant leur relation, mais plutôt sur une évaluation objective des circonstances factuelles pertinentes.
Le dossier de preuve exposé ci-dessus démontre que M. Lovell et M. Badawey ont entretenu une relation étroite et professionnelle comportant de fréquentes interactions significatives pour une période de quatre ans durant lesquels il a travaillé avec M. Badawey. M. Badawey comptait sur M. Lovell dans son rôle de « chef de cabinet » [traduction] pour lui apporter un soutien stratégique et opérationnel essentiel dans ses fonctions parlementaires, à la fois pour gérer ses bureaux à Ottawa et dans la circonscription, pour le représenter auprès des parties prenantes lors de rencontres et pour l'aider dans sa participation aux travaux de comités. En outre, M. Badawey a fait confiance à M. Lovell pour gérer deux campagnes de réélection successives qui ont permis à M. Badawey de conserver son siège à la Chambre des communes.
À mon avis, un observateur objectif, informé du haut degré de confiance que M. Badawey a placé en M. Lovell pendant les quatre ans au cours desquels M. Lovell a travaillé pour M. Badawey dans ses bureaux parlementaires, ainsi qu’un rôle important, équivalent à un gestionnaire de campagne, que M. Lovell a joué dans les deux campagnes de réélection réussies de M. Badawey en 2019 et 2021, pourrait raisonnablement conclure que M. Lovell et M. Badawey entretenaient une relation qui pourrait vraisemblablement faire croire à la création d’un sentiment d'obligation.
En tout état de cause, on peut raisonnablement croire que ce sens de l'obligation était particulièrement aigu au moment où M. Lovell a commencé à communiquer avec M. Badawey en tant que lobbyiste-conseil en mai 2022, étant donné qu'il n'avait cessé de travailler pour M. Badawey qu'à la fin du mois d'avril 2022.
Pour toutes ces raisons, je suis d'avis que M. Lovell et M. Badawey ont entretenu une relation qui peut vraisemblablement faire croire à la création d’un sentiment d'obligation au sens des règles 7 et 8 du Code de 2015.
Conclusions
À la lumière de tous les renseignements recueillis dans le cadre de cette enquête, je conclus que M. Lovell a organisé des rencontres avec M. Badawey au nom des Grain Farmers of Ontario et de la Welded Tube of Canada Corp. et qu'il a fait du lobbying auprès de M. Badawey au nom de l'Independent First Nations Alliance et des Grain Farmers of Ontario. J'estime en outre que M. Lovell a entretenu avec M. Badawey, titulaire d’une charge publique, une relation qui pourrait vraisemblablement faire croire à la création d’un sentiment d’obligation.
Par conséquent, je conclus que M. Lovell a enfreint les règles 7 et 8 du Code de 2015.
En guise d'observation finale, je note que le 1er juillet 2023, le Code de déontologie des lobbyistes (2023) est entré en vigueur, remplaçant la version 2015 du Code prise en compte dans le présent rapport. Bien que le libellé des règles 7 et 8 du Code ne soit plus en vigueur, les règles du Code mis à jour en 2023 prévoient aussi qu’un lobbyiste ne peut faire du lobbying (ce qui inclut, pour un lobbyiste-conseil, l’organisation de rencontre) auprès d'un titulaire d’une charge publique dans des circonstances où ce titulaire pourrait raisonnablement être considéré comme ayant un sentiment d'obligation à l'égard du lobbyiste.
Annexe A
Les représentations de M. Lovell et la réponse de la commissaire
Le 18 décembre 2023, mon bureau a transmis à M. Lovell une copie préliminaire du rapport d’enquête (le rapport préliminaire) et l’a invité à me fournir ses représentations pour considération dans la finalisation du rapport. Le 11 février 2024, par l’intermédiaire de son avocat, M. Lovell a fait des représentations sur le rapport préliminaire dans lesquelles il alléguait que l’enquête sur sa conduite soulevait des préoccupations d’équité procédurale et de justice naturelle, que les conclusions contenues dans rapport préliminaire étaient donc insoutenables et que celui-ci contenait des erreurs de fait, de droit, et des erreurs mixtes de fait et de droit.
En ce qui concerne l'équité procédurale, M. Lovell a invoqué la partialité, l'absence de participation significative et informée, et les délais. En ce qui concerne les erreurs dans le rapport, il a allégué que les règles 7 et 8 du Code de déontologie des lobbyistes (2015) (Code de 2015) étaient vagues et qu’en analysant la relation entre M. Lovell et M. Badawey aux fins des règles 7 et 8, j'avais ignoré les points de vue subjectifs des parties à cette relation.
L'avocat de M. Lovell a demandé que je révise mes constatations pour conclure que M. Lovell n'avait pas enfreint les règles 7 ou 8 du Code de 2015 ou, dans l’alternative, que je lui accorde un délai de 30 jours pour examiner mon rapport d'enquête final avant qu'un tel rapport ne soit communiqué pour dépôt au Parlement.
Le 13 février 2024, le conseiller juridique du CAL a fait part à M. Lovell de ses propres réactions préliminaires aux représentations de ce dernier.
J'ai examiné attentivement les représentations de M. Lovell datées du 11 février 2024 ainsi que les réactions préliminaires du conseiller juridique du CAL. Je suis convaincue que cette enquête s'est déroulée dans le respect des règles de l’équité procédurale et qu'elle n'a pas été marquée par les erreurs alléguées et décrites par M. Lovell dans ses représentations.
En ce qui concerne l'allégation de partialité inconsciente soulevée par M. Lovell, son affirmation selon laquelle j'aurais été influencée par le processus de consultation en vue de mettre à jour le Code de déontologie des lobbyistes au moment où je menais mon enquête sur la conduite de M. Lovell n’a pas de fondement. L'allégation de M. Lovell selon laquelle la simple coexistence de ces deux processus parallèles donnerait lieu à une crainte raisonnable de partialité inconsciente est non fondée. La consultation du Code et mon enquête sur la conduite de M. Lovell sont des processus totalement distincts. J'ai évalué la conduite de M. Lovell exclusivement en référence au Code de 2015 en vigueur au moment des circonstances factuelles en cause dans cette enquête. En outre, je note que la nature des règles 7 et 8 du Code de 2015 est reflétée dans la version actualisée du Code de déontologie des lobbyistes en vigueur depuis le 1er juillet 2023 (Code de 2023). Alors que le texte des règles 7 et 8 du Code de 2015 n'est plus en vigueur, les règles du Code de 2023 prévoient aussi qu’un lobbyiste ne peut faire du lobbying (ce qui inclut, pour un lobbyiste-conseil, l’organisation de rencontre) auprès d'un fonctionnaire dans des circonstances où le fonctionnaire pourrait raisonnablement être considéré comme ayant un sentiment d'obligation à l'égard du lobbyiste.
Plusieurs des arguments de M. Lovell relatifs à l'équité procédurale semblent refléter une mauvaise compréhension de la nature du processus d'enquête du CAL. En vertu de la Loi sur le lobbying (la Loi), les enquêtes sous le Code sont de nature inquisitoire et sont menées par la commissaire, qui est mandatée par la Loi à prendre toutes les mesures relatives à ces enquêtes. Cela comprend l'ouverture, la cessation ou le refus de mener une enquête (paragraphes 10.4(1) et (1.1) de la Loi), l'exercice des pouvoirs de contraindre des témoins à comparaître ou à produire des preuves documentaires ou d’assermenter (paragraphe 10. 4(2) de la Loi), de préserver la confidentialité des enquêtes (paragraphe 10.4(3) de la Loi), de donner aux personnes faisant l'objet d'une enquête une possibilité de présenter leur point de vue avant de statuer qu’elle a commis une infraction au Code (paragraphe 10.4(5) de la Loi) et, une fois l'enquête terminée, de préparer un rapport d'enquête au Parlement dans lequel elle motive ses conclusions (paragraphe 10.5(1) de la Loi).
Je tiens à noter que la Loi ne prescrit aucune procédure particulière pour la commissaire à suivre pour donner à la personne faisant l'objet d'une enquête une possibilité de faire des représentations. À mon avis, les procédures d'enquête que j'ai établies et suivies tout au long de cette enquête ont donné à M. Lovell une possibilité plus que raisonnable non seulement de connaître les éléments invoqués dans les allégations au dossier, mais aussi d'être entendu et de présenter son point de vue, y compris ce qui suit:
- Le 14 septembre 2022, j'ai envoyé à M. Lovell une lettre l'informant que j'avais ouvert une enquête sur sa conduite, exposant les allégations et le texte du Code de 2015, décrivant la procédure d'enquête en termes généraux et l’invitant à faire ses représentations à tout moment;
- Le 5 janvier 2023, j'ai envoyé une deuxième lettre à M. Lovell pour lui communiquer des informations supplémentaires recueillies dans le cadre de cette enquête et pour l'informer que ces informations donnaient lieu à des allégations supplémentaires en vertu des règles 7 et 8 du Code de 2015;
- Dans cette même lettre, j'ai invité M. Lovell à participer à un entretien en personne pour répondre à des questions sur les circonstances factuelles en cause dans cette enquête. En réponse à la préférence exprimée par M. Lovell de fournir des réponses écrites à mes questions, j'ai accepté que M. Lovell fournisse un affidavit sous serment au lieu de participer à un entretien en personne. J'ai ensuite exposé les points que M. Lovell devait aborder dans son affidavit et je lui ai fourni des pièces relatives à ces points. J'ai également indiqué que M. Lovell pouvait inclure toute autre information qu'il souhaiterait fournir dans son affidavit;
- Le 20 juin 2023, j'ai transmis à M. Lovell un exposé préliminaire des faits en vue d’obtenir ses représentations. J'ai aussi fourni à M. Lovell les preuves documentaires sur lesquelles je m'étais appuyée pour préparer cet énoncé des faits, qui lui a été remis le 9 août 2023, après l'exécution d'engagements de confidentialité. J'ai pris ces mesures compte tenu du fait que M. Lovell n'avait pas abordé certaines des circonstances factuelles en cause et avant de formuler des constatations ou des conclusions concernant les allégations faisant l'objet de l'enquête; et
- Le 18 décembre 2023, j'ai remis à M. Lovell un rapport préliminaire afin d'obtenir ses représentations. J'ai confirmé que M. Lovell était déjà en possession de toutes les preuves documentaires sur lesquelles je m'étais appuyée pour préparer le rapport préliminaire.
Je considère avoir fait preuve, tout au long de cette enquête, d'une volonté répétée d’adapter les diverses demandes procédurales formulées par M. Lovell, y compris en octroyant de multiples demandes de prolongation de délai et en accueillant sa préférence de fournir des réponses par écrit plutôt que de se présenter à un entretien en personne. J’ai également ajouté un mécanisme d’équité procédurale supplémentaire en fournissant à M. Lovell un exposé préliminaire des faits ainsi que les preuves documentaires sur lesquelles je me suis appuyée afin qu'il puisse faire des déclarations sur les circonstances factuelles en cause dans la présente enquête. Ces mesures ont facilité la capacité de M. Lovell à présenter son point de vue à de multiples moments au cours de ce processus d’enquête.
En ce qui concerne l'allégation de M. Lovell selon laquelle l’enquête aurait pris un temps déraisonnable, je ne suis pas d’accord. En tout état de cause, je note que ses propres demandes de plusieurs longues prolongations de délai ont contribué à la durée de l'enquête. Plus précisément, à au moins quatre reprises, j'ai accepté de prolonger le délai accordé à M. Lovell pour faire ses représentations, dont deux fois pour une durée de plus de quatre semaines. En outre, le fait que M. Lovell ait préféré une déclaration écrite au lieu d’un entretien en personne a également contribué à la durée de cette enquête.
En ce qui concerne l'argument de M. Lovell selon lequel il a été obligé de prendre des engagements de confidentialité pour avoir accès aux preuves documentaires et au rapport préliminaire, la Loi établit un régime de confidentialité fort et obligatoire qui exige que la commissaire et toute personne agissant en son nom ou sous ses ordres maintiennent la confidentialité de toutes les informations liées à l'enquête. Ce régime de confidentialité est renforcé par les protections parallèles prévues à l'article 16.2 de la Loi sur l'accès à l'information. Conformément à ma pratique habituelle, j'ai demandé à M. Lovell et à son avocat de signer des engagements visant à préserver la confidentialité des documents liés à l'enquête, une pratique qui s’accorde aux exigences de la Loi.
En ce qui concerne l'argument de M. Lovell selon lequel j'aurais ignoré les opinions subjectives des parties, je répondrais par les deux remarques suivantes. Premièrement, il n'est pas exact de dire que j'ai ignoré les opinions subjectives de M. Badawey ou de M. Lovell. Tant le rapport préliminaire que le présent rapport final d'enquête reflètent avec exactitude le témoignage de M. Badawey ainsi que les représentations et l’affidavit de M. Lovell. Pour parvenir à mes constations et conclusions dans le cadre de cette enquête, j'ai pris en compte toutes les informations recueillies, y compris le témoignage de M. Badawey et les représentations de M. Lovell sur la nature de leur relation. Deuxièmement, les règles 7 et 8 interdisent aux lobbyistes d'organiser des rencontres avec des titulaires d’une charge publique ou de faire du lobbying auprès d'eux s'ils entretiennent "une relation qui pourrait vraisemblablement faire croire à la création d’un sentiment d’obligation" (notre soulignement), formulation qui signifie clairement que ces relations sont évaluées sur la base d'une norme objective et non subjective.
En ce qui concerne l'affirmation de M. Lovell selon laquelle les exigences des règles 7 et 8 du Code de 2015 ne sont pas précises ou vérifiables, et que ce manque de spécificité a été exacerbé parce que le CAL n’a pas élaboré ou mis en œuvre un programme éducatif conforme au paragraphe 4.2(2) de la Loi, je ne suis pas du tout d'accord. Le CAL dispose d'un programme d'éducation et de sensibilisation rigoureux qui comprend, entre autres, des séances de formation individuelles et collectives, des services de conseil ainsi que des outils et des informations sur le site Web du CAL, y compris les Lignes directrices sur l’accès préférentiel cité ci-dessus dans ce Rapport. Plus particulièrement, je tiens à noter que, le 2 mai 2022, conformément aux procédures habituelles du CAL, M. Lovell a reçu un courriel de la Direction des enregistrements et des services à la clientèle (DESC) lui présentant son conseiller à l'enregistrement au CAL et indiquant que la DESC était disponible non seulement pour répondre à ses questions, mais aussi pour organiser une séance d'information sur ses obligations en tant que lobbyiste-conseil. M. Lovell n'a saisi aucune de ces deux opportunités. À cette même date, M. Lovell a déclaré, lors de la création de son compte dans le registre des lobbyistes, qu'il comprenait qu'il était soumis aux normes éthiques du Code de déontologie des lobbyistes.
Enfin, M. Lovell a affirmé, sans fondement, que j'aurais commis des erreurs de fait dans le rapport préliminaire. En réponse à cette affirmation, je tiens à réitérer que, bien qu'il ait eu de nombreuses occasions de fournir des représentations, et malgré l'encouragement qu'il a reçu du conseiller juridique du CAL le 13 février 2024, à fournir toute information qu'il pourrait posséder ou toute observation qu'il souhaiterait formuler sur l'exactitude factuelle du rapport préliminaire, M. Lovell a décidé de ne pas fournir d’information concernant de telles prétendues erreurs factuelles.
En conséquence, j'ai examiné attentivement les représentations de M. Lovell sur le rapport préliminaire dans leur intégralité et j'estime qu'elles ne fournissent aucun fondement pour modifier mes constatations et mes conclusions.
Le 26 février 2024, par I’entremise de son avocat, j'ai informé M. Lovell que la Loi sur le lobbying exige que la commissaire, à la conclusion d’une enquête, rédige un rapport d'enquête qui sera déposé au Parlement et qui fait état de ses constatations, de ses conclusions et de ses motifs. J'ai également informé l'avocat de M. Lovell que j'avais terminé mon enquête sur la conduite de M. Lovell après avoir examiné attentivement ses représentations et, par conséquent, que j'allais me conformer aux exigences de la Loi. Je l'ai également avisé que, conformément à la pratique habituelle du CAL, je l'informerais lorsque j'aurais remis mon rapport final d'enquête au Parlement. Ce faisant, j'ai indiqué que, d'après mon expérience passée, ces rapports sont généralement déposés à la Chambre des communes le jour suivant.
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ISBN 978-0-660-70291-9
Also available in English under the title :
Investigation report - Dan Lovell
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